Accès Humanitaire

    LaPrunelleRDC.info donne depuis quelques temps la parole à différents acteurs pour parler des conflits dans les Hauts Plateaux d’Uvira (Bijombo), Fizi (Minembwe) et Mwenga (Itombwe) dans le sud du Sud-Kivu.

    Cette Tribune qui est le point de vue de Safanto Bulongo, revient d’abord sur la difficile localisation territoriale du Conflit, quelques faits qui ont constitués la genèse des exactions et les réactions de différentes communautés. Elle propose enfin des solutions

    Safanto Bulongo appelle clairement à « ramener » les Hauts Plateaux en RDC.

    Tribune:

    « Nous nous faisons le devoir citoyen de porter notre point de vue sur la question du conflit dans les Haut Plateaux de Fizi, de Mwenga et d’Uvira appelé actuellement appelé « Conflit Minembwe ».  

    • Difficile localisation territoriale du conflit dit « Minembwe » pour beaucoup d’acteurs qui prétendent vouloir le résoudre

    La localisation du Conflit dit « Minembwe » constitue la plus grande difficulté pour les acteurs extérieurs du milieu. Il est triste de constater que cette difficulté est également éprouvée par les autorités publiques provinciales et nationales. Nous craignons que les acteurs internationaux ne leur emboitent le pas.

    • Conflit Minembwe, un abus de langage ?

    Le conflit qui a embrassé actuellement toute la partie Hauts Plateaux d’uvira, de Fizi et de Mwenga est parti, dans sa configuration actuelle, du groupement de Bijombo en chefferie des Bavira, territoire d’Uvira. Il opposait les Banyambulenge aux Bafuliru. L’enjeu principal était le poste de « Chef de Groupement de Bijombo ». Plusieurs réunions ont été tenues pour résorber ce conflit mais sans succès. Les Banyamulenge s’étaient regroupés autour de la milice appelée Gumino et les Bafuliru étaient Maï-maï/Bafuliru.

    A la suite de l’assassinat du Chef Kachelewa (du village Mikungubwe, Groupement Basimukinje 1 en Secteur d’Itombwe) par des jeunes Banyamulenge alors qu’il revenait d’un marché situé dans le groupement de Bijombo, des jeunes Babembe se joignirent aux combats de Bijombo aux côtés de Bafuliru. Il eut des affrontements violents contre les Banyamulenge à Kagogo et à Maeta. Après ces affrontements, les Babembe se retirèrent du front. 

    Notons qu’au cours de ce conflit de Bijombo, maisons, bétails (dont les vaches) et autres biens furent détruits. Les populations déplacées de toutes les tribus (Bafuliru, Banyamulenge et Banyindu) se réfugièrent vers Itombwe (en territoire de Mwenga) et à Minembwe.

    En date du 4 mai 2019, le Chef Kawaza du village Kanyola (un village de Banyindu situé dans le groupement Balala Nord en Secteur Tanganyika, territoire de Fizi) fut tabassé à mort par des jeunes Banyamulenge armés en plein marché. Il fut par la suite amené au Quartier Général de Gumino à Mikarati/Secteur de Tanganyika/territoire de Fizi d’où il décéda.

    Révoltés, les Banyindu furent leur entrée dans la guerre qui désormais s’élargissait vers les Hauts plateaux de Fizi. Des jeunes Bembe et Banyindu venant de différents coins se joignirent aux autres pour venger le Chef tué. Les déplacés des villages touchés se réfugièrent à leur tour à Itombwe et à Minembwe.

    Contre toute attente, en date du 10 mai 2019, les Banyamulenge/Gumino ont alors attaqué le Chef- lieu du Secteur d’Itombwe, détruisant tout ce qui était à leur passage.

    Plusieurs maisons brulées, le Bureau Administratif du Secteur d’Itombwe fut détruit. Il eut 2 morts au sein de la population.

    La population se réfugia dans la forêt d’Itombwe. Loin de toute assistance humanitaire jusqu’à ce que ces, enfants et femmes meurent suite aux conditions de vie très difficiles.  

    Depuis lors, les jeunes Babembe, Banyindu, Bafulero et Banyamulenge se sont appropriés la guerre.

    L’incendie de villages, pillage de bétails et destruction de champs sont devenus la règle.

    La mort de Semahurungure, le commandant de Gumino a significativement changé le rapport de forces dans la zone.

    En effet, alors que depuis 1996, le village de Minembwe a toujours été épargné par la guerre, la vague actuelle a touché suffisamment Minembwe (village situé en territoire de Fizi dont la grande partie fait partie du Secteur de Lulenge).

    Dans le Secteur d’Itombwe, le village de Mikenge faiblement touché est resté celui qui symbolise la mosaïque des tribus dans les Hauts plateaux. Les membres de toutes les tribus (Babembe, Bafuliru, Banyindu et Banyamulenge) vivant dans Itombwe y vivent sous la protection des FARDC. 

    Il est donc clair, qu’il serait un abus de langage de parler de Conflit Minembwe pour designer la tragédie qui se vit dans les hauts plateaux d’Uvira, de Fizi et de Mwenga.

    • Conflit Minembwe, une stratégie communicationnelle ?

    L’appellation Minembwe revêt un caractère stratégique de mobilisation. Il sied de rappeler que lors de la guerre du RCD (Rassemblement Congolais pour la Démocratie), il avait été créé un territoire dénommé « Minembwe » dont l’étendue couvrait à la fois les Hauts Plateaux de Fizi, d’Uvira et de Mwenga. Les communautés Bembes, Bafuliru, Bavira et Banyindu avaient opposé une résistance politique et militaire contre l’érection dudit territoire.

    La commune de Minembwe créée par la suite a entre autres limites la rivière Minembwe qui sépare dans certains villages, le territoire de Fizi et le territoire de Mwenga (au niveau de Minembwe-centre).  Cependant, cette rivière se prolonge dans le Secteur d’Itombwe. Souvent, les fans du territoire de Minembwe revendiquent tous les villages traversés par la rivière Minembwe comme faisant partie de la commune de Minembwe, plaçant ainsi cette commune à cheval sur 2 territoires différents (Fizi et Mwenga).

    Ce qui ne fait que réveiller les vieux démons du territoire de Minembwe. Ceci est plus renforcé dans l’opinion par le fait que ce sont les mêmes acteurs militants pour le territoire de Minembwe qui ont été à la base de la création de la commune de Minembwe.

    Les interventions humanitaires constituent également un enjeu important. Minembwe a fait ombrage de la catastrophe humanitaire dans les autres entités ds Hauts Plateaux.

    Tout le focus est sur les déplacés de Minembwe. Ceux des autres entités sont jetés dans les oubliettes. Le Gouvernement est tombé dans le piège. 

    Est-ce que les autorités sont conscientes de ce piège ?

    Entre temps, les assassinats ciblés ont fait fuir de Minembwe les Babembe, Banyindu, beaucoup de Bafuliru.

    Les Chefs de Groupements et de villages sont de plus en plus mis de côté au profit du nouveau tout puissant Bourgmestre de la commune rurale de Minembwe, par qui désormais tout le monde doit passer. Cette nouvelle donne est perçue comme une dépossession du pouvoir notamment par les membres des tribus Bembe, Nyindu et Fuliru.

    Quoi qu’il en soit, il est impérieux de savoir qu’en parlant de Conflit Minembwe, il y a lieu de bien circonscrire géographiquement ce que l’on veut dire car il y a risque de parler des interdits et de raviver le conflit.

    • La médiation et les médiateurs par compassion, par passion, ou pour une pension ?

    Depuis quelques mois, certaines personnes veulent se faire nommer médiateurs dans le conflit Minembwe. Est-ce par compassion, par passion ou pour une pension ?

    Les Conflits dans les Hauts plateaux de Fizi-Mwenga-Uvira, parce que c’est le concept approprié, ont commencé à être violents en 1977 avec la création du Groupe Faraza qui s’était donné la mission de faire accepter à tous les habitants de Hauts Plateaux l’appellation Banyamulenge. Des bagarres rangées entre les jeunes de différentes tribus étaient devenues courantes. L’appellation « Munyarwanda » n’était plus acceptée.

    En 1992 lors de l’opération d’identification et enrôlement de nationaux, il fut refusé aux Banyamulenge (car considérés comme rwandais à l’époque) le droit de se faire enrôler.

    Ils s’attaquèrent alors aux agents commis à l’identification et aux Gendarmes.

    Par la suite, les attaques furent orientées vers les membres des autres tribus notamment les Babembe, les Bafuliru et les Banyindu.

    Le Révérend Ndulu, un pasteur de la 5ème CELPA (CELZA à l’époque, un grand notable Bembe) fut tué chez-lui à la maison à Tulambo et son corps découpé fut donné aux chiens. Des villages furent incendiés et il eut plusieurs personnes tuées.

    La Coopérative COOZEIKI (Coopérative Zairoise des Eleveurs d’Itombwe) qui appartenait aux Babembe fut complètement pillée et les vaches de la coopérative furent emportées par les jeunes banyamulenge.

    Ce fut le premier affrontement armé dans les hauts plateaux d’Itombwe. Il eut une accalmie suite à la médiation entre les différents Pasteurs locaux de la CELPA.

    En 1996, le 14 septembre, ce fut le retour de la violence avec l’assassinat chez-lui, du Chef de Groupement Basimunyaka d’Itombwe Monsieur Henri Spake Munyaka et 7 autres personnes qui étaient chez-lui dont des membres de sa famille. Des villages entiers furent rasés et des vaches de Babembe, de Bafuliru et de Banyindu pillées.

    Alors que les Banyamulenge étaient suffisamment armés, les jeunes Babembe, Banyindu et Bafuliru regroupés derrières des leaders souvent désignés, recoururent aux anciens Mulele pour la fabrication de la potion Maï-maï. Tout le monde devrait « s’immuniser » contre les balles.

    Quelques jours plus tard ce fut la guerre de l’AFDL. Il eut des massacres dans plusieurs villages Bembe. C’est le cas du village appelé chez Ngulube (situé dans les Moyens Plateaux) où des personnes membres de l’Eglise « Emo Ya Ba Domineurs » furent brulées vives dans leur Eglise.  

    La prise du pouvoir par l’AFDL ne changea pas la donne dans les Hauts plateaux. Tous les habitants s’étaient armés. L’auto protection était la règle. La guerre du RCD de 1998 vint renforcer la belligérance. Les banyamulenge profitant de leur ascension dans les sphères du pouvoir, usèrent des moyens de l’Etat pour vouloir imposer leur hégémonie sur les autres tribus. Ceci a conduit à des situations de guerres à plusieurs reprises.   

    Notons toutefois que lors de sa défection contre le Rwanda, Masunzu, alors capitaine, va se réfugier chez les Maï-maï Babembe du côté de Lulenge.  Réorganisé, il eut le soutien des Maï-maï pour mener des opérations contre l’armée du RCD et ses alliés dans les Hauts Plateaux.    

    Depuis 2006, les conflits ont pris des allures saisonnières avec la transhumance. Aussi, parfois, c’est le berger armé qui fait paitre les vaches du commandant dans le champ d’un paysan Bembe et quand ce dernier revendique, il est accusé de Maï-maï, et c’est au nom des FARDC que les frères du berger viennent traquer le « paysan Maï-maï ». Solidarité oblige les frères du paysan « Maï-maï » viennent également à la rescousse, et c’est l’affrontement armé.  

    En 2011, il y a des violents affrontements entre les Babembe et Banyamulenge. Grâce à la médiation locale, le calme était revenu. 

    • Particularité de Mikenge

    En fait Mikenge était le seul village d’Itombwe où cohabitaient encore tous les groupes ethniques. Les déplacés des différents villages, sans distinction d’origine tribale, s’y trouvaient.  La Monusco et les FARDC assurent la sécurité à Mikenge.

    Le massacre qu’il y a eu doit être mis au passif de la MONUSCO et des FARDC. Les Banyamulenge sont regroupés dans un Camp sécurisé tandis que les autres groupes sont dispersés dans les villages.

    Au lendemain du massacre, beaucoup des Banyamulenge avaient décidé de vider le lieu. La nuit, il a été fait état des tirs vers ledit camp.

    Qu’est ce qui s’est passé ? Difficile de le savoir. Il n’y avait pas de connexion. Mais la logique dans la zone est : tu tues les nôtres, je tue les vôtres. Tu m’épargne, je t’épargne.

    C’est inévitable qu’il y aura une riposte. C’est comme ça la logique. Une sorte de paix des braves.

    L’aide humanitaire tant de la part du gouvernement provincial, national ainsi que de la communauté internationale est plus qu’urgemment attendue.

    Celle-ci ne doit pas être, comme c’est souvent le cas, ethniquement et géographiquement discriminatoire. Elle doit être suivre les populations vers leur lieu de refuge.

    Il faudra également réévaluer l’action de la Monusco et des FARDC dans la zone et tirer les conclusions en prenant des mesures qui s’imposent.

    Il n’est donc pas envisageable que l’on passe de temps à des ateliers de médiation ou de paix pour les hauts plateaux. Les médiateurs doivent prendre leur mal en patience.  

    • Ramener la partie Hauts Plateaux de Fizi, de Mwenga et d’Uvira dans la RDC

    Le silence des autorités zaïroises puis congolaises face aux violences dans cette zone depuis 1992, a placé les Hauts plateaux de Fizi, de Mwenga et d’Uvira à côté du territoire de la RDC.

    Les guerres de 1996, de 1998 et de 2011 n’ont fait que renforcer la mise à part de cette zone. Lors d’une réunion de médiation entre les Babembe et les Banyamulenge à la suite des violences de 2011 à Itombwe, nous avions dit au Gouverneur de province, qu’il y avait seulement 4 policiers à Itombwe pour une étendue de 3.680Km2. Sa seule réaction était de me demander si ces policiers avaient d’uniformes de la PNC.

    Le déploiement des éléments FARDC et PNC de la tribu Banyamulenge à Minembwe et dans quelques villages des environs, a souvent été à la base de la recrudescence des violences dans les Hauts plateaux. Ceci expliquerait suffisamment le fait que les opérations des FARDC ne visent que des Maï-maï et jamais les Gumino.

    Aussi, les programmes de désarmement n’ont pas touché la partie Hauts plateaux laissant cours à la libre circulation d’armes.

    Chacun (Mubembe, Mufuliru, Munyindu, Munyamulenge) étant appelé à assurer sa propre sécurité contre une éventuelle attaque venant du voisin ou d’un groupe armé étranger dont les FDLR.

    Ce recours à l’auto-armement est également un réflexe d’autodéfense pour faire face aux groupes armés étrangers (Rwandais et Burundais) qui sillonnent ou qui se sont installés dans la Zone. 

    La relégation de cette partie du pays dans les archives date de l’époque Mobutu au cours de laquelle d’aucun estimait la zone comme étant un bastion de Mulelistes.

    L’intervention de l’Etat en termes de construction et de réhabilitation d’infrastructures est quasiment nulle.  Aucune école, aucun Centre de Santé, aucun tronçon routier construit ou réhabilité par l’Etat depuis l’époque de Mobutu, notamment pour ce qui est des Hauts Plateaux d’Itombwe et d’Uvira.      

    Le retour de l’état congolais dans les hauts plateaux passe par :

    • Le déploiement des militaires FARDC et policiers non originaires des provinces de l’Ex Kivu (Nord Kivu, Sud Kivu ou Maniema). Ceci ferait fouir même les groupes armés étrangers ;
    • Fournir une assistance humanitaire aux déplacés de Hauts Plateaux d’Uvira, d’Itombwe et de Minembwe et faciliter leur retour et réinsertion socio-économiques dans leurs milieux ;
    • La mise en place d’un programme de désarmement forcé de tous les habitants des Hauts Plateaux d’Uvira, de Mwenga (Itombwe) et de Fizi (Minembwe);
    • L’ouverture d’un Tribunal de Paix à Minembwe, à Itombwe et dans les Hauts Plateaux d’Uvira devant traiter les différents crimes perpétrés dans les Hauts Plateaux ;
    • Initier un programme de reconstruction des infrastructures de base (route, écoles, structures médicales, etc) et de développement durable ;
    • Mettre en place un programme de justice transitionnelle avec comme focus la Vérité pour la réconciliation ;

    Safanto Bulongo

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    Un commentaire

    1. Citoyen Lambda on

      A lire cet article on comprend bien qu’il s’agit d’un mubembe. Un partial jusqu’à la moelle épinière ou osseuse. Il n’a au fait évoqué que les maux dont les Bapfulero, Babembe et Banyintu ont subit sans évoquer les calcaires dont les Banyamulenge ont eu à endurer et qui continuent jusqu’aujourd’hui.

      Par il n’a pas dit comment le chef du groupement Kabarure Obedi a été blessé par les Banyintu qui voulaient le tuer et qu’il mort tardivement de suite de ses blessures.

      Il n’a pas évoqué comment les villages et plus de 400 milles de cheptel des Banyamulenge ont été razziés par ses frères Babembe. Il a dit avec satisfaction comment la mort de Semahurungure leur a été bénéfique. Donc, les Banyamulenge sont à tuer en toute quiétude

      Il n’a pas non plus parlé de leur coalition avec les forces étrangères burundaise et rwandaise.

      Il a menti que les politiciens et militaires qui sont dans les hauts plateaux sont des Banyamulenge.

      Conclusion : en tant que journal respecté veuillez faire passer des personnes animés de la bonne volonté de la cohabitation pacifique.

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