François-Xavier Maroy Rusengo, l’archevêque de Bukavu s’est exprimé à la suite des tensions autour des manifestations réclamant le départ de la Mission des Nations Unies en RDC (MONUSCO). Dans un message consulté par Le Groupe La Prunelle RDC, l’archevêque de Bukavu appelle la population à la paix en évitant des actes qui peuvent profiter à ses bourreaux. Il propose par ailleurs que le 3 Août 2022 prochain pour pleurer les morts du Kivu et de l’Ituri.
La Prunelle RDC vous propose en intégralité le message de l’archevêque de Bukavu :
« MESSAGE DE PAIX A NOTRE PEUPLE
« Dans le monde, vous connaîtrez l’épreuve mais courage, je suis vainqueur du monde » (Jn 16, 33)
Chers frères et sœurs,
Le 24 Juin 2022, en la solennité de la nativité de Saint Jean Baptiste, j’dressais un message intitulé « Heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu », aux fidèles de l’archidiocèse de Bukavu et aux personnes de bonne volonté pour les convier à affronter notre situation actuelle comme chrétiens, comme Citoyens et en personnes humaines éprises du souci de la paix véritable pour notre pays en particulier et pour toute notre sous-région en général. J’invitais tout le monde à vivre le courage de l’Evangile dans ce choix de ne jamais héberger la haine en nous envers quiconque, mais seulement la lutte contre le mal pour l’amour et ta recherche de la paix pour tous.
« la vie est sacrée ne peut être sacrifiée aux intérêts égoïstes de quelques individus »
Deux semaines plus tard, les évêques de l’Association des Conférences Episcopales de l’Afrique Centrale (ACEAC), à l’occasion de la 14ème Assemblée plénière du 07 au 09 Juillet 2022, affirmaient la même chose dans leur exhortation : « Tu ne tueras point » (Mt 5,2r.) « Sois le gardien de ton frère » (Cfr Gn 4, 9). Ils disaient clairement que « la vie est sacrée ne peut être sacrifiée aux intérêts égoïstes de quelques individus. La sous-région des Grands africains, non plus, ne peut rester indéfiniment l’étalon des turpitudes meurtrières ou le terroir atypique d’une échelle des valeurs renversées. Les victime se comptent par millions, tous âges confondus depuis bientôt trois décennies. Les femmes et les enfants en paient régulièrement un lourd tribut » en devenant veuves et orphelins dépourvus de tout.
Avant-hier l’Archevêque de Kisangani et Président de la CENCO, déplorait la situation à Goma et à Butembo en ces termes : « la CENCO comprend la colère des compatriotes qui participent à ces manifestations. En outre, comme eux, elle estime que le Gouvernement de la République Démocratique du Congo et la MONUSCO ont montré leurs limites dans leur mission de sécuriser les populations exposées aux attaques des groupes armés en R.D. Congo. En effet, après plus de deux décennies d’insécurité, les Gouvernements qui se sont succédés et les différentes résolutions des nations unies n’ont pas réussi à neutraliser les groupes armés nationaux et internationaux. Ces derniers continuent, en toute impunité à semer la désolation auprès des populations civiles à l’Est de la R.D. Congo ».
« …les populations ne savent plus à quel saint se vouer…les terres occupées… »
C’est l’accumulation de ces multiples frustrations qui fait que ce vent de colère légitime souffle sur l’Est du pays car les populations ne savent plus à quel saint se vouer. Leurs terres sont occupées et exploitées par des étrangers qui les ont chassés de leurs habitations jusqu’à leur imposer même des taxes indues. Quelle humiliation ? Alors on s’en prend aux forces onusiennes à qui on exige tout simplement de dégager pour avoir échoué dans leur mission de stabiliser la RDCongo et de sécuriser les personnes civiles et leurs biens. En même temps, une méfiance est affichée à l’endroit des autorités de notre Pays, elles aussi incapables de protéger notre territoire national et soupçonnées même d’être complices dans cette situation, tellement les accords à répétition ont déjà fait leurs preuves d’échec.
« Les revendications sont légitimes mais la violence n’est pas la meilleure solution »
Les complicités et les infiltrations sont toujours dénoncées mais rien ne bouge. Parfois, même au front, nos vaillants soldats sont surpris par des ordres contrariants.
Que devons-nous faire ? Les revendications sont légitimes mais la violence n’est pas la meilleure solution à nos malheurs car, non seulement nous augmentons le nombre des morts dans nos rangs, mais aussi nous détruisons nos biens acquis à la sueur de nos fronts.
Une journée de deuil le 3 Août
C’est pourquoi, sans nous démobiliser ou nous démotiver dans notre élan de recherche du changement, je propose plutôt qu’on organise une journée de deuil, le mercredi 03 Août pour rendre hommage à nos morts au Nord-Kivu, au Sud-Kivu et en Ituri.
Aux côtés de la société civile, organisons des cadres de réflexion pour proposer des moyens de faire entendre la voix de notre peuple, réclamant ses droits dans la non- violence active et évangélique.
« Que les Nations unies exigent aux pays de la sous-région de dialoguer avec leurs opposants et rebellions »
Continuons à réfléchir sur les actions qui nous amènent tous et chacun en ce qui le concerne à s’acquitter correctement de sa tâche et à jouer son rôle pour la paix et la stabilité définitive.
Que les Nations unies exigent aux pays de la sous-région de dialoguer avec leurs opposants et rebellions car ils en ont tous au lieu de les déverser sur le territoire congolais où ils viennent leur faire la guerre ; que le rapport Mapping et autres rapports récents sur la RDCongo soient mis en application pour que les vrais coupables soient identifiés, condamnés, conformément à la loi et au mécanisme de justice transitionnelle. Et les dirigeants congolais sont sensés être les plus concernés pour se l’approprier.
» L’air de changement est en train de souffler »
Nous refusons le schéma de la trahison qui nous est proposé avec le mouvement des pillages et de destruction qui peuvent profiter une fois de plus à nos propres bourreaux. L’air de changement est en train de souffler : travaillons et cultivons nos champs pour propulser notre développement au lieu de rester à dépendre éternellement de ceux ou celles qui nous tuent et pillent nos richesses en profitant de notre turpitude et de notre distraction.
« Solidarité et démocratie positives »
Chers frères et sœurs, notre Province, depuis 1990-1992, a servi plus d’une fois d’exemple de solidarité et de démocratie positives à tout notre pays grâce aux initiatives constructives. Nous avons évité le bain de sang, les pillages et les violences, nous avons éloigné l’ennemi de toute sorte, nous avons collaboré avec l’armée et la police etc ; il y a lieu de pérenniser cette tradition. « Courage, je suis vainqueur du monde » (Jn 16, 33).
Que le Dieu de nos ancêtres entende nos voix et nous bénisse.