La Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) ne reconnait toujours pas les villes d’Uvira, Kamituga et Baraka comme circonscriptions électorales, faute d’une nouvelle loi portant répartition des sièges. Dans sa nouvelle cartographie, seule la ville de Bukavu a été délimitée comme entité urbaine au Sud-Kivu.
Cette information a été livrée par Gaudens Maheshe, Secrétaire Exécutif Provincial (SEP) de la CENI au Sud-Kivu, au cours d’une matinée d’information et de sensibilisation en faveur des acteurs de la Société Civile sur le processus électoral de 2023, organisée par Agir pour des Élections Transparentes et Apaisées (AETA) ce mercredi 10 aout 2022.
Au cours de ces assises, le responsable de la CENI en province a fait un état de lieu de la cartographie électorale dans sa province. Une cartographie qui selon Gaudens Maheshe, contient données réalisées récemment par les préposés à la cartographie chargés de prélever les données géospatiales des centres d’inscriptions qui existent et des centres d’inscriptions éligibles, et qui devront servir pour préparer les élections de 2023 au Sud-Kivu.
Celui-ci a rassuré que la province du Sud-Kivu est bien rangée en ordre de bataille pour les élections prochaines.
«Il s’agissait de prélever les données géospatiales des centres d’inscriptions qui existent et des centres d’inscriptions éligibles. Prendre des photos des lieux qui seront destinés à abriter les centres d’inscription, montrer leur proximité avec la population, montrer si le centre a travaillé dans le temps et ou dans les environs il y a des centres éligibles pour être choisis par la suite. C’est un travail qui a été bien fait et nous sommes très satisfait parce que la formation donnée à ces différents acteurs a été bien suivie et a apporté des fruits. La cartographie il faut la comprendre comme un système dont on se sert pour aller sur terrain pour choisir les centres d’inscription en rapport avec le rapprochement de la population. La CENI veut rapprocher les centres d’inscription de leurs utilisateurs qui sont les populations,» a expliqué Gaudens Maheshe.
Le numéro un de la CENI au Sud-Kivu expliqué aux participants que cette cartographie réalisée sur base de la loi de 2018, a délimité 10 communes au Sud-Kivu. C’est notamment Fizi, Uvira, Kiliba, Sange, Luvungi, Kamituga et Shabunda, mais aussi Ibanda, Kadutu et Bagira à Bukavu.
«La CENI doit travailler avec des lois. Et la toute dernière loi qui attribue les sièges date de 2018. C’est elle qui parle des nouvelles villes et communes. Cette loi dans ses annexes 3 nous donne les villes et communes prises en considération par la CENI. La Commission électorale ne travaille pas au hasard. Elle se base sur les lois. Il y a des nouvelles villes tout comme des nouvelles communes, 385 communes pour tout le pays. Mais la CENI n’a tenu compte que de 310 communes telle que notées dans cette loi portant attribution des sièges de 2018. Au Sud-Kivu cette loi reprend une seule ville. C’est la ville de Bukavu. Cette loi reprend 10 communes pour le Sud-Kivu. Ce sont ces communes-là qui ont été délimitées par les préposés à la cartographie et dont nous détenons toutes les données et c’est sur base de ces données que nous allons préparer les élections de 2023. Nous en tiendrons compte en 2023 comme l’a dit le président de la CENI si aucune autre loi n’intervient,» a rassuré Gaudens Maheshe.
A la question de savoir si cet état de chose ne risque pas de perturber le processus électoral sur terrain, le Secrétaire exécutif provincial de la CENI au Sud-Kivu a rassuré que tout se passera comme prévu, et que rien ne perturbera le processus comme d’aucuns le pensent. Il a laissé entendre que la responsabilité de cette contradiction n’incombe pas à la CENI, qui selon lui, ne se base que sur des lois.
«Ca ne perturbe rien du tout parce que sur le terrain nous avons des villes administrativement reconnues et dirigées par des maires. La CENI ne supprime pas ces villes-là mais n’en tient pas compte dans sa cartographie électorale. La ville de Baraka existe bel et bien. Elle est dirigée par un maire, Uvira et Kamituga mêmement. La CENI n’ignore pas le pouvoir de leurs animateurs. Cependant la CENI ne travaille pas avec des données de ces villes-là parce qu’elles ne sont pas reconnues par une loi règlementaire. Et si vous constatez effectivement les décrets qui confèrent le statut des villes existe depuis 2013, l’autre est venu en 2015 pour sursoir celui de 2013 et un autre décret de 2018 qui lève la surséance de celui de 2015. Et effectivement si vous lisez les contenus de tous ces textes vous comprendrez qu’il y a de la contradiction. Alors la CENI ne peut pas s’engager sur la voie de la contradiction. C’est pour quoi elle se base sur une loi de 2018 qui est opposable à tous,» a soutenu Gaudens Maheshe.
Des défis liés au processus électoral
Faisant une analyse sur les défis du processus électoral actuel, Paulin Buhaliza, expert électoral et acteur de la Société Civile du Sud-Kivu, a noté les forces, les faiblesses, les opportunités et menaces du processus en cours en RDC.
Évoquant les défis, celui-ci a noté du processus actuel la non finalisation du cycle électoral (pas d’élections locales), la méfiance permanente entre acteurs politiques, mais aussi la non finalisation de la cartographie pour rapprocher les électeurs de leurs centres d’inscription.
Cet expert électoral a néanmoins reconnu quelques forces de l’actuel processus électoral. C’est par exemple la mise en place d’un bureau de la CENI, l’existence de la loi sur l’organisation et le fonctionnement de la CENI et la loi électorale, toutes deux promulguée, mais aussi la publication de la feuille de route et l’existence d’un plan stratégique 2021-2027, en plus du recrutement du personnel opérationnel sur toute l’étendue du territoire national.
Pour ce qui est des faiblesses majeures du processus, Paulin Bahaliza a noté le manque d’un calendrier électoral pour la visibilité de la CENI, la planification (Report de l’affichage des candidats préposés aux différents postes de recrutement avec impact au niveau organisationnel), et la complicité qui selon lui, serait constatée entre le bureau sortant et celui entrant de la CENI, autour de 18 mois de complément de salaire des agents et cadres du Bureau sortant.
Il a aussi fait observer que la feuille de route de la CENI n’est pas un calendrier électoral. Pour lui, les contraintes politico-sécuritaires, les contraintes liées à l’indépendance financière de la CENI, les contraintes liées à la volontés politique, les contraintes d’ordre légal, les contraintes techniques, les contraintes sanitaires, celles logistiques, ainsi que la mutualisation des opérations d’identification et de recensement des électeurs, persistent et nécessitent une attention particulière.
Il a néanmoins noté deux opportunités pour le processus en cours, notamment l’engagement du peuple congolais d’aller aux élections en 2023 et la volonté de l’accompagnement par l’Union européenne du processus électoral en préparation.
Comme menaces, cet expert électoral a évoqué les divergences politiques qui créent des tensions au sein de la classe politique, le risque de ne pas organiser les élections locales, l’insécurité persistante au Nord-Kivu et en Ituri (état de siège), les conflits intercommunautaires et le risque de politisation à outrance du processus électoral.
Signalons que les participants à cette matinée d’information et de sensibilisation sur le processus électoral ont noté l’intérêt pour une responsabilité collective et l’engagement des congolais (acteurs politique et sociaux) de rester mobilisés pour que le processus en cours aboutisse à des élections libres, transparentes et apaisées.
Bertin Bulonza