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    Au Sud-Kivu, le Gouvernement provincial dirigé par Théo Ngwabidje a été destitué par l’Assemblée provinciale depuis le 24 novembre dernier. Plus de deux semaines après, le Gouverneur qui a dénoncé des irrégularités, n’a toujours pas déposé sa démission, ni cessé d’exercer ses fonctions. En réaction à la crise politique née de cette déchéance, le Professeur Arnold Nyaluma, Avocat et enseignant de Droit dans plusieurs universités, affirme que le Gouverneur commet une infraction de « rébellion ». Il évoque une peine de prison, notamment pour « usurpation » d’une fonction publique.

    Dans un entretien accordé à Laprunellerdc.info ce week-end, Me Arnold Nyaluma affirme que le Gouverneur devrait démissionner, ou alors faire recours auprès de la justice, au lieu de se faire juge et partie, en appréciant lui-même une décision qui le remet en cause.

    La Prunelle RDC : Professeur Arnold Nyaluma, Bonjour. Le Gouvernement provincial du Sud Kivu a été déchu depuis deux semaines déjà, mais le Gouverneur continue à exercer ses fonctions. Quelle lecture faites-vous de cette situation ?

    Arnold Nyaluma : Disons d’abord que le Gouverneur lui-même est une émanation de l’Assemblée provinciale. Ce sont les députés provinciaux qui votent le Gouverneur et il est de principe en droit administratif que lorsque vous avez un pouvoir d’investiture, vous avez aussi un pouvoir  de desinvestiture. C’est à dire que c’est à l’Assemblée provinciale qu’il revient effectivement de retirer sa confiance dans le chef du Gouverneur.

    Et lors que le Gouverneur perd sa confiance, il ne peut plus continuer à gouverner. Lorsque nous lisons la loi sur la libre administration des provinces, il est dit clairement à son article 42 que lorsque l’Assemblée provinciale adopte une motion de censure, le Gouvernement provincial est réputé démissionnaire. Dans ce cas, le Gouverneur remet la démission du Gouvernement auprès du Président de la République dans les 24 heures.

    Que prévoit la loi si le Gouverneur ne démissionne pas ?

    S’il ne le fait pas, sa démission est d’office. C’est-à-dire, à défaut pour lui de remettre la démission entre les mains du Chef de l’État dans le délai, cela entraine immédiatement la perte de sa qualité de Gouverneur. Après, il peut continuer à agir mais là, il n’agit plus conforment à la loi.

    On sera à ce moment-là dans une sorte de pouvoir de force, d’une occupation illégale des fonctions. C’est ça qu’on va appeler en droit, usurpation des fonctions publiques. Ça serait la même chose pour toutes les personnes qui prennent un territoire et elles le contrôlent. Par exemple, aujourd’hui quand on voit le M23 qui contrôle une partie du territoire national. Ils n’ont aucune habilitation pour le faire. C’est le même cas pour une autorité, dans le cas d’espèce un Gouverneur destitué, et qui continue à exercer. À ce moment-là, on est dans une situation de rébellion.

    Y a-t-il des sanctions prévues par la loi dans ce cas ?

    Ça serait la même chose pour n’importe quel autre citoyen qui se retrouverait entrain d’exercer une fonction à laquelle il n’a pas été désigné. Quelqu’un qui s’autoproclame Bourgmestre, Maire de la ville, Premier Ministre ou Chef de l’État. La faute à ce moment-là, c’est l’usurpation d’une fonction publique. Et cette usurpation peut entrainer une peine de prison.

    Chaque citoyen a l’obligation de respecter les lois et les décisions des autorités publiques. Pour le Gouverneur, les décisions de l’autorité publique, ce sont les décisions qui viennent de l’Assemblée provinciale. Ne pas le faire, ça constitue une infraction de rébellion.

    Comment la population du Sud Kivu devrait-elle se comporter face à cette situation ?

    Je dois dire que nous sommes dans une situation hors norme. Puisque si ceux qui ont l’obligation de faire respecter les lois sont les premiers à les violer, ça signifie qu’on donne à la population un très  mauvais signal. Si on prend par exemple les mamans qui vendent leurs produits sur la chaussée à Nyawera, qu’on leur demande d’évacuer, et qu’elles disent que c’est du théâtre, ça signifie qu’il n’y aura plus d’Etat à un moment donné.

    On peut avoir raison de contester une décision de l’autorité publique. Mais l’arbitre c’est la justice. Quand on n’est pas d’accord avec une décision, on peut faire un recours auprès de la même autorité. Et si ce recours n’est pas satisfaisant, on saisit les cours et tribunaux.

    Mais si chacun de nous doit lui-même apprécier quelles sont les ordres auxquels il peut obéir et quelles sont les ordres auxquels il ne doit pas obéir, alors il aura plus de prisons, impôts, etc. parce que chaque citoyen sera devenu le maître de la légalité.

    Selon vous, y avait-il eu des irrégularités dans la procédure du vote de la motion par les députés ?

    A mon sens non. Il faut dire qu’on a observé les premières irrégularités dans la note du Ministre National de l’Intérieur. La libre administration des provinces ne permet pas au Ministre de l’Intérieur  d’interférer dans le fonctionnement des structures provinciales. On a observé ensuite le déni total de la démocratie, lorsque l’on retrouve des militaires et policiers qui empêchent aux élus de siéger. Le seul endroit où la démocratie s’exprime c’est dans les Assemblées parlementaires. Lorsque vous empêchez aux députés de se réunir pour voter ou pour faire un contrôle parlementaire, ça signifie qu’on est en pleine dénégation des règles élémentaires qui régissent la République.

    Après, est-ce que les députés ont le droit de délocaliser la plénière ? Eh bien Oui ! Le règlement d’ordre intérieur de l’Assemblée provinciale l’autorise. Et le bon sens l’autorise. Puis que quand on vous empêche d’accéder dans votre maison, on ne peut pas quand même vous empêcher de trouver un autre logis.

    Des membres du Bureau de l’Assemblée provinciale étaient visés par des pétitions. Cela ne compte-t-il pas ?

    Je trouve que l’Assemblée provinciale a agi de manière vraiment professionnelle. Le Bureau qui a présidé aux élections, était mis en cause. Là également on a senti une manipulation politicienne. Et donc on crée une situation qui allait empêcher le fonctionnement normal de l’Assemblée provinciale, en remettent en cause certains députés par voie des pétitions.

    Mais ils ont accepté de se soumettre au contrôle, et le contrôle a eu lieu, et après on constate que ce qu’on leur reproche n’était plus valable. Et c’est ça l’élégance qui a manqué à l’exécutif provincial.

    Le Gouverneur avait déjà répondu à l’Assemblée provinciale qu’il ne se présentera pas !

    Il est important que nous apprenions nous mêmes à respecter les règles élémentaires. Un étudiant ne peut pas rester chez lui à la maison, et demander de passer de classe ou contester la note qu’il a réussi, au motif que l’enseignant ne l’aime pas ou l’enseignant s’acharne contre lui. Il doit d’abord présenter son examen et c’est sur base des réponses qu’il a donné qu’il pourra dire qu’il a réussi ou n’a pas réussi.

    Puisque peut être que le Gouverneur en se présentant également, et en présentant ses moyens de défense, aurait pu convaincre les députés, qui auraient pu le maintenir en place. Mais en refusant d’aller jouer sur le terrain, vous ne pouvez plus prétendre avoir gagné un match.

    Et donc nous sommes en train de montrer à la face du monde et de l’opinons publique, un gangstérisme politique qui n’a rien à voir avec l’élégance élémentaire, avec les lois de la République.

    Quel est votre appel à l’exécutif provincial ?

    J’encourage le Gouverneur à utiliser les voies de droit. Ce n’est pas la première fois qu’il le fait. C’est à dire saisir les cours et tribunaux ou carrément constater que finalement, il n’a pas la confiance de  l’Assemble provinciale. Puisque quatre motions en trois ans, pour les gens qui vous ont élu, ça signifie qu’ils ne vous aiment plus. Et si vous n’avez pas la confiance, vous ne pouvez pas diriger.

    Je l’avais dit encore pour la 3ème motion. Le juge peut restaurer la légalité mais ne peut jamais restaurer la confiance. Or, vous ne pouvez pas diriger sans la confiance de ceux qui vous ont mandaté.

    Quel message aux députés provinciaux également ?

    C’est de leur dire qu’ils ont fait un choix qui semble être celui proche de la population. Il ne faut plus faire un recul puisque la légalité ça ne se négocie pas. Il faut plutôt passer aux étapes suivantes, jusqu’à ce qu’on ait des élections du Gouverneur.

    Il faut que le processus aille jusqu’au bout. Si les animateurs actuels pensent avoir les arguments pour convaincre la population et leurs élus, ils pourront les représenter à ces élections.

    Mais je pense que nous avons besoin d’un homme nouveau, et cela doit se faire avant d’aller aux élections générales. Puisque finalement, nous, on ne sera pas seulement là pour aller voter. Nous voulons aussi voir concrètement quels sont les bienfaits de la démocratie. Quelles sont les infrastructures, où en est-t-on avec la protection, l’insécurité. On constate aujourd’hui qu’il y a une boucherie foncière qui s’opère de manière ostentatoire. Le partenariat public-privé est devenu une autre forme d’accélérer, et finalement tuer complètement ce qui reste de l’urbanisation de la ville de Bukavu.

    Propos recueillis par Lydie Babone

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