Qui est à la tête de la province du Sud-Kivu ? C’est la question principale de plusieurs acteurs sociaux et politiques de la province après la validation des mandats du Gouverneur Claude Nyamugabo et son adjoint Hilaire Kasusa Kikobya comme députés nationaux.
En effet, depuis, celui qu’il convient d’appeler Gouverneur honoraire et aujourd’hui député national a choisi son mandat de député national et reste à ce jour dans la capitale. Son adjoint qui est arrivé en province avait également annoncé venir dire au revoir afin de poursuivre sa mission comme député national élu de Shabunda.
Celui-ci continue à agir en qualité de vice-gouverneur, si on considère les résumés des communicateurs de la province. Ceux-ci ne font pas mention d’un Gouverneur ad intérim.
La dernière action, c’est celle du dénouement de la crise avec les femmes vendeuses des souliers usagers où Hilaire Kasusa Kikobya s’est déplacé en qualité de vice-gouverneur pour remettre ces femmes à leurs places respectives.
Là survient la question : qui dirige réellement la province du Sud-Kivu ?
A Nyamoma, on se contente de dire que le vice-gouverneur est là « quand le gouverneur est en mission ».
D’autres répondent que les autorités provinciales ont reçu l’autorisation de poursuivre leur travail en attendant l’installation d’une nouvelle autorité provinciale.
Pourtant, la présence de Hilaire Kasusa Kikobya pourrait être de façade pour l’instant.
Un ministre provincial qui s’est confié à Laprunellerdc.info révèle que rien ne se fait sans l’accord de Claude Nyamugabo.
«Même pour engager une dépense de 1000 dollars américains, on doit attendre l’aval du député national Claude Nyamugabo. C’est comme si l’actuel n’est pas considéré comme Gouverneur» s’étonne-t-il, sous un ton moqueur.
Que dit la loi ?
« Les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat électif, de tout emploi public, civil ou militaire et de toute activité professionnelle à l’exception des activités agricoles, artisanales, culturelles, d’enseignement et de recherche. Elles sont également incompatibles avec toute responsabilité au sein d’un parti politique» répond l’article 96 de la Constitution de la RDC. Une disposition soutenue par l’article 108 de cette même constitution.
L’article 77 de la loi électorale prévoit également ce qui suit : « Outre les incompatibilités aux fonctions de Président de la République, de député et de sénateur prévues aux articles 96 et 108 de la Constitution, selon le cas, sont incompatibles avec les fonctions électives provinciales, urbaines, communales et locales les fonctions ou mandats suivants :Membre du gouvernement ; Magistrat ;Membre du Conseil économique et social, membre d’une institution d’appui à la démocratie ; Membre du cabinet du Président de la République, etc.
C’est ce que rappelle d’ailleurs le Conseil d’Etat de la RDC saisi par le premier ministre Bruno Tshibala pour interprétation des dispositions des articles 77 et 78 de la loi électorale.
« Déclare recevable la requête précitée et émet son avis en ces termes :A travers l’article 77 de la loi électorale, le législateur congolais entend établir un régime d’interdiction de cumul des fonctions et mandats qu’il vise ; Ainsi , à partir du moment où les responsables publics visés aux points précités de l’article 77 de la loi électorale, ont opéré leur choix en faveur de leur nouveau mandat électif, sur le fondement de l’article 78 de cette même loi électorale, ce choix emporte pour effet immédiat la cessation automatique et définitive de leurs fonctions ou mandats actuels ; la validation de leurs mandats par les Assemblées parlementaires faisant naître dans leur chef tous les droits et toutes les obligations attachés à la fonction parlementaire» dit le Conseil d’Etat dans son avis.
Un avis rappelé depuis plusieurs jours par des juristes dans la province du Sud-Kivu qui appellent les responsables actuels à laisser la place aux membres du gouvernement qui n’ont pas de mandat électif.
Comment les choses devaient-elles se passer ?
Dans la pratique courante, ce serait le ministre de l’intérieur qui ferait l’intérim du Gouverneur mais lors de la mise en place du Gouvernement Nyamugabo 2, l’ordre d’arrivée a été changé.
Le ministre des Infrastructures et de la Reconstruction, travaux publics, de l’Énergie et des Ressources Hydrauliques apparaissaient comme préséant. Une démarche « malhonnête » selon le politologue Théodore M’seme, qui pense qu’à ce temps, Claude Nyamugabo avait agi ainsi par ce que l’intérieur devait revenir à son allié l’AFDC. Si ce n’est pas celui-là, l’ordre de préséance dans la nomination devrait être respecté pour avoir un Gouverneur ad intérim analyse un politologue.
En tout cas, à l’heure actuelle c’est la cacophonie autour de la gestion de la province du Sud-Kivu et nombreux se demandent quelle valeur juridique auront les décisions qui pourraient être prises par les députés nationaux Claude Nyamugabo et Hilaire Kikobya pour la gestion de la province alors qu’ils sont censés ne plus être là.