Accès Humanitaire

    La fin du mois de mai 2021 aura fait entendre des cris de détresse et d’appel à l’aide : détresse de nos frères et sœurs de Goma et Nyiragongo privés de leur humanité et dignité par les affres de l’éruption volcanique du 22 mai. Ils sont arrachés au goût de vivre et poussés au désespoir qui les livre à l’obscurité de la foi où l’on pourrait facilement crier : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mt 27, 46).

     C’est aussi la détresse du peuple congolais appelé à compatir au malheur du nord -Kivu et à clamer à la justice congolaise de mener avec droiture et juste indépendance le procès en appel de l’honorable Vital Kamerhe, pour son acquittement en faveur de la nation entière.

    Les événements malheureux de notre vie ont ceci de négatif qu’ils nous poussent plus à chercher l’auteur des malheurs et rarement à tirer des leçons.

    S’ils nous convainquent très vite que notre monde est une vallée des larmes (puisqu’il y a l’égoïsme et les inégalités, les guerres, les maladies et catastrophes, les mécanismes de mort et d’atteinte aux droits humains, les injustices,), positivement ils nous poussent aujourd’hui à la solidarité et la compassion qui mûrissent la fraternité nationale et planétaire ; se traduisant par l’aide apportée aux victimes, l’hospitalité et les soins divers.

     » Aimer c’est, quand tu souffres j’ai mal » (Abbé Pierre). On a senti depuis la colère du Nyiragongo et le malheur de Vital Kamerhe une mobilisation qui dit que l’humanité est une famille unique et qu’au nom de cette fraternité universelle, notre vie ici peut être bouleversée et déstabilisée par un événement qui se passe dans une partie du monde que nous ignorons.

    Le Poète grec Térence en disant  » Je suis homme et rien d’humain ne m’est étranger « , appliqué à la situation de nos frères de Goma et Nyiragongo, de Vital Kamerhe et de tout homme qui souffre, nous dit finalement que nous n’avons pas de sécurité ici-bas ni refuge stable.

     Et de même qu’il y a un sommeil, une faim, une fatigue, une maladie, …, que nous partageons tous, de même notre vie à tous est constamment insécurisée, en quelque partie du monde où l’on se trouve, quoique à des degrés différents.

    Nous croyons tout posséder et tout maitriser, la nature en ces calamités et maladies vient nous arracher la maitrise et baisser notre orgueil d’être maîtres du monde. Quand nous devenons ainsi impuissants et incapables de nous tailler une sécurité, il nous reste une arme et une stratégie de combat invincibles : la solidarité.

    Louons la solidarité des congolais et des nations du monde à soulager la souffrance. Pour les chrétiens, les gestes de solidarité, inspirés par la foi et l’humanité transfigurée par elle, sont un accomplissement de la recommandation du Christ et un critère du jugement pour l’accès au Royaume :  » En vérité je vous le dis, dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40).

    Que nous dit Jésus en ces temps de calamité, faire quoi, en effet ? Il sait que le risque de diluer notre foi et notre humanité dans des actions impitoyables, visant à exploiter le faible fouillant le volcan est grand et imminent.

    Au fur et à mesure que les sites d’accueil se remplissent et que les besoins se font sentir avec acuité, le démon du soir pourrait inspirer des cœurs et leur suggérer de s’enrichir au nom et au dos des victimes en en faisant un fonds de commerce honteux, usant d’une générosité qui détourne, je demande l’aide pour les victimes mais c’est moi le bénéficiaire.

    Il faut dénoncer, en outre, le risque de prélever un supplément de lucre sur les malheureux tel que : hausser pour eux les prix des denrées, de logement, et d’autres nécessités ou même les déposséder du minimum restant, en les influençant, par exemple, de nous vendre leurs biens à vil prix, puisqu’ils sont en situation de faiblesse ou les exploiter de quelque autre manière mesquine.

    Dieu voit nos actions et au temps venu il nous en demandera compte :  « Ne vous y trompez pas ; on ne se moque pas de Dieu. Car ce que l’on sème, on le récolte… » (Ga 6, 7). Un jour il pourrait nous demander comme autrefois à Caïn :   » Où est ton frère, ta sœur fouillant le Volcan, ton frère jeté en prison et humilié ? Qu’as-tu fait de lui ?» ? (Cf. Gn 4, 9-10).

    Voilà ce qui serait une voie favorable de malédiction pour ceux qui maltraiteraient les faibles. Le Psaume dit :  » Heureux qui pense au pauvre et au faible, le Seigneur le sauve au jour du malheur » (PS 40,2).

    En effet, Dieu bénit et récompense ceux qui solidarisent avec les pauvres, les malheureux, les humiliés par des conditions d’existence inhumaines. C’est tout geste, toute parole et attitude, à leur endroit qu’il considèrera :  » …C’est à moi que vous l’avez fait ». Les gens compatissants et les hommes de bien sont ceux qui entendront la voix du Maitre : « Venez-les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume qui vous a été préparé… » (Mt 25, 34).

    Devant le flux des désemparés qui n’ont ni abris ni guides ni à manger ni de quoi se couvrir et s’abriter , devant ceux qui attendent notre aide , la Parole nous avertit:  » Ne repousse pas le mendiant accablé par sa détresse , ne détourne pas le dos au pauvre (à l’homme fouillant le volcan) » (cf. Si 4,4), car les conséquences de l’indifférence et de la méchanceté sont lourdes :  » Il n’y a pas de bénédiction pour celui qui s’obstine à faire le mal , ni pour celui qui n’a pas de compassion » ( Si 12, 3).

    De son vivant, et en pleine vague des réfugiés rwandais qui jonchaient les rues de Bukavu, le Serviteur de Dieu Munzihirwa adressait des messages d’hospitalité et de solidarité au peuple, les invitant à ne pas voir souffrir leurs frères sans rien faire.   On peut encore s’en souvenir et en vivre en ces temps similaires.

    Par ailleurs, à côté de la calamité de Nyiragongo, ce vendredi 28 mai 2021 des cris d’appel à la justice équitable en faveur du prisonnier Kamerhe ont nourri quelques coins du Pays. Nous sommes à la veille de la reprise du procès en appel.  Ces cris montés des cœurs languissants confirment que l’homme est fils du Congo.

    Il me vient à l’esprit une question : pourquoi la reprise du procès le 31 mai, clôture du mois marial et fête de la visitation, ce jour où Marie se rendit chez sa cousine Elisabeth ? Toutes furent remplies de l’Esprit Saint et chantèrent la gloire du Dieu de miséricorde qui fait des merveilles.

    Les manifestants qui ont jonchés les rues des villes ce vendredi en faveur de la justice pour Kamerhe peuvent sembler avoir crié en vain. Mais il y a un Dieu Amour qui écoute, entend, répond en son temps, délivre, sauve et comble. Qu’ils les entendent et agisse pour l’honorable Vital.

    À l’interpellation de Marie, Jésus opéra un jour un miracle inattendu à Cana de Galilée (cf. Jn 2, 1-12). Prions Dieu par son intercession, afin que nos frères de Goma reprennent la vie chez eux, dans la sérénité et la paix. Prions ce jour pour les Juges d’appel, dans le procès 100 jours, afin que, saisis par l’Esprit de Pentecôte, ils soient des Serviteurs corrects de l’État de droit qui est aussi, à en croire le Chef de l’État, le fait de reconnaitre l’innocence des justes.

    Que la Très Sainte Vierge Marie, Notre Dame du perpétuel secours, nous obtienne la fin de la fureur du Nyiragongo et la justice sincère pour l’acquittement de Vital Kamerhe. Paix à Goma, joie au Congo- Kinshasa !

    Abbé Kabazane Nsibula Jean-Baptiste

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