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    Depuis le 20 septembre dernier, les membres de l’Église Néo-Apostolique sont divisés autour de la décision de l’ordination des femmes au sein de leur église.

    L’annonce du président mondial de l’église, faisant savoir qu’il sera possible à partir de janvier 2023, d’ordonner les femmes au sein de l’ENA, a été vivement contestée dans plusieurs pays, notamment la RDC. Ceux qui sont contre cette décision ont récemment repartagé des anciennes allocutions de l’apôtre patriarche, Jean Luc Schneider, dans lesquelles il prêche l’acceptation des homosexuels au sein de l’église. Ce qui a suscité une désapprobation, allant du désaveu des dirigeants de l’église, -immédiatement-, à la création, -un mois plus tard-, d’une nouvelle église Néo-Apostolique en RDC, qui se veut elle, « Authentique ».

    Ordination de femmes

    Tout allait bien jusqu’au 20 septembre 2022 lorsque, dans une allocution vidéo programmée et annoncée, Jean Luc Scheider a déclaré que l’apostolat -les apôtres en union avec l’apôtre patriarche- décide que les femmes peuvent être investies d’un pouvoir ministériel « en raison de l’égalité des sexes et de l’égale dignité entre les sexes. »

    Il a fait savoir que cela vaut pour tous les niveaux ministériels et toutes les fonctions dirigeantes. Selon l’apôtre patriarche, le mandat ministériel qui est associé à ce pouvoir ministériel sera confié « partout où il sera accepté par la société et la communauté ».

    La décision rendue publique en septembre, avait été prise le 2 juin 2022 à Buenos Aires, à la suite des assemblées des apôtres de district qui ont été tenues depuis 2019, et après avoir été discutée dans le cercle des quelque 330 apôtres que compte l’église.

    Pour justifier sa décision, l’apôtre patriarche a indiqué que la femme et l’homme ont été créés à l’image de Dieu, avec la même valeur. Dans la vidéo, l’apôtre-patriarche a dit : «Cette constatation est la base pour que les deux sexes puissent se voir confier un ministère et un service au sein de l’Église et dans leur communauté locale.»

    Par ailleurs, il estime que bien que Jésus n’ait appelé que les hommes à devenir apôtres, il n’a rien dit « de concret » concernant la possibilité d’ordonner les femmes dans le ministère. Scheider indique que Jésus n’a donné lui-même qu’un ministère à son Église, à savoir l’apostolat. C’est l’apostolat qui a le devoir et la responsabilité, dit-il, de définir ensuite la structure ministérielle au sein de l’Église.

    «Bien que Jésus ne partageait pas les réserves de son époque à l’égard des femmes, il n’a appelé que des hommes dans le cercle des apôtres. Comment cela se fait-il ? Jésus lui-même n’a donné aucune justification à cela. Il ne s’est jamais exprimé à ce sujet. Nous devons donc interpréter sa décision. Nous pouvons supposer que ce choix avait aussi des raisons tout à fait pratiques et historico-culturelles : annoncer l’Évangile ne pouvait au début se faire que dans les synagogues. Or, à l’époque, seuls les hommes juifs pouvaient s’y exprimer,» indique-t-il, avant d’insister : «Le choix de Jésus est donc lié à des aspects qui, selon notre conception actuelle du ministère, ne relèvent pas du pouvoir ministériel mais du mandat ministériel. Il ne s’agit pas de savoir si les femmes pouvaient être investies de pouvoirs, mais si elles avaient la possibilité d’accomplir une mission. »

    L’apôtre patriarche estime que déduire des faits et gestes de Jésus que seuls des hommes peuvent être ordonnés conduit dans une impasse : «En toute logique, nous devrions alors dire aussi que seuls les Juifs peuvent être apôtres, parce que Jésus n’a appelé que des Juifs. Ou que seuls ceux qui ont accompagné le Seigneur peuvent être ses apôtres. À l’une de ce critère, Paul n’aurait déjà plus été un apôtre. Et la réoccupation de l’apostolat au cours des dernières 190 années aurait été complètement remise en question,» soutient-il.

    Concernant les épîtres apostoliques, Jean Luc Schneider indique que d’un côté, il existe des témoignages qui font état d’une participation intensive des femmes à la mission, à la vie de la communauté et aussi aux activités cultuelles. En particulier dans les communautés auxquelles Paul avait accès, les femmes jouaient un rôle important : elles occupaient des fonctions de direction de la communauté et participaient de manière active à la proclamation de l’Évangile parmi les païens.

    «L’épître aux Romains évoque par exemple une femme nommée Phœbé, qui accomplit un ministère diaconal, ou encore Prisca, qui dirige une communauté domestique avec son mari. Et dans la première épître aux Corinthiens, il apparaît clairement que les femmes étaient tout aussi actives que les hommes au cours du service divin : elles priaient et prophétisaient. Et ce discours prophétique visait, tout comme la prédication, à transmettre l’Évangile,» fait-il observer.

    Cependant, d’autres textes bibliques, s’opposent clairement à une participation active des femmes à la vie de la communauté. Ces passages se trouvent essentiellement dans les épîtres pastorales. Pour l’apôtre patriarche, les passages des épîtres pastorales qui s’opposent à la participation des femmes manquent d’une justification théologique solide.

    Lire aussi: L’Église Néo-Apostolique accepte l’ordination des femmes dans le ministère

    «Ils sont liés à leur époque et ont généralement une orientation résolument utilitaire. Pour l’Église néo-apostolique, il est donc clair que les passages isolés des épîtres néo-testamentaires qui interdissent aux femmes de participer activement au service divin et aux activités de la communauté ne constituent pas une raison suffisante pour exclure les femmes du ministère,» soutient-il.

    L’apôtre patriarche a cité l’épître de Paul aux Galates : « Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre ». « Il n’y a plus ni homme ni femme ; car tous vous êtes un en Jésus-Christ. » Selon lui, en Christ, il n’y a ni homme ni femme, mais seulement l’être humain. 

    Pour lui, il incombait maintenant à l’apostolat de prendre une décision pour l’avenir de l’Église. «Jésus-Christ a confié aux apôtres l’autorité d’organiser la vie de la communauté. Et le service de Pierre comprend l’autorité de l’apôtre-patriarche de révéler de nouvelles connaissances sur la base de la Bible,» a-t-il indiqué.

    Mais depuis, il s’est passé beaucoup de choses. Plusieurs membres de l’église estiment que la décision de l’apôtre patriarche est contraire à la bible. Dans différentes déclarations parvenues aux médias, ils citent sommairement les passages bibliques (1 Corinthiens 14 : 34-35, 1 Timothée 2 : 11-13) qui interdisent aux femmes de prêcher.

    Christophe Kabongo veut « l’authenticité »

    L’un des serviteurs les plus influents à s’être opposé jusqu’ici à cette ordination des femmes, c’est l’apôtre Christophe Kabongo, de l’église Néo-Apostolique RDC-Ouest.

    Dans une allocution vidéo, il a indiqué que pour justifier l’ordination des femmes, L’Apôtre Patriarche Jean-Luc Schneider a présenté un argumentaire basé sur trois questions fondamentales, à savoir que dit Dieu, que dit la Bible, et que dit l’Église. Pour lui, ces trois questions ne valaient même pas la peine d’être posées, dans la mesure où ce que Dieu dit se trouve dans la bible.

    «Et ce que dit  la Bible, c’est ce que dit absolument l’Eglise, parce que l’Eglise étant celle du Christ, et Christ a fondé son église par la mission donnée aux apôtres  dont je fais partie, de faire de toutes les nations ses disciples. Nous trouvons cela en Mattieu 22 : 28. Aussi, Jésus a instruit à l’Apôtre Pierre de paitre ses brebis, de ne pas les disperser. Nous le lisons dans Jean 21 : 15-17.  A l’apôtre Jean, il lui a également dit de sceller la parole, et que nul n’enlève ni n’ajoute, comme c’est écrit en Apocalypse 22 : 18-19. Nous comprenons par-là que les apôtres que nous sommes, n’avons qu’à accomplir la mission de notre Maître, telle qu’il nous l’avait donnée, sans modification aucune de sa doctrine,» a-t-il indiqué.

    Pour lui, bien que Paul dise dans Galates 3 : 27-28 qu’il n’y a plus ni homme ni femme, cela ne veut pas dire que l’homme peut aussi porter une grossesse, parce qu’en Christ il n’y a plus ni homme ni femme.

    «Cela ne veut pas non plus dire qu’un homme peut épouser un homme et qu’une femme peut épouser une femme ! Cela ne veut pas non plus dire que les femmes doivent épouser les hommes et verser la dot en famille de l’homme ! Cela ne veut pas non plus dire que la femme ne doit pas être soumise à son mari dans le mariage parce que tous nous sommes un en Jésus-Christ ! Et, enfin, cela ne veut pas non plus dire que les femmes doivent porter le Ministère, au point même de devenir Apôtre ! Cela ne veut pas non plus dire que tous devront être des diacres, sacerdoces, pasteurs, apôtres et qu’il n’y aura plus des brebis à paitre, parce que nous sommes tous un en Christ !  Notons que cette considération ramène l’unité perdue, où l’homme et la femme créés à l’image de Dieu vivront à côté de lui comme ce fut lors de la création, sans distinction des races et sexe,» insiste-t-il.

    Et concernant l’épitre de Paul aux Romains 16 : 1 où il est fait mention de la Diaconesse Phoebe, l’apôtre Kabongo pense qu’il qu’il ne faut pas confondre diacre et diaconesse.

    «Un Diacre, suivant les élucidations conceptuelles contenues dans les livres de  théologie, est celui qui est promu au premier des ordres sacrés. Il est dans la pastorale, nous le voyons dans les recommandations de Paul à Timothée, dans 1 Timothée 1 : 2-4.  Tandis que diaconesse est dans les ouvres caritatives, actions sociales et essentiellement dans la distribution des aumônes. Elle évangélise chez elle à la maison, dans son environnement et avec les personnes qui l’entoure, sans jamais porter un ministère sacerdotal, comme le faisaient toutes ces femmes évoquées dans Romains 16 : 1-15,» a-t-il indiqué.

    Depuis, l’apôtre Kabongo a été destitué par l’apôtre patriarche, après qu’il ait annoncé la création d’une nouvelle structure religieuse dénommée « Église Néo-Apostolique Authentique », dans laquelle il maintient son Ministère d’apôtre. Jusqu’ici, tous les autres apôtres du monde ont dit soutenir l’apôtre patriarche, bien que certains, notamment du Zimbabwe, Malawi et Zambie, aient déclaré que cette ordination des femmes n’est pas encore possible dans leur région apostolique, comme entrevu dans l’allocution de l’apôtre patriarche.

    Homosexualité et malinformation

    La polémique née à la suite de cette décision a été exacerbée par le partage, notamment au sein des réseaux sociaux, des vidéos dans lesquelles l’apôtre patriarche Jean-Luc Scheider accepte la pratique homosexuelle au sein de l’église Néo-Apostolique. Dans les différents partages sur les réseaux sociaux, les auteurs des publications ont indiqué que Jean-Luc Scheider « autorise désormais le mariage des homosexuels ».

    Saut que dans les minutes 16:00 jusqu’à 19:00 de cette vidéo par exemple https://www.youtube.com/watch?v=jm8vlvqRXQg, l’apôtre-patriarche Schneider déclare que les couples homosexuels peuvent se présenter devant l’autel pour recevoir la « bénédiction de Dieu ». Il indique clairement que, ce n’est pas une bénédiction de mariage, mais une bénédiction de « relation ».

    Aussi, comme bien référencé sur le forum de discussion des membres de l’église Néo-Apostolique https://www.tapatalk.com/groups/nacboard/chief-apostle-schneiders-statement-on-blessing-hom-t5736.html et sur la plateforme YouTube, la vidéo date de 2016. Elle n’est donc pas récente, comme l’ont allégué certains membres, et ne consacre pas vraiment le mariage homosexuel au sein de l’ENA.

    Doit-on se poser la question de savoir pourquoi cette vidéo n’a refait surface que pendant cette crise ? Pourquoi cette prise de position, qui date de plus de 6 ans, n’avait-elle pas jusqu’ici été contestée ?

    Pourtant, depuis 2006, l’apôtre patriarche à l’époque, Wilhem Lebber, avait également toléré, quasiment de la même manière, la pratique homosexuelle au sein de l’église. Interrogé par le Magazine « Notre Famille » de l’église Néo-Apostolique, il avait indiqué que l’église Néo-Apostolique ne considère pas la pratique homosexuelle comme un péché.

    «Nous ne disons pas que la pratique homosexuelle est un péché, ce qui serait une déclaration aux conséquences beaucoup plus lourdes. L’Église ne prescrit rien à personne, mais elle souhaite mettre en garde contre certains dangers. De mon point de vue, il convient de distinguer entre l’existence d’une relation homosexuelle stable, au sens d’une relation humaine fondée sur des principes éthiques, et son absence. Beaucoup d’homosexuels font remarquer que la sexualité n’est qu’un aspect de la relation ; ils aimeraient, comme les hétérosexuels, partager des sentiments avec quelqu’un, de la sollicitude et de l’amour. Je répète : Il existe sûrement une différence entre le vécu d’une relation homosexuelle stable et l’homosexualité réduite à la simple recherche du plaisir sexuel avec de fréquents changements de partenaire,» avait-il indiqué.

    Wilhem Lebber avait dit avoir recommandé, au nom de l’Église, que les frères et sœurs « homosexuels » n’exercent pas d’activités ministérielles et pédagogiques pour les protéger, de peur qu’ils ne « suscitent des polémiques ».

    Concernant la bénédiction des mariages des homosexuels, il avait indiqué que la bible contient quelques indications qui incitent à la retenue. «Il convient de citer plus particulièrement les déclarations de l’apôtre Paul. Il faut évidemment les considérer dans le contexte social de l’Antiquité ; leur transposition dans le temps présent requiert une grande prudence. Malgré tout, ces textes nous appellent à la retenue. Le rôle de l’Église néo-apostolique ne peut pas consister à frayer la voie d’une évolution tout autre. Pour l’instant, la dispensation de la bénédiction nuptiale à des couples homosexuels n’est pas à l’ordre du jour,» avait-t-il déclaré.

    Tout comme Jean-Luc Scheider, Wilhem Lebber avait indiqué qu’il est convaincu qu’aucun homosexuel n’est fondamentalement exclu de la possibilité d’atteindre le but de la foi. «L’homosexuel qui pratique sincèrement sa foi peut, j’en suis convaincu, atteindre le but de la foi ,» avait-il fait savoir.

    Aujourd’hui, plusieurs membres de l’église Néo-Apostolique, notamment en RDC, ne comprennent pas pourquoi l’apôtre patriarche peut « tolérer cette pratique abominable », citant notamment les passages publiques (Lévitiques 18 : 22, 20 : 13 et Romains 1 : 26-27, 32) qui interdisent l’homosexualité.

    ENA Authentique

    Dans son allocution, l’apôtre Christophe Kabongo a créé le 26 octobre dernier, l’église Néo-Apostolique Authentique. Il dirigeait jusqu’ici le champ d’activité de Kinshasa Nord.

    Christophe Kabongo a officié le premier service divin de la nouvelle structure, le dimanche 30 octobre 2022, au stade Cardinal Malula. Selon les médias kinois, environ 8.000 personnes y ont pris part en présentiel.

    Cette nouvelle structure religieuse qui profite des frustrations nées de l’ordination des femmes et de l’acceptation de l’homosexualité, regroupe déjà des milliers de fidèles de l’ENA, dans plusieurs villes de la RDC, parallèlement aux services divins organisés par la structure officielle.

    Alors qu’elle prospère à Kinshasa, un grand rassemblement de cette ENA-Authentique a eu lieu ce dimanche 6 novembre 2022 à Goma, dans la salle de réception « Bon Séjour », à moins d’un kilomètre de la communauté centrale de l’église Néo-Apostolique de Ndosho. Officié par un Évangéliste de District, le service divin a connu la participation de près de 1.000 fidèles. La même situation a été vécue ce dimanche à Kasumbalesa au Haut-Katanga.

    Un coup dur pour l’Église Néo-Apostolique Internationale, qui est pourtant une communauté de dimension mondiale, forte de quelque 9,24 millions de membres répartis dans près de 200 pays du monde.

    Museza Cikuru
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    2 commentaires

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