Des jeunes – et moins jeunes -“combattants” de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) ne sont pas contents. Mais, alors pas du tout. Et ils l’ont fait savoir à grand bruit ce jeudi 12 mars, dès les premières heures de la matinée. Une effervescence, pas trop inhabituelle du reste, était observée devant le siège de ce parti sur le boulevard Lumumba, 11ème Rue.
Les manifestants, très remontés, s’en prenaient non pas à leur ennemi intime, Joseph Kabila et ses phalanges régulièrement mangés à toutes les sauces. Mais, cette fois-ci, curieusement, c’est à leurs dirigeants actuels qu’ils en veulent avec virulence.Les manifestants exigeaient l’organisation dans l’immédiat d’un congrès ayant pour finalité de mettre fin au règne des ‘’intérimaires’’. ‘’Un parti comme l’UDPS ne peut pas être dirigé par des intérimaires à tous les niveaux’’, s’est exclamé un ancien responsable de la Ligue des jeunes. ‘’Vous avez un président intérimaire, un secrétaire général intérimaire, des responsables des fédérations et des sections, tous intérimaires. C’est inacceptable !’’
Tôt le matin, quelques dizaines de militants de l’UDPS ont pris d’assaut leur siège de la 11ème Rue Limete/Résidentiel. Au milieu des cris, revenaient souvent les noms de Jean-Marc Kabund, président intérimaire et 1er vice-président de l’Assemblée nationale, et d’Augustin Kabuya, secrétaire général. Au premier, ancien secrétaire général arrivé à la tête du parti en remplacement de Félix Tshisekedi frappé d’incompatibilité à la suite de son accession à la présidence de la République, il est reproché d’avoir procédé à des nominations des cadres en dehors des prescrits des statuts du parti. ‘’C’est du jamais vu. Un intérimaire qui nomme d’autres intérimaires. Et plus grave, il a même désigné un secrétaire général, en dehors du congrès !’’, s’exclame l’ancien membre de la Ligue des jeunes.
La police arrivée rapidement sur les lieux a procédé à quelques interpellations parmi les manifestants, et sécurisé les lieux. S’exprimant sur une radio locale, le Secrétaire général Augustin Kabuya a fustigé hier, en marge de ces moments fort agités de son parti, Udps, le comportement irresponsable de certains cadres du parti qui, à son avis, ont ameuté des jeunes désœuvrés du quartier Mombele tout proche, ‘’D’ailleurs’’, a-t-il déclaré, ‘’parmi les gens arrêtés, il ne se trouve aucun membre d’une fédération de l’UDPS’’.
Interrogé sur la possibilité de l’organisation du congrès du parti, Augustin Kabuya tranche : ‘’ La question de la tenue du congrès n’est pas à l’ordre du jour !’’.
‘’On veut du boulot !’’
La manifestation de ce jeudi devant le siège de l’UDPS comprenait un second volet à caractère plus social, celui-là. Beaucoup de jeunes sur les lieux ont indiqué ne pas comprendre que plus d’une année après l’accession de leur leader Félix Tshisekedi au pouvoir suprême, la plupart d’entre eux continuent à broyer du noir dans un chômage avilissant. Ils sont, pourtant, de toutes les marches, avalant des bouffées de gaz lacrymogènes, depuis plusieurs décennies. Certains des leurs camarades, rappelaient-ils, sont même morts pour le Parti.
Alors qu’ils espéraient voir, enfin, le bout du tunnel après la mémorable cérémonie d’investiture du 24 janvier 2019, ils sont bien obligés de déchanter : « leur » victoire profite à des inconnus, des « diasporas » et d’autres flatteurs de la 25ème heure qui, dénoncent-ils, squattent les couloirs de la Présidence de la République et des Ministères.
En un mot, les « combattants » exigent des emplois. Comme le disait l’un d’entre eux, dreadlocks en bataille et les yeux injectés de sang : ‘’Nous n’exigeons pas de postes de ministres ou de PDG. Nous les leur laissons. Mais, Félix doit nous trouver des emplois. N’importe où ! Lui, Kabund et Kabuya doivent tenir leurs promesses ! Nous avons rempli ici, des dizaines et des dizaines de listes soi-disant qu’ils allaient nous trouver du travail ou nous envoyer en formation en cas de victoire. Voilà qu’une année est passée sans une suite favorable ! Nous en avons assez de mensonges !’’.
Il est un fait qu’il se trouve parmi les ‘’combattants’’ ceux qui gardent les yeux bien en face des trous. Ils suivent avec un intérêt désabusé mêlé de colère, l’ascension fulgurante de certains des leurs anciens camarades ‘’parlementaires debout’’ qui, désormais, mènent grand train, roulent carrosse et se bâtissent de petits palais. Une prospérité sélective qui passe mal, à les en croire
En langage ordinaire, cela s’appelle le retour de la manivelle. Et c’est un signal dangereux que les dirigeants actuels de l’UDPS auraient tort de passer par pertes et profits. Car, à force d’avoir passé trois décennies à gaver des masses dociles de promesses sans lendemain, forcément, il vient un moment où même les ‘’ combattants’’ se souviennent finalement du vieil adage selon lequel ‘’ventre affamé, n’a point d’oreilles’’. Et le feu qui a consumé ce jeudi un pauvre tricycle risque de se transformer en un brasier difficile, voire impossible à circonvenir.