Accès Humanitaire

    Le Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la paix, affirme qu’un retrait « non responsable » et « précipité » de la Monusco entrainerait un vide, de nature à « favoriser » les ennemis de la paix.

    Il l’a dit le 16 septembre dernier, à l’occasion de la Conférence internationale sur la paix en RDC, tenue à Charleroi, en Belgique.

    Dans son allocution, le gynécologue congolais a expliqué que depuis presque 30 ans, la RDC est « déchirée » par des guerres d’agression à répétition, et des cycles de conflits ayant entrainé une crise humanitaire majeure, et où les morts, les femmes violées et les déplacés, se comptent en millions.

    «Malgré divers accords de paix, de Sun City à Lusaka en passant par Addis Abeba et Nairobi, la guerre n’a jamais cessé. En effet, la RDC n’a pas été réellement pacifiée sur l’ensemble de son territoire et la violence armée se poursuit dans cinq provinces. Nous sommes donc toujours dans un contexte de conflit armé avec souvent une dimension internationale, comme l’illustre la énième agression au Nord Kivu de la coalition du M23-Forces rwandaises de défenses (RDF), qui menace à nouveau la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale du pays, dans une indifférence choquante de la communauté internationale, alors que Bunagana est occupée depuis plus de 3 mois,» indique-t-il.

    Selon lui, les diverses tentatives de recherche de solutions politiques à court terme ont favorisé le partage du pouvoir entre les belligérants. Denis Mukwege estime ainsi que la violence et la « cruauté » sont devenus des tremplins pour accéder au pouvoir, et obtenir des promotions.

    En outre, celui-ci affirme que les processus de brassage et mixage de groupes rebelles, ont contribué à l’intégration de miliciens dans les forces de sécurité et de défense congolaises, plantant ainsi les graines pour une prolongation de l’instabilité, en infiltrant l’ennemi au sein des institutions censées protéger la population.

    Pour Denis Mukwege, c’est dans ce contexte qu’il faut situer l’échec de la Monusco à rétablir la paix, à protéger les civils et à stabiliser le pays, malgré des moyens humains et financiers colossaux. Il appelle les congolais à ne pas se tromper d’ennemis.

    «Si nous comprenons bien le ressenti d’une frange de la population face aux résultats peu probants des Nations Unies, force est de reconnaître que le partenariat avec les autorités congolaises n’a pas rendu leur mission aisée. Pourtant, nous invitons nos compatriotes à ne pas se tromper d’ennemi et nous pensons qu’il ne faut pas encourager un retrait non responsable et précipité de la Mission onusienne, car le vide que cela entrainera serait de nature à favoriser les ennemis de la paix,» affirme-t-il.

    Selon le Prix Nobel de la paix, le pourrissement de la situation et la tragédie humanitaire en RDC s’explique en grande partie par le fait que l’on ne s’est « jamais » attaqué aux principales causes structurelles, qui constituent les éléments moteurs des conflits qui persistent à l’Est du pays.

    « Il s’agit avant tout de l’exploitation et la prédation illégales des ressources minières et naturelles. En effet la guerre en RDC est principalement économique et s’apparente à une grande criminalité transnationale dont le Rwanda et l’Ouganda sont les acteurs principaux depuis 25 ans, avec la complicité de multinationales et des certains politiciens et militaires congolais cupides et corrompus. Ensuite, il est établi que la culture de l’impunité pour les crimes les plus graves alimente la répétition des conflits et représente donc un obstacle sérieux à toute tentative de paix durable. Pourtant, la justice a été systématiquement sacrifiée par tous les accords de paix. Ainsi, nous avions réussi à mettre fin à la capacité de nuisance du M23 en 2013 mais aucune mesure de justice n’a rendu les commanditaires et les instigateurs responsables de leurs crimes, ce qui a entrainé le cycle actuel de violence provoquée par le M23 avec l’implication directe et indirecte de l’armée rwandaise,» soutien-t-il.

    Pour lui, le temps est donc venu de briser le cycle infernal de la violence et de l’impunité, pour sortir le pays du chaos organisé qui facilite le pillage des ressources dont regorgent l’Est de la RDC, et pour parachever la transition entre la « dictature » et la démocratie et entre la guerre et la paix.

    Denis Mukwege pense que les solutions existent, et devraient prioriser la restauration de la sécurité, la mise en œuvre de la justice transitionnelle et l’instauration de l’état de droit, la consolidation de la démocratie par des élections libres, crédibles et apaisées en 2023, et enfin, la transparence du commerce des minerais stratégiques.

    Michée Mabungu

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