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    « Dissoudre l’Assemblée Nationale: conditions et conséquences » c’est le titre d’une Tribune du politologue Alain de Georges Shukrani parvenue à Laprunellerdc.info. Dans cette longue réflexion, ce politologue analyse les tenants et les aboutissants d’une éventuelle dissolution de la chambre basse du parlement tel qu’envisagé par le camp du Président Tshisekedi. Il conclut que à moins de trois ans de la tenue des élections, la démarche de la dissolution de l’Assemblée nationale paraît irrationnelle et est porteuse des germes de conflits aux conséquences néfastes sur la bonne marche du pays .

    Ci-dessous la tribune De Alain de Georges Shukrani que vous propose Laprunellerdc.info.

    Le Gouvernement n’est pas pris au sens large dans plusieurs des dispositions constitutionnelles, notamment au niveau des articles 91 et 148. Confondre le Gouvernement au pouvoir exécutif qui est bicéphale en RDC fausse la lecture. Le Président de la République est une institution à part entière comme l’est le Gouvernement central (Art 68 de la Constitution).

    Certes, il est admis scientifiquement et même politiquement que le Gouvernement peut être entendu au sens large et se confondre ainsi à l’institution exécutive tout court ou à l’ensemble des personnes chargées de gouverner un Etat, comme le pensent à juste titre Alain Birou ou Bibombe Mwamba : Le concept « gouvernement » est un substantif dérivé du verbe gouverner qui signifie étymologiquement « diriger avec le gouvernail ». Alain Birou entend par « gouvernement », l’ensemble de personnes qui sont chargées de gouverner un Etat.  A en croire Bibombe Mwamba, le Gouvernement peut se définir, au sens large, comme l’ensemble des organes ayant pour fonction de gouverner. Au sens restreint, il se définit comme l’ensemble des organes ayant pour fonction de légiférer et de rendre de la justice, grâce à l’impérium de la puissance publique.

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    La définition au sens large du Gouvernement n’a pas sa place dans le cas d’espèce qui incite le débat sur la dissolution de l’Assemblée nationale. Il faut ici retenir par Gouvernement – la fonction du gouvernement s’étant actuellement accrue – un organe ou une institution dans un régime politique donné qui se charge de la conduite et de l’exécution de la politique générale d’un Etat. L’article 91, premier et deuxième alinéas de la Constitution va presque dans ce me sens : Le Gouvernement définit, en concertation avec le Président de la République, la politique de la nation et en assume la responsabilité. Le Gouvernement conduit la politique de la nation.

    La dissolution de l’Assemblée nationale est bel et bien complexe et non reflexe au regard du contexte

    Il est toujours important de considérer le contexte dans la communication politique tout comme dans l’analyse des faits politiques. Et cette complexité vient du fait de l’encadrement juridique et des enjeux politiques (ou des contraintes politico-constitutionnelles) autour de la question de la dissolution de la chambre basse. En plus de cela, la question « comment Monsieur Félix a-t-il accédé à la présidence de la République » n’est pas non plus à négliger dans l’analyse.

    Que retenir de la possibilité constitutionnelle de la dissolution de l’Assemblée nationale ?

    En cas de crise persistante entre le Gouvernement et l’Assemblée nationale, le Président de la République peut, après consultation du Premier ministre et des Présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale (Article 148, premier alinéa de la Constitution). Le Gouvernement dont il est ici question ne peut s’entendre aucunement au sens large. Il s’agit bel et bien du Gouvernement au sens de l’article 91 qui, du reste, est politiquement responsable devant le parlement. Ce qui n’est pas le cas du Président de la République. Il me semble que cette consultation revête le caractère de l’avis conforme (je parle sous la surveillance des constitutionnalistes scientifiquement objectifs. Ils pourront me contredire si je me trompe, ce qui est possible) qui lie celui qui le sollicite. Il semble aussi que l’idée de consensus soit sous-entendue dans cette disposition. La volonté unilatérale du Président de la république de dissoudre l’Assemblée nationale n’est-elle pas suicidaire de la volonté constitutionnelle ? Oui, ce me semble.

     De l’opportunité du débat ou de l’initiative

    Il sied de se demander si le débat sur la dissolution de l’Assemblée nationale est opportun. Quels sont les obstacles initiés par l’Assemblée nationale contre une quelconque action du Gouvernement dont « la vision » du programme exécuté par celui-ci est celle du Président de la République, politiquement irresponsable devant le parlement ? Au cours de l’une de ses interviews sur RFI, Kamerhe avait reconnu curieusement que « le Président de la République et le Premier ministre, Chef du Gouvernement, cohabitaient bien ». Où sont les éléments objectifs et probants amenant à parler de la crise persistante entre les deux institutions (Assemblée nationale et Gouvernement) qui sont majoritairement acquises au FCC. A mon avis, il n’y en a pas actuellement si l’on s’en tient au fait que la Chambre basse du parlement n’a rien fait qui contrarie ou bloque l’action gouvernementale et vice versa. Et par conséquent, il n’y a pas lieu de parler de crise évoquée à l’article 148. Encore faut-il que cette crise soit persistante (disputes récurrentes et irréconciliables, désaccord total, etc). S’il y a des problèmes qui relèvent proprement du fonctionnement du Gouvernement, il revient au Premier ministre ou au Président via ce premier cité de prendre des mesures idoines pour l’amélioration de la situation.

    Ce serait peu sage de vouloir donner au Président beaucoup de pouvoir qu’il n’en a pas en réalité. Le régime semi-présidentiel instauré par la Constitution, le régime de « coalition » qui gère le pays, les majorités parlementaires et gouvernementales à la disposition de ses alliés ne lui offrent pas assez de marge de manœuvre comme ce pouvait être le cas avec son prédécesseur qui semblait exercer le monopole du pouvoir. Le cas de figure est donc différent.

     Eventuelles conséquences de la dissolution de l’Assemblée Nationale

    J’ai particulièrement aimé l’analyse faite par l’un des amis politologues au sujet des conséquences en cas de dissolution de l’Assemblée nationale. Les uns et les autres devraient en être conscients dans la prise des positions qu’ils défendent. Cet ami s’interrogeait pertinemment comme suit :

    Qu’arrive-t-il après la dissolution ?

    Le Gouvernement est réputé démissionnaire car ne jouissant plus de la légitimité tirée de l’investiture de l’Assemblée nationale dont il est l’émanation. Pendant ce temps, c’est toute l’action gouvernementale qui est en souffrance, le Gouvernement démissionnaire n’expédiant que les affaires courantes.

    Le Bureau de la CENI étant démissionnaire, qui va organiser l’élection législative anticipée dans le délai constitutionnel prévu à l’article 148, troisième alinéa de la Constitution? Avec quels moyens et avec quel fichier ?

    Certaines reformes à engager qui passent par le vote des lois devront attendre parce que seul le Sénat ne pourra pas légiférer après la dissolution de l’Assemblée nationale.

    Le Président de la République n’est pas politiquement responsable devant le parlement (Assemblée nationale en ce cas d’espèce). Il ne peut donc y avoir une crise institutionnelle entre ces deux institutions.

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    Quoi qu’il en soit, si la dissolution venait d’être prononcée par le Président de la république, la crise politique et institutionnelle va véritablement et officiellement s’installer au cœur de l’Etat avec toutes les conséquences sécuritaires, économiques, sociales néfastes qui s’en suivent. L’histoire politique du pays depuis son accession à l’indépendance est riche en évènements sur ce que je viens de dire. A titre d’exemple, il y a lieu d’évoquer la fermeture du Parlement par Kasavubu qui ouvrit le cycle vertigineux des rebellions CLN.

    En revanche, il convient aussi de dire que démarche de la dissolution de l’Assemblée nationale avec comme finalité de composer une nouvelle majorité ne garantit pas nécessairement la victoire. L’échec essuyé par Jacques Chirac après la dissolution de l’Assemblée nationale en est une des illustrations à propos.

    A moins de trois ans de la tenue des élections, la démarche de la dissolution de l’Assemblée nationale paraît irrationnelle et est porteuse des germes de conflits aux conséquences néfastes sur la bonne marche du pays. Il est plutôt rationnel que le Président de la République se mette véritablement au travail et cherche à construire une sorte de “cohabitation républicaine” devant faire cheminer la RDC aux élections crédibles, transparentes et démocratiques en 2023.

    Alain de Georges Shukrani, politologue et Président de l’Asbl Jeunes pour l’avenir de la Nation.

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