Venant Rugusha est de ces députés du Sud Kivu qui sort de l’ordinaire et qui restera gravé dans les annales de l’Assemblée provinciale du Sud Kivu. Après un silence qui cachait mal son observance de la vie du Sud Kivutien, il sort de sa coquille et frappe. Après avoir défenestré l’an dernier de la manière qu’on connait, Marcellin Cishambo son camarade du parti Pprd à l’époque, le revoilà déterminé à demander des explications de bonne gouvernance à Claude Nyamugabo. Il revient à la charge avec une question orale avec débat adressée au gouverneur du Sud-Kivu Claude Nyamugabo à une année de son investiture le 11 octobre 2017. La lettre a été transmise au Président de l’Assemblée provinciale Emile Baleke sous le numéro 073 courrier reçu par son bureau le 24 octobre 2018.
Les communicateurs du Gouverneur auront fort à faire cette fois. On aurait voulu le voir répondre avec la tête aux préoccupations d’un représentant du peuple au lieu de se perdre dans des propos qui indisposent et qui en fin de compte discréditent leur chef comme l’indique Venant Rugusha dans certains propos de ces communicateurs. Cette question de neuf pages consultées par Laprunellerdc.info se décline en trois principaux volets dont:
I. La gouvernance administrative politique et sécuritaire
Venant Rugusha rappelle au Gouverneur que lors de son investiture il s’était fixé entre autres priorités la sécurité des personnes et des biens sur toute l’étendue de la province. Ne voulant pas spéculer à ce sujet ; Rugusha a pris à témoin le Ministre démissionnaire Luc Mulimbalimba Masururu qui était en charge de l’intérieur, de la Décentralisation, de la Sécurité, des affaires coutumières et Foncières. Qui plus que ce ministre préséant pouvait mieux connaitre la réalité qui gangrène la gouvernance Nyamugabo. Ce Ministre accuse Nyamugabo d’avoir l’apanage sur « les fonds secrets de recherche » budgétisés pour l’exercice 2018, le privant ainsi des moyens dont il aurait pu se servir en vue d’assurer la sécurité de la Province.
Dans le registre sécuritaire, Rugusha s’interroge, après un an du règne Nyamugabo, quel bilan fait-il de son opération « TUJIKINGE ».
Rugusha remarque qu’il ne se passe plus 48 heures sans qu’on ait à déplorer, tant dans la ville que dans les territoires, des morts d’hommes, des enlèvements ou des attaques à mains armées. Et de prendre l’exemple du Ministre national de l’environnement Amy Ambatobe qui a failli laisser sa peau à Fizi la semaine dernière. Et de citer certaines structures citoyennes qui font état d’environ 500 morts en une année.
Tout en reconnaissant quelques efforts fournis par le Gouvernement , notamment l’organisation de certaines audiences foraines suivies des jugements, dénonciations et arrestations, le député veut des explications sur les informations larguées par le Ministre démissionnaire qui fustige la tendance outrancière du Gouverneur à la centralisation et qui plonge les ministres dans la léthargie et les rendent incapables de sanctionner les agents fautifs avec comme cas les plus illustratifs, ceux des services du cadastre et des titres immobiliers qui vendent impunément les concessions et maisons de l’État. Et de rappeler à Nyamugabo qu’une recommandation lui avait été adressée lors de son investiture selon laquelle il fallait non seulement récupérer le patrimoine de l’État spolié, mais aussi et surtout engager des poursuites contre les auteurs. En lieu et place souligne le député Rugusha, le gouvernement a plaidé en faveur de leur réhabilitation un à un, sans oublier que certains d’entre eux sont issus, selon les propres termes de l’ ancien ministre de l’intérieur de « familles qui se sont concentrées pour exercer des fonctions dans les mêmes bureaux, occasionnant la mafia et la solidarité dans le mal ».
Quid de la gestion du pouvoir coutumier et du néologisme « Nyantenderisation » ?
Un point qui sans doute fera du mal à Nyamugabo est celui de la gestion du pouvoir coutumier. Son ancien Ministre évoque le cas de la chefferie des Bafuliru. Le cas le plus récent est celui de la Chefferie de Nindja qui risque selon Rugusha de faire embraser le territoire de Kabare, risquant de récréer un syndrome semblable à celui qu’avait engendré en son temps le conflit « Mamimami vs Ntayitunda »
En clair, le député veut savoir quelle a été l’implication personnelle du Gouverneur dans ce dossier ? A l’époque de son prédécesseur Cishambo, 13 députés provinciaux avaient signé une déclaration suivie d’une longue audience et que c’est grâce à cette démarche que le pire avait été évité.
« Consistant à vouloir à tout prix caser des gens de votre colline, et souvent, de votre famille, il risque de vous faire descendre très bas »
Tous les sujets qui se supputent dans la ville sont touchés par Rugusha. Il aborde ce néologisme qui rebat les oreilles de plus d’un citoyen du Sud-Kivu. Il cite la « NYANTENDERISATION » de la province. Alors qu’on n’a jamais parlé » de MUDAKARIZATION sous le gouverneur Cibalonza Byaterana, ni de KABARIZATION sous Muderhwa Chirimwami Léonce, moins encore de NYAGEZIRISATION sous le règne de Cishambo Ruhoya, ce phénomène est en train de devenir une véritable gangrène écrit Rugusha « Consistant à vouloir à tout prix caser des gens de votre colline, et souvent, de votre famille, il risque de vous faire descendre très bas ». Le cas le plus symptomatique cité par Rugusha est celui « de votre propre frère de sang, Damien Nyamugabo qui commet de véritables dégâts au niveau de la DPMER et de la cellule de l’anti-fraude. Je vous épargne des détails ».
« La même tendance vous a conduit au limogeage des agents et cadres de la protection civile, du STAREC et avant, ceux de la DPMER pourtant formés par les partenaires multilatéraux, notamment la Banque Mondiale qui risque de prendre ses distances. Tout se faisant dans le but de placer vos proches ainsi que les membres des états-majors chargés de battre votre campagne en tant que candidat à la députation nationale. « La Fondation Nyamugabo »dont le mode de financement suscite maints questionnements œuvrerait dans la même logique » conclut le député.
Dans le secteur de la Justice, Il convient de relever avec Rugusha la tendance régressive fustigée par plusieurs acteurs politiques et sociaux. En effet, la suppression du Ministère de la Justice et des droits humains est apparue aux yeux de nombreux observateurs comme une manière de s’inscrire en faux contre le principe consacré par l’Onu. Pouvez-vous expliquer, demande Venant Rugusha, les motivations profondes de la suppression du ministère de la justice et de la création d’un commissariat ?
II. la gouvernance économico-financière et patrimoniale
De tous les points touchés par Rugusha, celui des arriérés salariaux de ses anciens collaborateurs donne la chair de poule au gouverneur, car ici les concernés sont organisés jusqu’à faire entendre leurs voix à qui veut les entendre. Ils sont décidés à accompagner mordicus Rugusha. Nombreux ne jurent que par son nom aux élections à venir. Rugusha aura donc frappé un coup de maitre pourvu qu’il ne lâche pas en chemin comme du temps d’Élie Zihindula qui céda le pouvoir à Nyamugabo s’inquiète un ancien chauffeur au gouvernorat.
Et « les indignés des Nyamugabo »?
Juste après la chute du gouvernement Cishambo, les agents se plaignaient de plusieurs mois d’arriérés salariaux et des indemnités de sortie. Ils avaient pris d’assaut l’Assemblée provinciale comme siège de leur grève et de leurs différentes manifestations.
A son élection Nyamugabo demanda aux agents de mettre fin à la grève avec promesse ferme de sa part d’apurer progressivement leurs arriérées ainsi que de leurs indemnités de sortie. Entretemps Nyamugabo a limogé la plupart de ces agents sans que la promesse n’ait été honorée. Et pour preuve démontre Rugusha, les trois correspondances de ces agents réclamant leurs droits mais qui n’ont suscité presque aucune réaction de la part du Gouverneur. Le plus étonnant, c’est que cet argent est prévu dans le budget 2018, précisément dans la rubrique dette sociale.Entretemps plusieurs rencontres ont eu lieu entre le Gouverneur et la commission des agents victimes ; mais curieusement un seul mois d’arriérées a été apuré couvrant le mois d’octobre 2016, un apurement effectué de manière discriminatoire et à un taux on ne peut plus lésant (920FC 1dollars).
La question que le député Rugusha se pose logiquement ensemble avec « les indignés des Nyamugabo », surnom actuel des anciens agents du gouvernorat, est celle de savoir où est passé l’argent décaissé dans cette rubrique après ce premier apurement. Pendant ce temps indique le député, le nombre des Conseillers au ministère des finances a doublé, si pas triplé au moment où la majorité des victimes continuent de réclamer plus de 10 mois d’arriérées et 6 mois d’indemnités, incapables de prendre en charge l’alimentation, la scolarisation et les soins de santé pour eux-mêmes et pour leur progéniture, sans parler de ceux qui sont déguerpis de force par leurs bailleurs. Qui pouvait prendre une telle défense pour ces oubliés si pas un député qui se rend compte de la déchéance dans laquelle vit ses compatriotes qui ne méritent pas ce sort après avoir travaillé vaillamment pout l’Etat congolais.
Dans le lot de victime figure aussi l’ancien chef de division chargé de l’informatique à la DPMER , le pauvre Ciza Materanya Édouard tel que le qualifie le député Rugusha . Il a été jeté en prison sans qu’aucune enquête n’ait été effectuée alors qu’en réalité il a été victime de toute une machination revancharde.
Venant veut aussi voir clair dans les dossiers impliquant Nyamugabo dans les services d’assiette
Dans le même volet de la gouvernance économique et financière, Venant Rugusha fait état des correspondances en provenance de le Division des Transcoms et qui sont parvenues à l’Assemblée provinciale et à la commission économique et financière fustigeant un conflit de compétence entre elle et la DPMER. Il s’agirait de la non observance par la DPMER, de la procédure légale portant sur la chaine de la recette selon laquelle le service d’assiette Transcoms prétend qu’il devrait s’occuper de la constatation, de la liquidation et de la perception tandis que la DPMER devrait se limiter à l’ordonnancement et au recouvrement des sommes non payés cash ou litigieuses. Le comble écrit le député c’est lorsque cette Division confronte ses statistiques à celle de la DPMER que la magouille crève les yeux. Pour le seul mois d’octobre 2017 par exemple, la Division mentionne 113.544kgs de fret aérien transportés évalués à 5.697,2US et 157 passagers transportés pour un montant de 785$US, soit un total de 6 .482, 2US. Bizarrement, les statistiques de la DPMER mentionnent zéro dollar pour les deux actes générateurs.
Par ailleurs informe le député, cette pratique maffieuse est de mise pour d’autres taxes, notamment celle relative aux feuilles des routes des véhicules importés dont le taux et de 30$US/cas, tous véhicules confondus. Ceci s’observe aux postes frontaliers de Kavinvira, Uvira, Kamanyola et Ruzizi 1er, postes ou la division a découvert que des agents de la DPMER délivraient de faux bordereaux de versements en banque aux assujettis. Tout récemment indique Venant Rugusha une information a défrayé la chronique au sujet d’autres agents qui auraient été pris en flagrant délit de détention de 4000 vignettes pour véhicules automoteurs. Quel a été leur sort ? Des questions sur la suspension de Lukulunga pour avoir intercepté de minerais appartenant à un proche d’une autorité provinciale ; la taxe de 800 FC exigée aux voyageurs. Le député voudrait connaitre les tenants et les aboutissants de tous ces griefs.
A propos du partenariat « public-privé » que le député dit encouragé, il veut que la représentation provinciale soit édifiée par le gouverneur sur le nombre de contrats déjà signé dans le domaine des infrastructures, de la perception des impôts et taxes et autres, les partenaires privés concernés et les contenu des contrats ?
Dans le volet de la mobilisation des recettes comment le gouverneur a-t-il réagi aux propos de l’ancien Ministre provincial de mines, Apollinaire Bulindi selon lesquels la société BANRO détiendrait des arriérés de redevance à la province évaluées à plus de 6 millions de dollars ?
III. Les infrastructures de base
Les points cardinaux sur la route nationale N°5 s’inverse en allant du Sud vers le Nord au lieu du contraire.
Rugusha souligne que le gouverneur a lancé plusieurs travaux qui tirent en longueur. Un constat est au moins sur et fait l’unanimité fait-il savoir, ce sont les embouteillages monstrueux créés par la durée interminable de ces travaux. En ce qui concerne la route nationale N°5, d’aucuns se demandent pourquoi en relançant les travaux qui s’étaient arrêtés à hauteur de l’UEA, l’entreprise chinoise a inversé les points cardinaux en allant du Sud vers le Nord au lieu de l’inverse. Est-ce une façon de prévenir que les travaux s’arrêteront une fois que le tronçon Nyantende-UEA sera asphalté ?
Point n’est besoin de parler du tronçon Ruzizi II- Essence/Major Vangu qui durent depuis plus de deux ans c’est-à-dire avant l’arrivée de Nyamugabo mais dont l’allure des travaux ne s’est pas accélérée outre-mesure sous son règne.
Quant au stade de la Concorde de Kadutu, l’attente de la pelouse synthétique promise a été tellement longue que le championnat de la ligue de football est quasiment en train d’être délocalisé à Goma.
En attendant que le Gouverneur Nyamugabo apporte les réponses pertinentes à cette question orale du député Venant Rugusha, le commun des mortels se demandent si celle-ci lui parviendra. Le doute persiste dans le cœur de nombreux Sud-Kivutiens sur la volonté du Président Baleke de faire parvenir cette question orale à Nyamugabo, se chuchotent certains anciens agents au Gouvernorat du Sud-Kivu. Mais l’affaire fait déjà les choux gras des réseaux sociaux et de certains médias encore accessibles en province. En attendant que la plénière soit convoquée à l’Assemblée provinciale, les dernières nouvelles font état de la présence du député Venant Rugusha au Burundi pour un repos médical.