On le connaissait actif pour la défense du Gouverneur destitué par l’Assemblée Provinciale du Sud-Kivu, mais personne ne savait jusqu’où il pouvait aller. Jules Joseph Kanjira, l’actuel Président de la Mutualité des Bahavu (MUHA) a, dans une correspondance, proféré des menaces à peine voilées à Amani Kamanda Jacques, le Rapporteur de l’Assemblée Provinciale du Sud-Kivu.
En effet, dans une correspondance largement partagée par des proches du Gouverneur Ngwabidje ce mercredi 19 Janvier, Jules Kanjia pense carrément que Jacques Kamanda, (un muhavu comme lui) s’attaque à « son frère », le Gouverneur déchu.
«La Muha est désolée de constater avec amertume que votre qualité de Rapporteur de l’Assemblée Provinciale dont vous êtes revêtue soit devenue une arme afin de vous attaquer contre notre et votre frère, membre de ta communauté, en la personne de monsieur le Gouverneur de Province du Sud-Kivu, Théo Ngwabidje au mépris et en violation de nos valeurs ancestrales de base », écrit Jules Kanjira, Président de la Muha dont le Rapporteur de l’organe délibérant est également membre.
Parlant des actes que le député Kamanda aurait commis, le Président de la Muha cite par exemple les dernières sorties médiatiques de celui-ci relatives à la crise institutionnelle qui secoue la province.
Visiblement l’homme qui continue à soutenir son « frère » Gouverneur malgré sa déchéance n’en peut plus avec la constance de son frère, le jeune Rapporteur Kamanda Jacques déterminé avec ses collègues à user de leur pouvoir pour sanctionner les actes de megestion décriés sous la gouvernance Ngwabidje.
« N’oubliez pas que c’est la communauté des Bahavu qui vous a donné la qualité de député provinciale et de là vous êtes passé Rapporteur du bureau de l’Assemblée provinciale. Vous devriez donc vous interdire de lui témoigner de l’ingratitude. Ça serait suicidaire », dit-il clairement.
Celui-ci va jusqu’à implorer l’intervention des chefs coutumiers à l’encontre de Jacques Kamanda. «
« Nous, communauté Havu, implorons aussi à nos chers chefs coutumiers, de vous inviter à la retenue pour que vous reveniez à la raison et ne pas s’attaquer à votre frère que vous-même avez élu pour gérer cette Province et que nous voulons voir se développer durant son mandat que vous lui avez donné. Nous sommes navrés », se désole le tout récent ancien Président du Conseil d’Administration de Radio Maendeleo.
Contexte
Le Gouverneur Théo Ngwabidje Kasi a été déchu par 33 députés provinciaux sur les 48 composant l’Assemblée Provinciale.
Le jeune Jacques Kamanda est parmi les députés qui ont soutenu la motion de défiance contre le Gouvernement Provincial. Il a été sur tous les fronts pour exiger le départ du Gouverneur Théo Ngwabidje.
Depuis, plusieurs comme Kanjira tentent de ramener le débat autour de la tribu. Certains jeunes se réclamant de la communauté Havu avaient également menacé de bloquer la circulation des bateaux sur le Lac Kivu au cas où Ngwabidje et son gouvernement étaient destitués. Depuis, les bateaux font toujours des navettes sur le Lac Kivu.
Cette correspondance est considérée par plusieurs proches du député comme une tentative désespérée de lui faire du chantage afin de réduire au silence un élu du peuple qui n’a fait que son travail de contrôle parlementaire ayant abouti à la destitution de Ngwabidje.
Des questions
Depuis la diffusion de ce communiqué, plusieurs questions se posent dans l’opinion publique du Sud-Kivu d’autant plus qu’il n’est pas le premier qu’il a signé depuis le début de cette crise.
Qui est donc derrière Jules Joseph Kanjira ? Comment un membre actif des organisations de la Société Civile peut-il s’opposer aux actions parlementaires qui n’avaient qu’un souci de faire la lumière sur la gestion jugée « chaotique » du Gouverneur déchu ? Que vaut donc la défense de la bonne gouvernance comme crédo des acteurs de la Société Civile du Sud-Kivu ?
La Communauté Havu a-t-elle un intérêt particulier dans la gouvernance Ngwabidje décriée à haute voix ou c’est une démarche personnelle pour tenter de justifier un amour pour des personnalités politiques soutenant le statuquo ?
Les menaces sont-elles dans la logique de préparer un éventuel retour d’un Gouverneur dont la cause est en examen devant les instances judiciaires ?
En quoi la gestion d’une province devrait être liée à toute une communauté tribale ? L’échec de Ngwabidje est-il celui de la Muha ou de toute la communauté de Jules Joseph Kanjira ?
Comment un Président d’une mutualité tribale peut-il refuser à l’un des fils de son faire son travail pour lequel il a été élu en prétendant défendre un autre ?
Toutes ces questions restent pendantes. Et l’histoire retient les noms et les agissements de chacun dans un Sud-Kivu détruit par l’affairisme de ses fils et filles et qui, pour justifier leurs crimes se cachent derrière des motivations tribales et ethniques afin de tenter de s’attirer la sympathie du grand nombre.