Accès Humanitaire

    « Rien ne résiste au temps. Même les écrits gravés dans le marbre finissent par céder. Ce n’était pas un secret que le M23 procédait d’un plan de désorganisation de l’État congolais et de perpétuation de l’entreprise mafieuse installée à l’Est du pays pour faciliter le pillage des ressources naturelles. Tout le monde le savait. L’Ouganda et le Rwanda étaient réputés être les commanditaires du projet et des stratégies mais aussi, ils étaient connus pour leur rôle des mobilisateurs des ressources pour l’ouvrage de la déstabilisation et fournisseurs des couvertures diplomatiques.

    Et pourtant, les deux pays demeuraient dans le déni total. Paradoxalement, ils vilipendaient la RDC comme étant l’État failli par lequel le malheur entre au point d’être une menace pour ses voisins.

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    Kagame, dans un cynisme qui tranche avec le rationnel, fabrique la misère et condamne la RDC pour son incapacité à rassurer ses voisins en rapport avec les questions d’interdépendance sécuritaire. Ils cuisinent la foutaise, la balance en RDC et au bout, ils accusent la victime d’être responsable de ce qui lui arrive et même d’être la menace contre leurs États.

    La voix du Congo n’a pas brisé les glaces. La scène internationale est cruelle. Il faut compter. Nombreuses puissances du monde ont attesté la thèse rwando-ougandaise non pas faute de vérité mais au vu de l’intérêt national de chacun. C’est ça la communauté internationale. Kabila a essayé de tout donner pour avoir la paix, finalement il n’a plus cherché que sa propre paix à lui et sa famille.

    Le temps passe, les intérêts du monde se dessinent autrement. La géopolitique du coltan est en train de céder sa place à celle du lithium et du cobalt.

    Ces derniers mois ont été riches en événements. A force de pousser plus fort la seringue de la désorganisation, le poison a fait mal dans le corps du Congo, très mal. Les populations se sont levées comme un seul homme pour revendiquer non plus la paix mais la guerre. Il faut mourir comme garçon, debout.  Le jeu du Rwanda a trop duré. L’homme du « peuple d’abord » a compris le message. L’attaque injuste du M23 contre les positions des FARDC en territoire de Rutshuru au Nord-Kivu lui a fait une passe en or.

    Du « Béton » face à un interlocuteur « foncièrement inamical »

    Félix Tshisekedi, après un long franc-jeu politique a levé la voile sur son apparente naïveté. Cette dernière n’était en réalité qu’un gage de bonne foi. Le Rwanda ne l’a pas compris à juste titre. Le régime de Kigali était piégé par la rémanence de vingt ans d’une culture de soumission diplomatique de Kinshasa. Felix avait trop donné sans contrepartie, ça ne pardonne pas en politique.

    Tenez : Accord sans réciprocité pour que Rwandair, la compagnie d’aviation rwandaise, desserve les aéroports congolais ; pour que l’or brut extrait artisanalement dans le Kivu soit raffiné au Rwanda ; pour que les unités de génie de la police rwandaise construisent des logements sociaux à Goma ; pour autoriser les expéditions des troupes rwandaises sur le sol congolais en répression aux forces négatives ; pour que les entrepreneurs du bâtiment et génie civil du Rwanda soumissionnent avec privilèges, au marché public des ponts et chaussés et dans l’immobilier… Félix, Béton pour ses lieutenants, n’a pas fait dans la demi-mesure, il a arrêté la série des gestes amicaux vis-à-vis d’un interlocuteur foncièrement inamical.

    Le message est allé droit au cœur de Kigali. N’en déplaise aux sceptiques qui ont dit que la réaction de Kinshasa était l’expression d’humeur, preuve que Félix n’était pas à la hauteur des exigences du métier. Il lui fait le défaut du monstre froid dont a besoin César au niveau de ses responsabilités. En effet, Félix est d’abord un Béton. C’est-à-dire qu’il chauffe ou refroidit en fonction de la température de son environnement. Preuve, la panique a changé des camps. Kigali qui n’a pas digéré le coup s’est livré aux attaques militaires, diplomatiques et médiatiques. Le béton a resserré davantage la vis, il a pris un paquet des mesures contre le Rwanda et son rejeton le M23. Béton a déclaré que le M23 étaient désormais une affaire des terroristes au service de Kigali. En français facile, le Rwanda était désormais pour la RDC un État voyou pour son entretien des forces terroristes. Cela veut dire pour la RDC que les éléments utilisés dans le M23 sont des agents supplétifs spécialisés dans l’action terroriste que le Rwanda exporte à l’Est de la RDC. Ainsi le Gouvernement s’interdit toute négociation avec un interlocuteur terroriste et mieux au service d’une puissance étrangère principalement le Rwanda. Les masques sont tombés.

    D’où la nécessité de questionner le passé, le sort des éléments M23 intégrés au sein des institutions nationales. Ils font quoi aujourd’hui, ces dames et messieurs au service du Rwanda ? La question mérite d’être posée.

    Le même narratif du Rwanda

    Le Rwanda en guise de réaction force la solution d’invasion pour contrôler une partie significative du territoire nationale en vue d’imposer le M23 comme partenaire de négociation directe avec la RDC ! Les chassés croisés diplomatiques, les sorties médiatiques, le télescopage de grossières manifestations racistes, les conférences hostiles au Congo sont testées partout pour isoler l’opinion de Kinshasa et arroser l’opinion publique internationale avec les refrains usés que nous connaissons déjà : les communautés rwandophones sont menacées d’extermination au Congo, le Congo est un allié aux éléments génocidaires du FDLR, le Gouvernement de Kinshasa s’empêche de coopérer pour résoudre définitivement le problème des congolais d’origine rwandaise, la question de nationalité des congolais rwandophones est un dilemme congolo-congolais, le Rwanda a des intérêts sécuritaires à l’Est de la RDC pour lesquels il ne transige avec aucune puissance…

    Un vieux narratif qui convainc de moins en moins

    Ce vieux narratif ne passe plus. Provisoirement.  Les chancelleries du monde entier tournent peu à peu la page.  Parfois, ils changent leurs agendas. Ils ont un discours au regard des preuves multiples que Kagame ne sait plus cacher sur le fait qu’il est l’auteur du bordel dans la région.  Il énerve. Parfois il agace.

    C’est dans ce contexte que s’ajoute le ton diplomatique de Félix. Il apporte un petit zeste dans l’écosystème géopolitique et diplomatique de la région. Il force Kagame à quitter le bois pour jouer à ciel ouvert. Kagame habitué aux coups fourrés n’a pas l’argument de poids. Il tombe au premier jeu. Il ne s’adapte pas. Il recourt à la force, sans beaucoup d’effets comme avant. La ruse peine à trouver du carburant, peu d’inspiration actuellement. Le discours manque beaucoup de cohérence. Solution choisie, changer la copie. Du coup, Paul Kagame lui-même prend le devant de la scène pour annoncer les grandes lignes du nouveau narratif.

    En effet, désormais : la Monusco est accusée d’être un allié des FDLR et des FARDC,  pour dire que la Monusco  est une partie au problème et non une partie à la solution ; le M23 deviennent non plus des forces congolaises au service des revendications des populations congolaises d’origine rwandaise mais des forces rwandophones au service des revendications des populations rwandophones au Congo ; le rwandophones ne réclament plus de nationalité mais plutôt des terres à l’Est du pays ; Tshisekedi est accusé de refuser à comprendre le problème du Congo, ce, en dépit des efforts énormes de Kigali et Kampala à lui expliquer la vraie version du problème congolais ; le Rwanda sera partie à la solution, elle est disponible pour intervenir à travers les forces régionales de traque des réfractaires au désarmement des activistes armés étrangers présents sur le sol congolais.

    Les lignes bougent radicalement, le gouvernement doit tenir  

    Avec le nouveau narratif, on peut affirmer que les lignes ont bougé, radicalement.

    Les congolais vont capitaliser le fait que les M23 sont désormais ce rébus que représente les FDLR pour le peuple rwandais. Ils sont tous des criminels inéligibles au format classique d’intégration. Tout congolais ayant pris part à l’activité terroriste de ce corps expéditionnaire rwandais a agi contre son pays, au service des puissances étrangères.  Congolais ou étranger, chacun doit répondre de ses actes devant les juridictions de la justice transitionnelle punitive. Cela implique que la diplomatie congolaise opposera au Rwanda son rôle dans les atrocités perpétrées sur le sol congolais par les troupes du M23. Le Rwanda ne présentera plus jamais comme une victime, la carte FDLR mais il lui sera plutôt opposée la conjonction nuisible d’effort dont il est bénéficiaire, celle entre deux factions d’origine rwandaise le M23 et le FDLR déployées sur le territoire national congolais.

    Le Gouvernement congolais a tout intérêt à faire triompher sa nouvelle thèse. Aucune pression régionale militaire, diplomatique ou politique ne devrait faire fléchir sa position de classer le M23 dans sa catégorie des forces terroristes à bouter hors nos frontières avec toutes les autres forces étrangères en activité illicite sur le sol congolais. Le sort des FDLR est lié à celui des M23 en dépit de l’apparent traitement inégal de deux factions d’une même stratégie : hostilité de Kigali contre les FDLR et sa sympathie pour les M23.

    Et enfin…

    Pour finir mon propos, je note que le discours actuel de Kigali sème de la confusion plus qu’il nous fait des éclaircissements. Son recours à une sémantique très controversée brouille les pistes. Tenez, les rwandophones en RDC sont là-bas des congolais d’origine, ici plutôt des congolais ayant acquis la nationalité et parfois ailleurs ils sont des étrangers venus du Rwanda, de l’Ouganda, du Burundi ou de la Tanzanie. Il ne s’agit pas donc, d’un bloc des personnes ayant une même identité. Ensuite, les M23 n’ont jamais été en bonne odeur de sainteté avec les banyamulenges des montagnes du Sud-Kivu. Ils ne se reconnaissent pas dans les revendications des leaders du M23. Les quelques banyamulenges de l’espace politique à Kinshasa ou de l’armée qui sympathisent avec le M23 le font à titre privé autant que les autres congolais de service recrutés dans les autres communautés non rwandophones.  Du reste beaucoup de ces banyamulenges là sont en désaccord total avec leurs leaders communautaires qui ne demandent pas mieux que le triomphe du vivre ensemble congolais loin des distractions du régime actuel de Kigali.

    L’imposture de la diplomatie Kagame mise à nue

    Les rwandophones du Nord-Kivu pour ne pas être une communauté monolithique se manifestent. Les communautés hutu déclarent haut et fort déjà qu’ils ne se reconnaissent pas dans les protégés de Kigali. Ils dénoncent la fonction de porte-parole des rwandophones congolais affublée par Paul Kagame aux M23. Ils n’ont jamais donné mandat à quiconque pour revendiquer en leur nom. Ils m’ont répété ça à plusieurs occasions depuis la sortie médiatique de Kagame à propos.

    Toute cette imposture de la diplomatie rwandaise est mise à nue. Les fibres xénophobes trop manipulées font du menu fretin dans la besace diplomatique d’intoxication et de diabolisation des congolais. Le monde se tourne vers le commerce international avec pragmatisme. La diplomatie congolaise doit exiger le « politiquement correct » dans les échanges.  Et l’équation Kagame sera une histoire. A l’interne, un travail réel de patriotisme et de responsabilisation doit être fait par l’État et la société civile pour éviter de déchirer davantage le tissu social congolais. Il faut vider la besace des allégations toxiques de Kigali.

    Il est opportun pour la communauté internationale de comprendre le problème de la région afin de lui trouver un traitement adéquat, sans faux fuyants. Il ne s’agit plus de demander au Congo de négocier couché pour mériter un semblant de paix pour les institutions alors que derrière, il règne un vide sécuritaire, un chaos, un business mouillé de sang des innocents congolais.

    Jean-Bosco Muhemeri,

    Consultant Indépendant
    Géopolitique et Études Internationales

    muhemeribosjbm@gmail.com »

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