Rozenn Kalafulo vit cachée dans une maison depuis plusieurs jours. La rédactrice en chef de la radio communautaire indépendante Pole FM a été alertée par plusieurs personnes de menaces qui auraient été proférées à son encontre par des généraux des forces armées de République démocratique du Congo (FARDC). Des témoins lui ont confié avoir surpris une conversation au cours de laquelle des hauts gradés auraient menacé de s’en prendre à elle après qu’elle a interrogé le chef de l’Etat sur les activités commerciales de certains officiers de l’armée congolaise et sur leurs potentiels liens avec des groupes armés. La question avait été posée au président Félix Tshisekedi à l’occasion d’une conférence de presse à Goma le 8 octobre dernier.
“Les autorités provinciales du Nord-Kivu ne doivent pas minimiser cette grave menace portée contre cette journaliste qui n’a fait que soulever un sujet d’intérêt public, estime Tshivis Tshivuadi, Secrétaire général de JED. Une enquête sérieuse doit être menée sans attendre, pour retrouver et sanctionner le groupe de généraux qui complotent contre la journaliste. Toutes les autorités compétentes concernées doivent prendre des mesures appropriées de protection physique pour cette journaliste visée par des menaces ouvertes, dans cette partie du pays en proie à l’insécurité armée depuis plusieurs années”.
Lire aussi: Presse: la Cour européenne des droits de l’Homme condamne la Suisse pour avoir forcé une journaliste à révéler ses sources
“Ces menaces sont révélatrices des difficultés auxquelles sont encore confrontées les journalistes congolais dans leur travail quotidien, ajoute Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Malgré les discours encourageants du président élu il y a près de deux ans, aucune réforme d’envergure n’a été menée pour améliorer l’environnement de travail des journalistes. RSF et JED demandent la mise en place urgente d’un mécanisme d’alerte pour la sécurité et la protection des journalistes”.
Les exactions à l’encontre des journalistes continuent de se maintenir à un niveau élevé en RDC. Selon JED, au moins douze journalistes ont fait l’objet de menaces et d’intimidations depuis le début de l’année. Ces atteintes à la liberté de la presse sont encore très souvent le fait des autorités locales ou de membres des forces de sécurité elles-mêmes. En septembre, RSF avait documenté la vague de répression ayant touché des journalistes de la province du Sankuru. François Lendo, le directeur de la radio Radio Télé Losanganya avait été arbitrairement détenu pendant 11 jours après une plainte du gouverneur de la province.
La RDC occupe la 150e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF.