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    La Communauté des mutualités des Bashi vivant en territoire de Shabunda alerte les autorités congolaises sur les tueries devenues récurrentes des civils issus de leur communauté, suite à la pratique du phénomène Kimbilikiti, dans cette partie de la province du Sud-Kivu.

    A travers plusieurs dénonciations auprès des autorités, cette structure a fait savoir que depuis juillet dernier, 5 membres de la communauté Shi ont été tués par un groupe de gens se disant être adeptes du phénomène Kimbilikiti. Parmi eux, 3 ont été tués respectivement le 20, le 24, et le 26 août 2021.

    «Les BASHI vivant à Shabunda en particulier comptent à ce jour 43 personnes tuées sauvagement, plus de 372 cas de tortures et traitements cruels et dégradant, et le pillage des biens d’une valeur estimée à 1.000.000$ (biens volés, ravis, escroqués ou pillés),» dit cette structure dans une note de plaidoyer publiée le 30 août 2021.

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    Cette structure regrette le fait que tous les corps de ces personnes tuées sont restés jusqu’aujourd’hui introuvables. Et ceux qui ne sont pas tués, ils sont torturés, menacés de mort, et obligés de payer des lourdes amendes. La Communauté des mutualités des Bashi à Shabunda cite d’ailleurs un cas pareil, qui a eu lieu le 18 juillet à Tchonka, dans le groupement de Bamuguba nord, chefferie de Bakisi à Shabunda.

    «Le 18 juillet 2021, le Président du COMUSHI Tchampundu a été interpelé par les adeptes de Kimbilikiti  à 5 heures 30’ du matin. Il lui a été obligé de se coucher au sol par le ventre, et tous les paysans du village, une centaine de personnes, ont été ordonnés de lui verser de l’eau froide dessus de 6 heures à 11 heures. Après cette torture, on lui a demandé de payer une amande dont on se demande pour quel fait, de 10 chèvres (150.000FC par chèvre), 3 poules, 1 bidon de kanyanga (boisson traditionnelle), 1 bidon d’huile de palme, un colis du sel, 1 sac du sucre, 1 carton de cigarette, 100 kg de farine de manioc et autres. Tout ceci se faisait avec menace de mort que s’il n’accomplissait pas la volonté de Kimbilikiti il va subir le même sort ses deux frères abattus récemment,» affirme cette structure.

    «Un groupe d’individus mal intentionnés»

    Dans une interview accordée ce mercredi 1er septembre 2021 à Laprunellerdc.info, Paulin Bakenge, Président de la communauté des mutualités des Bashi vivant à Shabunda, a soutenu que les études réalisées montrent que ces pratiques ne sont jamais celles de Kimbilikiti, mais plutôt celles des certains individus «mal intentionnés», qui recouvrent à une pratique abusive de la coutume lega, et se font passer pour adeptes de Kimbilikiti dans le seul but «de tuer, diffamer et piller».

    «Depuis 1993, nous avons déjà perdu 43 personnes dans ce phénomène-là. Nous ne sommes pas d’accord qu’un démon peut avaler une personne ou tous ces biens pillés. Nous sommes convaincus que c’est un groupe de milice qui est entrain de s’organiser dans le territoire de Shabunda. Parce que la fois passée, du 13 au 15 novembre, lors qu’on a encore tué deux des nôtres à Tshonka, le Chef de Chefferie des Bakisi, avait organisé un forum de paix et de cohabitation pacifique. Dans ce contexte, nous avons signé des accords que ce phénomène Kimbilikiti ne devrait pas revenir avant 5 ans. Et s’il revenait il ne devrait pas s’installer dans la route, ou bien dans une carrière minière où il y a d’autres communautés. Et dans ce cas il devrait être réservé uniquement aux membres de la Communauté Lega. Parce que d’autres communautés ont aussi leurs cultures traditionnelles, mais qui ne peuvent engager que leurs membres,» affirme-t-il.

    Depuis lundi dernier, la communauté des mutualités des Bashi à Shabunda a décidé d’organiser un deuil d’une semaine, pour pleurer ces personnes tuées. Les activités devront donc reprendre le lundi 6 septembre prochain à Shabunda, après une messe de requiem en hommage à ces illustres disparus. Cette structure envisage également d’autres actions citoyennes, au cas où les autorités ne répondent pas favorablement à leurs revendications.

    La DYCOD-RDC condamne et appelle à l’apaisement

    Ces tensions communautaires sont condamnées par la Dynamique Communautaire pour la Cohésion Sociale et le Développement (DYCOD-RDC), qui invite les différentes communautés vivant à Shabunda au calme et à l’apaisement, pour que les responsabilités soient établies au sujet de ces dénonciations faites par la mutualité des Bashi.

    «La Dynamique Communautaire pour la Cohésion Sociale et le Développement (DYCOD-RDC), coordination du Sud-Kivu est préoccupée par la montée des tensions communautaires et la situation sulfureuse qui prévaut dans le territoire de Shabunda. Tout en dénonçant les faits reportées par la COMUSHI/SHABUNDA par sa lettre du 09 Août 2021 et son communiqué du 28 Août 2021, la DYCOD-RDC/SK invite les différentes communautés présentes à Shabunda au calme et à l’apaisement, afin de permettre que lumière soit faite et responsabilités établies par rapport aux évènements ainsi dénoncées» dit Nicolas Kyalangalilwa, Coordonnateur Provincial de la DYCOD-RDC au Sud-Kivu, dans un communiqué publié ce mardi 31 août.

    La DYCOD-RDC/SK a également demandé aux autorités provinciales de dépêcher «dans l’urgence», une mission mixte (Gouvernement provincial, parlement provincial, Barza intercommunautaire, Nations Unies et Société Civile) à Shabunda; afin de s’enquérir de la situation réelle sur terrain et d’y apporter les solutions idoines, pour éviter tout escalade et dérapage potentiels.

    «En attendant l’arrivée de cette équipe, la DYCOD-RDC/SK, invite les autorités politico-administratives du territoire de Shabunda à assurer la sécurité des citoyens et de leurs biens tout en travaillant, avec la société civile, à la construction d’une meilleure cohésion entre les communautés présentes dans cette entité,» exhorte le Pasteur Nicolas Kyalangalilwa.

    «Un dialogue social franc à Shabunda»

    Dans sa note de plaidoyer, la communauté des mutualités des Bashi-Buhavu a également demandé aux autorités d’intervenir pour mettre fin à cette situation, «avant que le pire n’arrive.»

    «Ce qui inquiète, dans tous ceci, c’est le silence radio des autorités tant locales, provinciales que nationales pourtant bien informées. Cette manière de faire semble à un encouragement ou même une complicité pour certains. Avant que le pire n’arrive, -car c’est trop, 43 morts, c’est assez et l’on doit aussi agir-, nous demandons aux autorités la condamnation à la cessation de praticabilité de cette coutume contraire à la loi. L’accompagnement par les autorités de la plainte des Bashi contre les instigateurs de ces pratiques barbares au nom de la coutume, déjà identifiés. Montrer nos frères disparus dans ce contexte pour refaire la vie en famille,» affirme-t-elle.

    Cette structure demande également aux autorités de tenir un dialogue social franc à Shabunda, pour mettre face à face les gardiens de la coutume Lega, les représentants des praticiens de cette coutume et des Bashi et d’autres communautés vivant à Shabunda ; sous la médiation des autorités, afin de se fixer un nouvel ordre (coutume-loi-dignité humaine) et contribuer à la paix et la cohabitation sociale dans le territoire de Shabunda.

    Museza Cikuru, Olga Ngoy, Amato Byubwe

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