Accès Humanitaire

    Le drame qui a eu lieu dans la soirée du 16 mai, à Muhumba dans la ville de Bukavu, ne risque pas de passer sans laisser certaines lésions psychologiques dans la société. Outre la dizaine de rescapés, plusieurs membres de la communauté pourraient être affectés par les retombées de ce désastre, d’où la nécessité d’une bonne prise en charge.

    D’après Dr Philipe Amani Busane, responsable du Service de psychiatrie et psychologie clinique à l’hôpital général de référence de Panzi, la sérénité apparente que présenterait les rescapés de la randonnée, qui a tourné au désastre n’est que très flatteuse. A l’en croire, tant les rescapés que les proches des défunts courent un sérieux risque de développer un traumatisme lieu à des souvenirs de cet événement impensable.

    A cet effet, à travers une tribune qu’il a partagée à la rédaction de Laprunellerdc.info, le psychiatre Amani Busane suggère aux proches des victimes d’acheminer les patients aux structures médicales qui, en plus des soins physiologiques, offrent un accompagnement psychologique.

    Pour le psychiatre, les différents prestataires psychosociaux de la ville ont été préparés à la prise en charge de ces malades, dont la moindre négligence peut à tout moment compliquer le tableau clinique.

    Voici la tribune « Victimes silencieuses du naufrage de Muhumba sur le lac Kivu » de Dr Philippe Amani Busane.

    « Victimes silencieuses du naufrage de Muhumba sur le lac Kivu

    Compte tenu des événements catastrophiques accidentels  que notre population est entrain de connaitre ce dernier temps, il importe de mettre en valeurs les conséquences psychologiques et psychiatriques de ces événements sur les victimes. Tous nous connaissons bien que le naufrage à Muhumba en date du 16 mai 2019 à 19 heures  a marqué les esprits, tant dans la ville de Bukavu que dans le pays tout entier.

    Nos amis, nos frères et sœurs, ont vécu l’impensable lors d’une randonnée qu’ils ont organisée sur le lac Kivu. Certains y ont malheureusement laissé la vie, mais d’autres en sont quand-même  sortis rescapés. 

    Pour les survivants, la situation semble moins compliquée sur le plan physique mais mentalement tous sont porteurs de traumatisme. Le trauma est un ensemble des blessures psychiques qui découlent d’un fait subi. Ce trauma est responsable des toutes les manifestations que les rescapés du naufrage, et certains membres des disparus, peuvent présenter  pour le moment.

    Il s’agit entre autre des signes tels que le syndrome de répétition, des cauchemars, la phobie de toute situation ainsi que des troubles somatoformes.

    Le syndrome de répétition se traduit par la reviviscence de l’expérience traumatique vécue lors de l’événement. Ces événements peuvent réapparaître sous forme d’hallucinations visuelles mais souvent ils apparaissent  comme des flash-back. Parfois ce sont des hallucinations auditives (répétition portée sur les bruits perçus lors du moment traumatique). La reviviscence peut se reproduire dans la  pensée et la personne aura un vécu comme si l’événement allait se reproduire.

    Quant aux cauchemars, ils se produisent sous-forme de rêves à répétitions intenses, effrayants, désagréables et angoissants. Le sujet participe au rêve et s’y voit comme un acteur.

    Par ailleurs, la phobie de toute situation est le développement d’un événement qui rappelle le drame vécu par  la personne. Des troubles somatoformes, tels que le manque d’appétit, des fatigues intempestives, l’insomnie ainsi que des crises épileptiformes peuvent s’en suivre.

    Comment prévenir la complication de la situation ?

    Devant les signes précédemment cités, les proches des rescapés ne devraient pas perdre trop de temps. Il est impérieux d’acheminer le patient dans une structure sanitaire qui offre des services psychosociaux. Là il devra bénéficier d’un suivi psychologique car à long terme les choses peuvent s’aggraver et le patient finira par développer des signes tels que l’aggravation de la phobie, la reviviscence, l’agressivité, les tentatives de suicides, le trouble du comportement, un trouble de conduite avec l’utilisation abusive de l’alcool et même de la drogue pour anesthésier la souffrance psychique. A ce moment le problème sera déjà chronique, avec peu de chance de la guérison. 

    L’unité de psychologie clinique est déjà bien préparée pour fournir des soins appropriés aux patients. Il ne faut donc pas hésiter à venir consulter les spécialistes car le bien-être de nos enfants en dépend. 

    Dr Philippe AMANI BUSANE

    Chef de Service de psychiatrie et psychologie clinique de l’hôpital général de référence de Panzi

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    Un commentaire

    1. Sifa Ntamwenge on

      Merci cher Dr Amani. A part ce problème , il ya aussi les conséquences psychologiques liées au Covid19 qui nécessite une meilleure prise en charge des survivants et leurs familles,des séances de Psychoéducation dans les familles en particulier et dans les communautés en général pour éviter la stigmatisation et le retrait social.

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