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    Le dixième numéro de la chronique « Mon Point de vue » animée ce 23 Janvier 2022 par le Pasteur Nicolas Kyalangalilwa revient sur des cas de justice populaire devenus récurrents dans les provinces du Nord et Sud-Kivu et qui emporte même des innocents.

    « Dans son bulletin annuel rendu public ce jeudi 21 janvier 2021, la Synergie des Associations des Jeunes pour l’Education Civique, Électorale et la Promotion des droits de l’homme au Sud-Kivu (SAJECEK) a relevé un bilan très sombre de la situation sécuritaire en province du Sud Kivu pour l’année 2020.

    Ce bulletin indique que 328 personnes ont été tuées en 2020 par des hommes armés non identifiés. Cette structure a aussi documenté 91 cas de justice populaire (soit presque un tier-30%- des meurtres en province du Sud-Kivu) avec en tête le territoire de Kabare (cela s’expliquerait par le phénomène Mujakazi- une dame qui sous l’onction de Dieu pouvait dénicher les « sorciers » dans les familles et inviter les gens à les tuer).

    Ces statistiques remontent à plus d’une année. Cependant la situation n’a pas sensiblement changé sur terrain, bien au contraire. Il y a lieu d’être préoccupé par ces statistiques et surtout par l’intensification des actes exécutions extra-judiciaires (justice populaire) dans les différents coins et recoins de la province du Sud-Kivu.

    La scène se présente souvent de la manière suivante : des bandits ou voleurs attrapés par la foule et tabassés. Dans certains cas, ce sont des femmes ou enfants accusés de sorcellerie qui subissent la vindicte populaire. Ce spectacle est fréquent dans presque toutes les grandes villes de la RDC et même dans les milieux ruraux les plus reculés. Si certaines de ces personnes ont eu la vie sauve grâce à l’intervention de la police, d’autres par contre, ont été battus jusqu’à en mourir (directement ou indirectement).

    Que prévoit la loi congolaise en cas de justice populaire ?

    La loi condamne ces exécutions extra-judiciaires. Un des principes élémentaires en droit est que « nul n’est sensé se rendre justice ». La justice populaire prive aussi au citoyen le droit d’être entendu par son juge naturel. Elle est contraire à l’article 16 de la Constitution congolaise, qui garantit aux citoyens le droit à la vie, à l’intégrité physique et à la protection contre tout traitement cruel ou inhumain. Ce qui étonne est qu’à notre connaissance personne (en tout cas au Sud-Kivu) n’a jamais été inquiété ou subit la rigueur de la loi à cause d’avoir participé où instiguer des actes d’exécution extra-judiciaires. Le parquet et les magistrats ne voient-ils/ne sont-ils pas informés de ces exactions ?

    Quelles sont les causes de ces actes de Justice populaire ?

    Parmi les causes ou facteurs favorisant ces phénomènes, certains citent, le faible nombre d’éléments de police disponibles dans les différentes zones du pays pour y faire régner la loi et l’ordre. D’autres expliquent ces actions comme une réaction à la déception qu’ils ont face à un système judiciaire qu’ils qualifient de laxiste et de corrompu. Un voleur est arrêté le matin et relâché le lendemain après avoir ‘graisser’ les mains des magistrats rapportent certains. Face à cette léthargie et « complicité », les citoyens décident de prendre les choses en leurs propres mains et de se faire justice. Il ressort donc de ces arguments que ces exécutions extra-judiciaires sont en réalité indicatifs d’un déficit de cohésion sociale et du manque de confiance de la population dans le chef des institutions plus particulièrement celles sécuritaires et judiciaires. 

    Alors que faire pour éradiquer ce fléau qui coûte la vie à des nombreux innocents ?

    Les autorités (locales, provinciales et nationales) devraient se pencher sur cette question avec la plus grande attention avant que ce phénomène qui est déjà répandu ne s’installe en norme acceptée au sein de la population. Le gouvernement, au travers le ministère de l’intérieur (Police), ainsi que celui de la justice (parquet et magistrats) devra tout mettre en œuvre pour regagner la confiance de ceux sous sa responsabilité. 

    La société civile devra aussi sensibiliser les populations à s’abstenir de se faire justice et décourager les auteurs/instigateur de ces exécutions extra-judiciaires.  Seule une meilleure confiance et cohésion entre les gouvernés et les gouvernants pourra aider à éradiquer ce phénomène qui, souvent, affecte des personnes innocentes. 

    Cette tache revient à nos tous. Individuellement (et collectivement) nous devons prendre cet engagement à ne pas nous faire justice.

    Qui sait un jour vous pourriez aussi en être victime ? Et avant de passer un jugement quelconque sur mes propos ou de blâmer le système, imaginez un peu qu’un jour vous vous retrouvez accusé de quelque chose que vous n’avez pas commis simplement parce que vous vous retrouviez au mauvais endroit au mauvais moment. N’aimeriez-vous pas avoir la chance de vous expliquer devant un juge ou quelqu’un qui vous aiderait à éclaircir les choses ? »

    Révérend Nicolas Kyalangalilwa

    Acteur de la Société Civile

    A propos de « Mon point de vue » 

    « Mon Point de vue » est une chronique d’analyse de l’actualité provinciale, nationale et régionale animée par Nicolas Kyalangalilwa, célèbre, fervent acteur de la Société Civile et diffusée sur la radio Jambo FM émettant sur 92.0 MHz à Bukavu au Sud-Kivu. Elle est diffusée tous les lundis, jeudis et dimanches à 20 heures 15. La rediffusion de ces épisodes se fait les mardis, vendredi et lundi à 8 heures du matin. LaPrunelleRDC vous les proposera également en écrit et en audio.

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    Un commentaire

    1. Pingback: RDC : spoliation des biens et du patrimoine de l’Etat (Mon point de vue Ep.13) – Nicolas Kyalangalilwa

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