Accès Humanitaire

    Le M23 a sommairement tué au moins 29 civils depuis la mi-juin 2022, dans les zones qu’il contrôle en territoire de Rutshuru au Nord-Kivu, selon Human Rights Watch (HRW). Cette organisation internationale affirme qu’il est de plus en plus craint que cette force rebelle, responsable d’exactions et largement inactive depuis une décennie, ne reçoive le soutien du Rwanda pour ses opérations dans la province du Nord-Kivu.

    Des témoins ont déclaré à Human Rights Watch que le 21 juin, à la suite de combats autour du village de Ruvumu, les rebelles du M23 ont sommairement tué au moins 17 civils, dont deux adolescents, qu’ils accusaient d’avoir informé l’armée congolaise de leurs positions et cachettes. Certains ont été abattus alors qu’ils tentaient de fuir, tandis que d’autres ont été exécutés à bout portant. Les meurtres délibérés de civils représentent de graves violations du droit international humanitaire, notamment de l’article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949, et constituent des crimes de guerre.

    « Depuis que le M23 a pris le contrôle de plusieurs villes et villages du Nord-Kivu en juin, il a commis le même type d’exactions horribles contre les civils que nous avons documentés par le passé. L’incapacité du gouvernement à tenir les commandants du M23 responsables des crimes de guerre commis il y a des années leur permet, ainsi qu’à leurs nouvelles recrues, de perpétrer de nouveaux abus aujourd’hui,» déclare Thomas Fessy, chercheur principal pour la RDC à Human Rights Watch.

    Les combats entre soldats congolais et rebelles du M23 ont forcé près de 200.000 personnes à fuir leur foyer. Selon l’Organisation des Nations Unies (ONU), environ 20.000 enfants risquent de ne pas être en mesure de passer leurs examens de fin d’année en juillet en raison des affrontements.

    La résurgence du M23 intervient alors que la situation sécuritaire dans l’est de la RD Congo s’est détériorée au cours de l’année écoulée, d’autres groupes armés, et parfois des soldats de l’armée régulière, étant responsables de violences généralisées, de meurtres illégaux et d’autres graves abus.

    Depuis le mois de juin, Human Rights Watch s’est entretenu avec 49 survivants et témoins d’abus, membres des familles des victimes, autorités locales, militants, membres du personnel de l’ONU, sources sécuritaires et diplomates.

    À Ruvumu, une mère de cinq enfants et âgée de 35 ans a déclaré avoir entendu des coups de feu alors qu’elle se cachait avec son plus jeune enfant et d’autres villageois, au petit matin, dans une maison proche de celle de ses parents. Quelques heures plus tard, alors qu’elle et d’autres personnes regardaient en entrouvrant la porte de la maison, elle a vu quatre rebelles en tenue militaire faire sortir son père de sa maison, les mains attachées dans le dos.

    Elle dit avoir entendu l’un d’eux crier à son père en kinyarwanda : « C’est toi qui as montré aux militaires où nous étions cachés ! », puis avoir entendu des coups de feu. « Quand nous sommes sortis, sentant un calme, pour trouver où nous mettre à l’abri, j’ai vu le cadavre de mon père au sol. On lui avait tiré une balle dans la poitrine et il avait toujours les mains ligotées dans son dos,» a-t-elle expliqué.

    Dans une déclaration du 17 juillet, le M23 a rejeté les conclusions de Human Rights Watch. Dès le 24 juin, le groupe rebelle avait nié avoir commis des meurtres à Ruvumu, imputant ces tueries aux Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe armé rwandais majoritairement hutu opérant en RD Congo, et aux Nyatura, un groupe armé congolais qui s’est engagé à protéger les communautés hutues.

    Depuis le mois de mai, le M23 a fait preuve d’une puissance de feu et de capacités défensives accrues qui ont permis au groupe de déborder les troupes congolaises soutenues par l’ONU et de contrôler une partie de territoire. Des sources onusiennes et un haut responsable des services de sécurité congolais ont indiqué qu’un soutien étranger pourrait expliquer l’approvisionnement régulier en munitions du M23 et sa capacité à tirer des barrages de mortier pendant plusieurs heures consécutives. Le Rwanda et l’Ouganda ont soutenu le M23 par le passé, indique Human Rights Watch.

    Le 14 juin, l’ambassade des États-Unis en RD Congo s’est dite « extrêmement préoccupée par les récents combats dans l’est [de la RD Congo] et par la présence signalée de forces rwandaises sur le territoire [de la RD Congo]. »

    Le groupe d’experts des Nations Unies sur la RD Congo, mandaté par le Conseil de sécurité des Nations Unies pour surveiller la mise en œuvre de son régime de sanctions, a indiqué dans son rapport de juin que « la présence d’individus portant des uniformes de la Force de défense rwandaise (Rwanda Defence Force, RDF) dans des camps du M23 situés en [RD] Congo, [avait] été confirmé[e] par des images aériennes et des preuves photographiques ». Le gouvernement du Rwanda a démenti à plusieurs reprises qu’il soutenait le M23, directement ou indirectement.

    Le 29 juin, la cheffe de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en RD Congo (MONUSCO), Bintou Keita, a informé le Conseil de sécurité que le M23 « s’est comporté de plus en plus comme une armée conventionnelle plutôt que comme un groupe armé », et que la mission de l’ONU « pourrait être confrontée à une menace qui dépasse ses capacités actuelles ».

    Toutes les parties au conflit au Nord-Kivu ont de plus en plus recours aux armes explosives – tirs de mortier et tirs d’artillerie – lors des combats, mettant davantage en danger les civils et structures civiles.

    Le 23 mai, un obus apparemment tiré depuis le côté rwandais de la frontière a détruit une école primaire à Katale. Un obus de mortier du M23 a touché un terrain de jeu à Biruma le 10 juin, tuant deux jeunes garçons. Des tirs de mortier du M23 à Kisiza et Katwa ont tué une femme et un enfant, et blessé au moins 10 civils les 1er et 2 juillet.

    «Les attaques qui ne font pas la distinction entre les objectifs militaires et les civils ou les biens civils sont illégales. Toutes les parties au conflit devraient s’engager à restreindre l’utilisation des armes explosives à large rayon d’impact, comme les mortiers, dans les zones peuplées,» a déclaré Human Rights Watch.

    Selon HRW, l’ONU, l’Union africaine et les gouvernements concernés devraient dénoncer publiquement les exactions du M23 et celles qui ont été commises par d’autres parties. «Les sanctions à l’encontre des commandants du M23 devraient être maintenues et étendues à d’autres responsables d’exactions graves, ainsi qu’aux hauts responsables de la région complices des abus du groupe armé. Tout règlement politique devrait rejeter l’amnistie pour les responsables de crimes internationaux graves et ne pas permettre aux commandants du M23 responsables d’abus d’intégrer les forces armées de la RD Congo,» indique-t-elle, ajoutant que les pays donateurs devraient suspendre leur assistance militaire aux gouvernements qui soutiennent le M23 ou d’autres groupes armés responsables d’exactions.

    Pour cette organisation, la Communauté internationale et le Gouvernement congolais devraient soutenir une stratégie claire pour lutter contre l’impunité des auteurs d’abus graves, avec un mécanisme de filtrage (vetting) des services de sécurité et de renseignement, un mécanisme de justice internationalisé et un programme de réparation complet, ainsi qu’un programme de démobilisation efficace. Ces éléments devraient être au cœur des discussions régionales en cours concernant la menace que représentent le M23 et d’autres groupes armés.

    «Les civils de l’est de la RD Congo ne devraient pas avoir à subir de nouvelles atrocités aux mains du M23. L’ONU devrait de toute urgence intensifier ses efforts auprès des autorités nationales et régionales pour éviter que l’Histoire ne se répète aux dépens de la population du Nord-Kivu,» a déclaré Thomas Fessy.

    Meurtres et autres abus commis par les forces du M23

    Les combattants du M23 ont délibérément tué des civils qu’ils accusaient d’informer les troupes gouvernementales de leurs positions, ainsi que des civils qui retournaient dans leurs villages et leurs champs depuis des zones contrôlées par le gouvernement, à la recherche de nourriture et autres provisions.

    Un enseignant de 50 ans à Ruvumu a déclaré que les rebelles avaient tué son père devant lui le 21 juin. Il a déclaré qu’ils étaient à leur domicile avec d’autres personnes qui s’étaient réfugiées chez eux quand des combattants leur ont ordonné d’ouvrir la porte :

    « Ouvrez, sinon nous allons brûler la maison, » ont-ils menacé. Mon père a ouvert, ils l’ont frappé puis ils ont tiré sur sa poitrine ; ils ne lui ont rien demandé, ils ont seulement tiré sur lui… Ils m’ont fait asseoir à côté de son corps sans vie, avec ma mère… Puis ils m’ont pris disant que c’est comme si je suis un militaire et que je vais leur montrer les positions de [l’armée congolaise]. … A cause de la peur, je leur ai montré les militaires qui étaient visibles au loin. Ils ont alors dit qu’on me laisse mais ont menacé de me tuer.

    L’enseignant a déclaré que les rebelles étaient « très en colère » car ils venaient de se battre avec les troupes gouvernementales, avaient perdu des combattants et avaient dû battre en retraite.

    L’une des personnes qui a enterré certains des civils tués à Ruvumu a déclaré à Human Rights Watch que son frère aîné figurait parmi eux. « Ils l’ont mis devant eux, et ils lui ont tiré une balle dans la bouche, » a-t-il dit. Il a aidé à enterrer quatre autres civils, dont deux adolescents. « Le jeune de 16 ans a reçu une balle dans le ventre, et le jeune de 14 ans une balle dans le dos ».

    Certaines personnes ont été tuées alors qu’elles fuyaient vers les zones contrôlées par le gouvernement. Un homme a déclaré que lui et sa famille se trouvaient à Ruvumu après avoir été déplacés de la ville voisine de Bikenke. Le 21 juin, tôt le matin, une balle a touché sa fille de 7 ans. « La balle venait de derrière nous, des [positions] du M23, elle est ressortie par le front… Je l’ai prise dans mes bras et j’ai commencé à courir avec elle… Je l’ai enterrée dans la parcelle de mon gendre ». Il a indiqué que d’autres personnes avaient été tuées dans leur fuite, mais n’a pas pu confirmer leur nombre. « On a pas le moyen de savoir [le nombre] avec certitude parce que nous ne pouvons pas retourner dans la zone du M23 ».

    Quatre témoins des meurtres perpétrés dans le village de Ruseke le 1er juillet ont déclaré avoir rencontré séparément des combattants du M23 près du village alors qu’ils se rendaient dans leurs champs ou allaient chercher de la nourriture et des provisions. Les combattants les ont attirés dans une maison où d’autres personnes avaient également été détenues. Un témoin a déclaré que les combattants du M23 disaient qu’ils voulaient « les protéger des coups de feu ». Peu après, ils ont demandé à un civil de sortir et l’ont menacé. « [L’un des combattants] est alors revenu dans la maison et a commencé à tirer vers nous, » a déclaré un survivant. « J’étais caché sous le lit de la chambre, mais d’autres personnes à côté de moi ont été atteints et sont morts ».

    Les survivants ont déclaré qu’un combattant qui semblait être d’un grade plus élevé a mis un terme à la tuerie et a ordonné aux survivants d’emmener quatre personnes blessées au centre de santé le plus proche à Ntamugenga. Deux d’entre eux, dont une adolescente, ont été gravement blessés et ont succombé à leurs blessures. Human Rights Watch a confirmé que le M23 a tué au moins neuf civils dans cette maison.

    Entre le 23 juin et début juillet, les forces du M23 ont tué au moins trois civils dans le village de Kabindi. Un responsable local a déclaré que les combattants avaient brutalement exécuté un homme de 27 ans, père de trois enfants : « Ils lui avait fracassé le crâne avec une petite houe puis ils lui ont arraché les deux yeux, et l’ont abandonné devant sa porte. (…) Ils l’avaient accusé d’être un éclaireur [de l’armée congolaise]. »

    Deux personnes ont déclaré que des combattants du M23 les avaient empêchées, elles et d’autres personnes, de fuir vers une zone contrôlée par le gouvernement. Certains ont été contraints de faire des corvées pour les rebelles. « Dès que les balles se sont calmées un peunous avons quitté les maisons pour fuir, mais les M23 nous ont intimé l’ordre de ne pas quitter, » a déclaré un homme de Ruvumu. « Nous étions une trentaine de personnes. Ils m’ont demandé de rester avec eux dans leur camp pour que j’aille chaque fois leur puiser de l’eau. » Les combattants ont refusé de le laisser accompagner sa femme enceinte au centre de santé le plus proche, elle y est donc allée seule.

    Un volontaire de la Croix-Rouge congolaise qui travaille dans la région a déclaré que le nombre de civils tués pourrait être plus élevé que les estimations actuelles. « Nous n’avons pas de chiffre exact parce que tous les corps ne sont pas trouvés au même moment, il y a des corps qui sont en train d’être découverts. La femme [d’un villageois] a été retrouvée après une semaine. »

    Bombardements indiscriminés

    L’utilisation d’armes explosives telles que les obus de mortier est de plus en plus prépondérante dans le conflit actuel, et il y a eu des cas de bombardements transfrontaliers.

    Le 23 mai, une douzaine d’obus ont frappé le territoire congolais dans et autour de Katale et Rumangabo, à environ 45 kilomètres au nord de Goma, la capitale provinciale. Ils ont apparemment été tirés depuis l’autre côté de la frontière rwandaise, toute proche. Un obus a détruit une école primaire à Katale quelques heures seulement après que les enfants eurent quitté les lieux. L’armée congolaise a accusé la Force de défense rwandaise (Rwanda Defence Force, RDF) d’avoir tiré l’obus, mais cette dernière a démenti ces accusations.

    Human Rights Watch a pu consulter un rapport non publié daté du 10 juin, établi par le Mécanisme conjoint de vérification élargi (MCVE), composé d’experts militaires des pays membres de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL). Le rapport indique que des enquêtes balistiques sont nécessaires pour déterminer l’origine des bombardements. En vertu du droit humanitaire international, les écoles sont des biens civils protégés et les attaques contre elles sont interdites sauf si elles sont utilisées à des fins militaires.

    L’équipe régionale a également indiqué que, quelques heures auparavant, des obus apparemment tirés du côté congolais de la frontière avaient frappé le territoire rwandais, blessant gravement une femme et son bébé de 10 mois, et détruisant des cultures agricoles et des structures civiles dans le district de Musanze. Elle a noté que la RD Congo comme le Rwanda ont nié que ces tirs d’obus transfrontaliers aient été le fait de leurs propres troupes.

    Le 10 juin, des tirs de mortier provenant d’une position du M23 ont tué deux garçons, âgés de 6 et 7 ans, à Biruma. « Les intestins étaient sortis, son corps était déchiqueté et les mains coupées, » a déclaré la mère du garçon de 7 ans. « Il était parti faire nourrir les chèvres, accompagné par son ami ». Un garçon de 5 ans a été blessé. Les maisons à proximité de l’endroit où l’attaque s’est produite ont été partiellement détruites, a indiqué la mère de l’enfant.

    Le 1er juillet, un obus du M23 a tué un garçon de 13 ans et blessé deux autres civils à Kisiza. Le lendemain, d’autres tirs de mortier rebelles ont tué au moins une femme et en ont blessé huit autres sur un marché improvisé, installé dans la cour d’une école à Katwa. Selon des témoins, des obus ont explosé dans la forêt environnante pendant ces deux jours.

    Soutien rwandais présumé au M23

    Les autorités congolaises ont à plusieurs reprises accusé le Rwanda de soutenir le M23. Le 26 mai, les rebelles du M23 ont avancé sur la principale base militaire congolaise de Rumangabo et ont attaqué la ville voisine de Kibumba, à 30 kilomètres au nord de Goma. Deux jours plus tard, deux soldats rwandais étaient capturés du côté congolais de la frontière avant d’être remis aux autorités militaires. La Force de défense rwandaise (RDF) a déclaré que les deux soldats patrouillaient le long de la frontière et avaient été enlevés par des combattants des FDLR, qu’elle a accusés de collaborer avec l’armée congolaise.

    Le MCVE a déployé une équipe pour enquêter sur cette allégation et a interrogé les deux soldats pendant leur détention à Kinshasa. Dans un rapport non publié daté du 14 juin, que Human Rights Watch a pu examiner, l’équipe chargée de l’enquête a conclu que les deux soldats des RDF « [ont] pénétré illégalement sur le territoire [congolais] » dans le cadre d’une patrouille de reconnaissance de huit soldats « à la recherche de l’ennemi qui a bombardé le territoire du Rwanda le 23 mai ». Les deux soldats ont été remis au Rwanda en juin.

    Après les attaques du M23 sur Rumangabo et Kibumba, neuf habitants de ces localités, qui ont été interrogés séparément, ont dit à Human Rights Watch qu’ils avaient vu des soldats de la RDF parmi les attaquants. Tous ont décrit des combattants portant des uniformes de la RDF, dont certains arboraient un écusson du drapeau rwandais, portant des casques militaires et utilisant des radios sophistiquées.

    Dans son rapport du 10 juin, le MCVE a noté que les responsables de l’armée congolaise avaient présenté des armes et des munitions, un uniforme marqué RDF, un casque et d’autres fournitures militaires qui, selon eux, ne sont pas utilisés par les troupes congolaises mais ont été récupérés sur le champ de bataille après les combats de Rumangabo et de Kibumba. Le rapport indique que, contrairement à l’armée congolaise, « les RDF n’ont pas montré les positions et type d’armes qu’elles utilisent ». Il précise qu’une enquête plus approfondie était nécessaire pour identifier l’origine des équipements militaires collectés par l’armée congolaise.

    Le président du Rwanda, Paul Kagame, a reconnu l’existence de tensions entre son pays et la RD Congo, tout en niant les allégations de soutien rwandais au groupe armé M23. Kagame a pour sa part accusé l’armée congolaise et la MONUSCO de collaborer avec les FDLR, dont certains dirigeants ont pris part au génocide de 1994 au Rwanda. Le gouvernement rwandais et le M23 ont accusé l’armée congolaise de collaborer avec les FDLR et d’alimenter la haine contre les rwandophones et les communautés tutsies.

    Résurgence du M23

    Le M23 était à l’origine composé de soldats ayant participé à une mutinerie de l’armée nationale congolaise en avril et mai 2012. Ces soldats étaient auparavant membres du Congrès national pour la défense du peuple, un ancien groupe rebelle soutenu par le Rwanda. Ils affirmaient que leur mutinerie visait à protester contre l’incapacité du gouvernement congolais à appliquer pleinement l’accord de paix du 23 mars 2009 (d’où le nom de M23), qui les avait intégrés dans l’armée congolaise.

    En juin 2012, Navi Pillay, alors Haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a décrit les dirigeants du M23 comme étant « parmi les auteurs des pires violations des droits de l’homme en RDC, et même dans le monde ». Parmi eux figuraient le général Bosco Ntaganda, qui a depuis été condamné par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité lorsqu’il dirigeait un autre groupe armé dans la province de l’Ituri, ou encore le colonel, désormais appelé « général », Sultani Makenga, qui dirige l’offensive actuelle.

    Human Rights Watch a documenté les crimes de guerre commis par les forces du M23 qui avaient pris le contrôle de larges portions de la province du Nord-Kivu avec le soutien du Rwanda en 2012. À l’époque, des responsables rwandais pourraient avoir été complices de crimes de guerre du fait de leur assistance militaire continue aux forces du M23, a déclaré Human Rights Watch. L’armée rwandaise avait déployé ses troupes dans l’est du Congo pour soutenir directement les rebelles du M23 dans leurs opérations militaires.

    Les enquêteurs de l’ONU avaient également déclaré que des commandants de l’armée ougandaise avaient envoyé des soldats et des armes pour renforcer certaines opérations du M23 et aidé le groupe à recruter. Après que le M23 s’est brièvement emparé de Goma, les troupes gouvernementales soutenues par l’ONU en 2013 ont repoussé le groupe vers le Rwanda et l’Ouganda. Les combattants du M23 ont sommairement exécuté des dizaines de civils, violé des dizaines de femmes et de filles, et recruté de force des centaines d’hommes et de garçons.

    Les autorités congolaises ont émis des mandats d’arrêt contre Makenga et d’autres commandants du M23 sanctionnés par l’ONU en 2013. Le Rwanda et l’Ouganda n’ont jamais donné suite aux demandes d’extradition faites à leurs pays.

    Les tentatives régionales de démobilisation des combattants du M23 ont échoué au cours des dix dernières années. Selon les enquêteurs de l’ONU, Makenga est revenu en RD Congo avec un groupe de combattants depuis l’Ouganda début 2017, établissant une base sur le mont Sabinyo, dans le parc national des Virunga. Le groupe a refait surface en novembre 2021, attaquant l’armée congolaise sur fond d’allégations selon lesquelles l’administration du président congolais Félix Tshisekedi ne respectait pas les accords de paix existants, qui prévoyaient une amnistie pour les membres du groupe. Ces accords ne prévoyaient toutefois pas l’obligation de rendre des comptes pour les auteurs des pires violations des droits humains.

    Dans leur rapport de juin, les enquêteurs de l’ONU ont noté qu’« à partir de novembre 2021, le M23 a commencé à recruter dans le camp de Bihanga [Ouganda] et, à partir de janvier 2022, dans les territoires de Masisi et de Rutshuru et à Kitshanga, en RD Congo, ainsi qu’au Rwanda, pour renforcer rapidement ses troupes. » Ils ont également fait état de recrutements à Kisoro, en Ouganda.

    En vertu du régime de sanctions onusiennes, tous les États membres de l’ONU, y compris le Rwanda et l’Ouganda, sont tenus de « prendre les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire de toutes les personnes » figurant sur la liste des sanctions. Les gouvernements qui aident des groupes armés abusifs comme le M23 prennent le risque de devenir complices de leurs crimes, a déclaré Human Rights Watch.

    Avec HRW

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