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    C’est une véritable guerre ouverte entre les deux institutions provinciales au Sud-Kivu. Alors que les précédents Gouverneurs avaient, entre autre pour priorité de renforcer le climat de collaboration entre eux et le pouvoir législatif, Théo Ngwabidje semble avoir décidé de défier Zacharie Lwamira et son bureau et ce n’est pas directement par lui mais avec ses soutiens, des députés à l’Assemblée Provinciale.

    Ce jeudi 1er avril 2021, au total 3 pétitions contre trois députés membres du bureau permanent de l’Assemblée Provinciale du Sud-Kivu ont été déposées.  

    Les membres du bureau concernés par la pétition sont entre autres, le député Zacharie Lwamira, Jacques Kamanda, et Bumbu Malite, respectivement Président, Rapporteur et Rapporteur adjoint du bureau Permanent de l’Assemblée Provinciale du Sud-Kivu.

    Dans ces pétitions, les députés signataires à savoir, Placide Wenda, Mubalama Ganywamulume, Kasilembo Pitchou, Kyanga Masumbuko, Jacques Bigirimana, reprochent à leurs collègues plusieurs griefs.

    C’est entre autres, « l’opportunisme politique », absence de redevabilité, « incompétence notoire » quant à l’accomplissement des tâches, incompétence dans la conduite des débats, refus d’organiser la session extraordinaire, sabotage des résolutions de l’Assemblée et plusieurs autres.

    « Des opportunistes qui crient à l’opportunisme politique  » écrit un internaute dans un forum, émettant un point de vue sur ces trois pétitions.

    Si pour certains, l’initiative des députés pétitionnaires est une simple exécution d’une tâche leur reconnue par la Constitution et leur Règlement d’Ordre Intérieur, d’autres voient dans cette initiative une démarche tendant à faire taire une probable démarche parlementaire contre l’actuel Gouverneur.

    Les couleurs sont annoncées, la situation politique se crispe en province et Théo Ngwabidje n’est pas dupe. Dans l’enceinte de l’Assemblée Provinciale on dit clairement qu’il a « ses députés ». Ceux qui acceptent, dit-on, de l’accompagner à cause des faveurs en cette période où la situation sociale des députés est précaire avec le manque de la rétrocession.

    Le jour du vrai désamour

    Tout part de la session de septembre en 2020, quand deux groupes des députés se sont formés dans l’hémicycle de l’Assemblée provinciale du Sud-Kivu.

    Un groupe qui voulait le départ du Gouverneur Théo Ngwabidje et un autre qui voulait la déchéance du bureau permanent de l’Assemblée provinciale.

    À la veille du dépôt de la motion contre le Gouverneur Théo Ngwabidje, les pro Ngwabidje se sont précipités pour déposer une pétition contre le bureau, voulant ainsi étouffer la programmation de la motion contre Ngwabidje. La pétition fût programmée et la majorité des députés décident de rejeter ladite pétition. Quelques jours après, la motion contre le Gouverneur Théo Ngwabidje fût également programmée et soumise au vote malgré la pression contre le bureau dirigé par le pasteur Lwamira. Contre vents et marrées, Lwamira l’inscrit à l’ordre du jour et rappelle que le peuple voit tout le monde. Un vote qui aboutira au rejet de la motion.

    Lire aussi: Sud-Kivu: le Bureau de l’Assemblée provinciale déclare « irrecevables » les pétitions visant le départ de 3 de ses membres

    Quelques heures seulement après le rejet de la motion, les proches du Gouverneur notamment ses communicateurs attaquent le bureau de l’Assemblée du Sud-Kivu sur tous les fronts. Mais Lwamira et ses pairs restent imperturbables. Au même moment Ngwabidje qui c’était jusque-là identifié comme du FCC de l’ancien Président Joseph Kabila, fait volte-face comme nombreux Gouverneurs. « Il veut passer à la « victimisation » quand on tentera de l’évincer », commente alors un acteur politique.  Le bureau de l’Assemblée Provinciale et plusieurs députés voient le jeu : eux aussi, n’ont pas attendu longtemps pour prêter leur allégeance à Tshisekedi, dans son « Union Sacrée ».  Depuis, rien n’a changé. Les deux institutions vivent en désamour.  

    Ngwabidje sait que son heure peut venir à tout moment. Mais il ne veut pas « partir » seul. Il tente de résister « malheureusement sur fonds d’actions immorales et illégales », déplore un député provincial, un de ses anciens soutiens devenu farouche défenseur de sa destitution.

    Des pétitions pour amener son « ennemi » à la table du dialogue

    L’initiative de dépôt d’une autre pétition contre les 3 membres du bureau de l’Assemblée Provinciale 2 jours seulement après l’ouverture de la session de mars, apparaît donc comme l’une de ses tentatives pour faire « diversion ». Diversion car, Zacharie Lwamira est resté le même que celui de la précédente session. Dans son discours d’ouverture, c’est un homme qui ne prend pas des gants pour dénoncer la mauvaise gouvernance et les dérives de l’exécutif provincial.

    Si les 3 membres sous le coup de la pétition n’ont pas encore réagi, plusieurs sources à l’Assemblée Provinciale évoquent une nouvelle stratégie pour étouffer une éventuelle motion de défiance contre le chef de l’exécutif provincial.

    « On connaît déjà la stratégie. Ces députés veulent simplement embrouiller la piste », lâche habitant rencontré dans la Cour de l’Assemblée provinciale ce jeudi après-midi et qui disait être venu « soutenir » Lwamira et son bureau.

    Et à un autre de rebondir : « Ils peuvent déjà retourner l’argent perçu car la population est déjà au courant de tout ».

    D’autres sources au sein de l’Assemblée Provinciale évoquent des réunions organisées autour des députés pétitionnaires pour peaufiner des stratégies d’étouffement d’une éventuelle motion contre le Gouverneur Ngwabidje.

    « C’est la résultante de toutes ces réunions qui se sont tenues toute la semaine passée », explique à LaPrunelleRDC.info, un député sous couvert d’anonymat.

    Il explique que certains parmi les 3 membres visés ont été contactés depuis le début de la semaine par leurs collègues pétitionnaires, afin qu’ils renoncent à leur soutien à la motion de défiance en gestation contre le Gouverneur.

    « Ils ont même exigé à certains qu’ils présument soutenir la motion en gestation de renoncer à leur démarche, faute de quoi une pétition leur sera aussi adressée », conclut notre interlocuteur.

    Le mardi 30 mars dernier, lors de la rentrée parlementaire pour la session de mars, le Président de l’Assemblée Provinciale a annoncé une série d’activités parlementaires à mener au cours de cette session.

    Dans son allocution, Zacharie Lwamira avait peint une province à genoux. Du social à la sécurité, de l’économie de la province à la gestion de la chose publique, le président du bureau avait dénoncé une gestion « opaque » annonçant un contrôle parlementaire très rigoureux pour la session ouverte.

    Au sortir de la plénière, certains proches du Gouverneur avaient parlé d’une allocution qui prédisait un « mauvais avenir » pour le locataire de Nyamoma.

    Si pour l’instant, il est difficile de dire réellement qui est derrière la démarche de députés pétitionnaires, en interrogeant l’histoire du passé il y a lieu de conclure que la même stratégie d’étouffement de la motion est mise en jeu.

    Lire aussi: Bukavu : des manifestants exigent que le Gouverneur Ngwabidje soit destitué

    Les communicateurs formels et informels ou des « chercheurs d’emplois » à Nyamoma sont déjà mobilisés pour demander une sorte de « bureau d’âge » en vue d’écarter l’actuel bureau « gênant » et espérer voir Ngwabidje « respirer ».  

    Un député provincial parle même d’une stratégie de « fragilisation » du bureau de l’organe délibérant pour l’amener à la table de dialogue avec l’exécutif provincial, et l’amener à surseoir à toute démarche tendant à le « nuire ».

    En attendant, les dés sont jetés. La crise est claire et plusieurs couches se sont mêlées à la manœuvre. Dans plusieurs formations politiques, on ne digère plus l’actuel exécutif qu’on accuse d’être « incompétent » mais personne en ce moment n’ose prendre clairement position sans savoir ce qu’elle « gagne » en retour au cas où.

    Mais à Kinshasa comme dans le Sud-Kivu, des jeunes refusent de rester bras croisés. Ils ont entrepris plusieurs démarches pour demander que le Gouverneur Théo Ngwabidje démissionne. Ils n’attendent donc que le go de l’Assemblée Provinciale et/ou une autre voie pour voir leur rêve matérialisé. Mais ce qui met tout le monde d’accord pour l’instant est que la gestion de la province n’est pas orthodoxe alors tous les espoirs étaient permis à son arrivée!

    Jean-Luc M.

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