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    La situation politique actuelle en RDC est tendue. Les membres de la coalition au pouvoir ne s’accordent pas sur plusieurs questions, et les récentes nominations de Tshisekedi au sein de la Cour Constitutionnelle ont mis la poudre au feu.

    Dans cette tribune que vous propose Laprunellerdc.info, Roger Buangi Puati, un intellectuel Congolais vivant en Suisse et Docteur en philosophie Ethique et Politique de l’Université de Genève; revient sur la situation politique actuelle au pays, alors qu’un discours du Chef de l’Etat est attendu le soir de ce vendredi 23 octobre 2020.

    Attente

    En attendant l’adresse du Président de la République Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, les supputations vont bon train et dans tous les sens. Depuis plusieurs mois, la crise des institutions n’est plus un secret pour personne. La coalition au pouvoir est en panne et le pays est paralysé.

    On peut penser ce qu’on veut, mais le FCC se comporte en propriétaire de l’Etat et ne cesse, au-travers de ses élus mal élus, de dresser des chicanes au bon fonctionnement des affaires publiques. Des décisions du Chef de l’Etat sont bloquées par un clan qui pense pouvoir décider pour tout le monde. Après plus de 18 ans au pouvoir, le PPRD, le parti du Président Joseph Kabila , a montré son incompétence et son inefficacité.

    Quiconque a vécu à l’étranger depuis une dizaine d’années sans retourner au Congo verse des larmes en voyant l’état de délabrement dans lequel le pays a été laissé. Une ville de Kinshasa méconnaissable, sale, grouillant de milliers de marcheurs allant dans tous les sens, sans transport public, partout des égouts stagnants bouchés remplis d’eau malodorante, d’immondices de toute sorte et de bouteilles en plastique dans lesquels pullulent des moustiques qui, le soir venu, se mettent au travail pour transmettre la malaria qui tue un nombre incalculable d’enfants et d’adultes.

    Les populations sont laissées à la débrouille, des milliers d’enfants vivant dans la rue, des pré-adolescentes de 12, 13 ans droguées, livrées à la prostitution pour pouvoir se nourrir. Des investisseurs se faisant rares sauf dans l’économie de prédation du sous-sol. Des entreprises publiques mises volontairement en faillite pour que naissent exactement les mêmes entreprises mais privatisées par des tenants du pouvoir pour mieux asphyxier l’Etat. Bref un pays exsangue. Mais pourquoi, Diantre, une équipe qui a ainsi échoué s’évertue-t-elle à torpiller tout ce qui ne vient pas d’elle pour contrôler la vie des Congolais qui en ont marre d’être considérés comme la dernière roue du char ?

    Vers quel rivage conduire le paquebot Congo ?

    Les dernières élections de 2018 ont laissé des traces et diviser les Congolais au point que certains oublient l’intérêt commun pour ruminer leur haine et leur rancune. Le deal conclu entre CACH et le FCC a fini par plonger la population dans le désespoir à cause du blocage que les querelles intestines entre partenaires provoquent. Dans sa dernière adresse, la CENCO a déploré la situation de paralysie du pays due au comportement irresponsable des acteurs politiques fonctionnant en clans.

    La prestation de serment de trois juges de la Cour Constitutionnelle au Palais du Peuple devant le Chef de l’Etat, qui a failli être empêchée par le Bureau de l’Assemblée Nationale n’eût été le forcing des militants de l’UDPS, boycottée par les parlementaires FCC est l’apothéose d’une crise qui couve de puis un temps et qui doit absolument être réduite sous peine d’implosion du pays.

    Tenant le bâton du commandeur des institutions et leur bon fonctionnement, revêtu de la puissance de l’Etat, le Président de la République doit se saisir de ses prérogatives pour siffler la fin de la récréation et remettre de l’ordre dans la maison. Car, en effet, le pays a besoin d’un nouvel ordre, d’un nouveau souffle, débarrassé des pesanteurs partisanes et contractuelles pour voguer vers des lendemains meilleurs.

    Mais le cap qui sera pris ne doit en aucun cas oublier les blessures légitimes infligées aux autres dans un passé récent. Rassembler largement et fixer un point focal à l’horizon et asseoir enfin un véritable Etat. Mais, dans un pays qui a connu tant de tragédies, le Chef de l’Etat est appelé à se prononcer librement pour la création d’un Tribunal Pénal International pour la RDC devant juger les crimes qui ont été commis dans le pays depuis plus de 20 ans.

    La mise en œuvre du Rapport Mapping ayant répertorié pas moins de 617 crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et possiblement des crimes de génocide est un ingrédient incontournable pour accéder à la paix et à la réconciliation nationale. Tant que les criminels détiendront encore une parcelle de pouvoir en RDC, tout espoir de changement est interdit. L’appel du Prix Nobel de la paix 2018 le Dr Denis Mukwege doit être compris à sa juste valeur. Le Président de la République, disait-il, doit choisir entre son peuple et ses alliés.

    Choix du cœur ou choix de la raison ?

    Tout pas du pouvoir allant dans ce sens doit être soutenu non pas parce qu’on aura oublié tous les points de litige, mais au nom de l’intérêt national. Si le Président de la République se prononce dans le sens d’une rupture avec la kabilie, il serait suicidaire que de ne pas l’accompagner tout en gardant notre mordant critique face aux décisions à venir.

    Echaudés par l’affaire Minembwe, les Congolais doivent se ressaisir et ne pas être des spectateurs de leur destin. Il y a les légalistes qui diront que toute latitude constitutionnelle pouvant aider le Chef de l’Etat d’avancer sans le boulet FCC doit être saisie.

    Les révolutionnaires disent qu’en temps d’occupation respecter des textes pondus sur mesure pour l’intérêt de l’occupant doivent être ignorés, parce que seul le salut du peuple compte.

    La balle est dans le camp du Chef de l’Etat Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo. Le peuple attend.

    Roger Buang Puati

    Pasteur et Ecrivain congolais

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