Accès Humanitaire

    Le système carcéral congolais est confronté à plusieurs problèmes. Parmi ces problèmes, il faut compter, non seulement les mauvaises conditions de détention, telles que le manque de nourriture, de soins médicaux, de logement. Sur la liste, on ajoute, les évasions massives recensées dans plusieurs établissements, la surpopulation carcérale, l’insuffisance du personnel pénitentiaire, la vétusté des infrastructures pénitentiaires ; cela sans évoquer le manque de formation des agents pénitentiaires, l’absence d’une politique de réinsertion des détenus en plus du phénomène « Capita ».

    Pour ce qui concerne le phénomène « capita », il s’agit d’un phénomène qui est vécu dans presque toutes les prisons de la RDC. Pour nombreux, ceci est la résultante de la pénurie du personnel pénitentiaire et à la surpopulation carcérale qui pousse l’administration pénitentiaire congolaise à recourir aux services des détenus appelés « Capitas » pour assumer certaines fonctions en prison.

    Ces détenus désignés comme des « capitas » se comportent en « supers prisonniers », imposant des ordres à leurs codétenus voir percevoir des fonds auprès d’eux pour des raisons « injustes ».

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    Des cas de torture et de violation des droits de l’homme sont commis par ces « capitas » dans des prisons jours et nuits, sous l’œil impuissant des autorités pénitentiaires.

    Depuis longtemps des organisations de la Société civile et de défense des droits humains ne cessent de dénoncer cette pratique et appellent les autorités à y mettre fin.

    Dans cet article, Laprunellerdc.info vous propose les résultats d’une étude menée par Charles Kakule Kinombe, Professeur à l’Université Catholique de Bukavu (UCB) et à l’Université du Cinquantenaire de Lwiro (UNI-50/Lwiro). Il est également Docteur en Criminologie de l’Université Catholique de Louvain (UCLouvain/Belgique) et Directeur de l’Ecole de Criminologie récemment créée à l’UCB.

    Dans ses recherches, Charles Kakule revient sur les causes, les conséquences et l’impact positif et négatif du phénomène « capita » dans les prisons de la RDC. Il propose également quelques pistes de solutions pour lutter contre ce phénomène.

    Selon lui, les capitas sont des détenus qui brillent par leur ancienneté et par leur influence ou leur domination sur les autres détenus. Ils tirent leur force de la confiance que le personnel pénitentiaire leur accorde.

    Ils exercent de fait un pouvoir réel sur la plupart des aspects de la vie carcérale, qu’il s’agisse de l’affectation en cellule, de la gestion des activités socioculturelles, que de la surveillance et de la quasi-intégralité du pouvoir disciplinaire. Ils veuillent à ce que les détenus ne menacent pas ou ne troublent pas l’ordre et la sécurité à l’intérieur de la prison.

     Le Capita donne des instructions aux détenus à cet effet et prend des mesures de sécurité pour maintenir ou rétablir un climat social et humain dans la prison. Il s’occupe de la prévention des émeutes.

    Les conséquences du phénomène « capitas »

    D’après Charles Kakule, bien que les détenus soient gérés par les capitas ayant le même statut qu’eux (statut de prisonnier), cela n’améliore pas leur situation. Au contraire, ils sont soumis à une double exploitation : celle du personnel officiel et celle des capitas.

    En effet, les capitas font payer aux détenus divers frais, communément appelés « droits ya lupango ».

    Les membres du personnel officiel, de leur côté, font payer aux visiteurs des frais pour la visite des détenus et pourtant cette visite devrait être gratuite.

    15.000 dollars par mois pour un « capita » de la Prison Centrale de Bukavu

    Le récent rapport publié en janvier 2021 par le Partenariat pour la Protection Intégrée (PPI) révèle que le Capita général de la Prison centrale de Bukavu encaisse environ 15.000 dollars américains chaque mois comme frais prélevés aux détenus pour éviter la torture et autres traitements cruels et dégradants.

    Selon ce rapport, le quartier général de ladite prison enregistre au moins 50 détenus par mois et chaque détenu doit payer entre 250 et 300 dollars américains pour qu’il ne soit pas soumis à la torture.

    Faut-il tout de suite supprimer les « capitas »?

    Pour Charles Kakule, vu le nombre insuffisant du personnel officiel, il est tout à fait impossible pour l’instant de supprimer le gouvernement des capitas car le chaos risque de s’instaurer dans la zone de détention.

    Pour supprimer ce corps, il faut que le gouvernement congolais soit en mesure de le remplacer par un autre corps, celui des surveillants pénitentiaires. Or, à l’heure actuelle, l’Etat n’a ni les moyens ni la volonté de le faire.

    et que faut-il faire?

    Comment faire face au phénomène « capitas » dans les prisons congolaises ? Charles Kinombe pense que le gouvernement des capitas rend un service crucial pour le bon fonctionnement des établissements pénitentiaires, celui de maintien de l’ordre et de la discipline à l’intérieur de la prison.

    Sans lui, tout peut exploser dans la zone de détention. Les détenus peuvent s’autoriser à faire n’importe quoi, même s’ils abusent parfois de ce pouvoir.

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    Notre interlocuteur propose une solution efficace qu’on appliquerait dans le deuxième temps. C’est celle de recruter et de former des agents pénitentiaires qui viendraient remplacer les capitas. Mais, il ne suffit pas de les recruter et de les former, encore faudra-il les payer décemment pour qu’ils accomplissent parfaitement leurs missions.

    La mise en place de cette mesure entrainerait alors la suppression du gouvernement des capitas.

    Abiud Olinde

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