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    « En ce jour du troisième anniversaire de la signature de l’accord de Nairobi précurseur de la Magistrature suprême de son Excellence  Félix Antoine Tshisekedi, la grâce m’a été donnée de rencontrer une veuve nonagénaire en larmes, évoquant avec humour cet accord et pleurant le sort inique de Vital Kamerhe, l’humble artisan qui se désiste en faveur de celui dont il sera Directeur de Cabinet avisé et duquel Cabinet, en plein jour, il sera cueilli et conduit impitoyablement à l’abattoir de la barre, d’où il restera  loyal, même humilié, renié et trahi.

    Je suis resté suspendu, comme bien d’autres passants, aux lèvres de cette grand-mère. Elle a évoqué le jugement rendu et attendu et prié pour les juges.

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    « Que le renouvellement de votre jugement vous transforme et vous fasse discerner quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui lui plaît, ce qui est parfait » ( Rm 12, 2).

    Cette exhortation de Saint Paul a constitué l’essentiel de la prière de la nonagénaire. Chapelet en mains, assise dans sa bananeraie, elle ne se retient pas d’approcher les passants et leur lancer l’unique question :  » Priez-vous pour que les nations puissantes, les dirigeants du monde et nos juges renouvellent leur regard sur Kamerhe? » On s’amusait à dire légèrement oui ! 

    Au début amusante mais bien sérieuse, la dame a fini par convaincre une foule que les événements qui émaillent la vie sur terre, les surprises qui en découlent sont un appel au renouvellement du regard. 

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    C’est bien décapant pour les humains lorsqu’une certaine économie de la vie et une peur surtout du « qu’arrivera-t-il? » gagne ceux qui ont le pouvoir de décider sur le sort des autres , ai-je puisé de l’argumentaire de la grand-mère . Elle avait, selon moi, raison de mêler à ses pleurs et lamentations sur Vital Kamerhe, un égrainement de son chapelet pour implorer l’aide de Marie, Notre Dame du Perpétuel Secours.

    Je loue cette dame qui suscite du courage à prier pour nos dirigeants, surtout pour les tireurs de ficelles à échelle planétaire dans le cas Kamerhe, toujours dans le froid glacial de l’humiliation, de l’ingratitude et de l’exclusion. C’est aussi un courage à prier pour le peuple congolais dans sa lecture des événements qui le conduirait petit à petit à n’être pas prêt à l’inattendu de la grâce.

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    Le salaire de la peur

    Les heures, resté moi-même suspendu aux lèvres de la vielle veuve dont la verve oratoire ne pouvait laisser se retrancher, m’ont permis de lire et relire le texte de Mt.27,15-26. C’est la vie de Jésus face à la justice de la terre. C’est bien frappant d’y lire qu’en ce monde, ceux qui devraient prendre le courage de défendre les pauvres et les innocents s’incrustent dans la peur de perdre biens, pouvoir, honneur et même la vie. C’est, me semble-t-il, le salaire de la peur. 

    En effet, le sort de Jésus accusé se jouait entre Pilate et la foule. Le lecteur de l’Évangile de Matthieu est vite frappé de constater que l’on ménage Pilate et on vilipende la foule. A un moment Pilate qualifie Jésus de « Christ », c’est à dire Messie (cf. Mt.27,17). Il a bien conscience que c’est par pure jalousie que Jésus lui est livré et donc aussi que la raison qui le conduit à son tribunal est mauvaise.

    La femme de Pilate est courageuse : elle appelle son mari à la prudence lorsqu’il ose avouer l’innocence de l’homme de Nazareth, qui n’a fait aucun mal :   » Ne te mêle point de l’affaire de ce juste ; car aujourd’hui j’ai été très affectée dans un songe à cause de lui » (Mt. 27, 19).

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    J’aime l’attitude de Pilate lorsqu’il oppose à la foule hostile à Jésus – qui est passé partout en faisant le bien- le cas d’un bandit et malfaiteur fameux, Barabbas, qui aurait sans doute causé du tort à plusieurs parmi eux.  Chose étonnante, à la question  » lequel de deux voulez-vous que je vous relâche ?», ils optent pour la libération du malfaiteur Barabbas et la condamnation du juste. Ça touche bien la sensibilité humaine au plus haut point. 

    Le ravage de la politique de sauvegarde

    La vieille dame a brossé ce qu’elle a appelé « politique de maintien » tout en invitant à prier pour les décideurs dans le dossier Vital Kamerhe. 

    Elle estime que face à la déclaration de l’innocence de Jésus par Pilate, on s’attendrait de tous les éléments convergents qu’il déclare le procès clos et relâche l’accusé Jésus. Il n’en manquait pas les moyens en tout cas. Mais, hélas, il n’agit pas.

    Pour la personne de troisième âge, Pilate craint pour sa carrière s’il venait à s’opposer à ceux qui hurlent :  » Qu’il soit crucifié !» (Mt 27, 22). Oh, la peur qu’inspire la foule !

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    C’est, poursuit la dame en fin de vie, la peur de tant de Responsables à divers échelons et dans divers domaines de la vie, qui livrent souvent des victimes innocentes à l’autel des intérêts égoïstes. Elle a évoqué des cas ramassés mais très convaincants où des gens, à tort ou à raison, ont été sacrifiés pour sauver des « égos », des carrières, paraitre en place, se maintenir ou monter en puissance. On dirait, a-t-elle martelé, que pour goûter au lait et au miel de ce monde il faut être quelque peu impie.

    Mais elle pourrait avoir raison dans la mesure où à la base de certaines montées humaines en puissance, comme aussi de certains enrichissements, il y a souvent des situations peccamineuses.  L’humanité est pleine d’ossements des personnes qui ont payé un lourd tribut de la politique de Hérode, du » ôte -toi de là que je m’y mette », de la vengeance, de maintien ou de montée sociale.

    La dame nous a livré un enseignement conclusif sur la trajectoire de la malédiction. Pour elle, les actes de nous les humains sont les meilleurs canaux de transmission de malédiction, comme aussi de bénédiction. 

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    Récupérant la lâcheté de Pilate, qui manque de courage et de bravoure et qui se lave les mains,  » Je ne suis pas responsable de ce sang, à vous de voir » (Mt 27, 24), la dame a fini par évoquer la catastrophe que le peuple s’attira en clamant :  » Que son sang soit sur nous et sur nos enfants !» (Mt.27, 25). Eh oui ! 

    Assumons le cri, la foi et l’espérance de cette veuve nonagénaire qui, à coup sûr, est le cri de tant de congolais, en priant pour les Juges et les avocats et nos dirigeants afin qu’ils s’approprient le leitmotiv de Jésus à ses disciples : « N’ayez pas peur ». 

    Qu’ils n’aient pas peur du courage qui sauve la nation et efface la malédiction issue de la condamnation de celui que le Président Fatshi appelle tendrement  » Homme juste et correct, qui pourra jouer à nouveau un rôle dans ce pays  » et qu’il en soit ainsi.

    Abbé Kabazane Nsibula Jean-Baptiste »
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