Quand on lui donne le pouvoir sur un plateau d’or à 29 ans, c’est un Joseph Kabila docile. Des diplomates disent qu’il écoute, il parle moins et il est flexible.
Quand en 2007, il accorde une interview à nos confères de Jeune Afrique, c’est encore un Kabila qui se voulait très « démocrate ».
« La Constitution, c’est sacré » disait-il. Et quand on lui rappelait que d’autres chefs d’Etat avaient changé d’avis, Joseph de 2007 répondait « Mais Joseph Kabila n’est pas comme les autres. J’ai donné ma parole d’honneur en promulguant cette Constitution, je n’y toucherai donc pas. Le pouvoir use. Il faut savoir s’arrêter. Je vous donne ma parole d’officier. Que voulez-vous de plus?”.
Personne ne pouvait parier sur sa longévité à la tête de l’Etat-Continent vu sa jeunesse. Considéré comme un outsider, Joseph Kabila réussi à mettre sur une même table des belligérants qui avaient réussi à diviser le Congo et à disposer chacun de son administration.
Des mouvements politico-militaires qui gangrènent le pays. Le RCD et le MLC sont les plus farouches. Il accepte de cogérer la République. Il gère avec des plus grands opposants de son régime ; même ceux rejetés par son défunt père. Il donne des signaux positifs aux partenaires. Quelqu’un de conciliant. C’est le Kabila d’hier.
Avant la fin de son deuxième quinquennat, Kabila multiplie des dialogues pour dit-il préparer des bonnes élections au pays. Des élections sans ingérence étrangères. Le délai étant terminé, il continue à jouir de son plein pouvoir. Il maitrise tout, l’appareil sécuritaire en premier mais aussi celui judiciaire.
Sur ce dernier aspect : des récentes décisions du président de la République Joseph Kabila, il s’observe un maintien intangible de l’intégralité du pouvoir lui dévoué jadis, avant l’expiration de son mandat constitutionnel.
A défaut de l’installation d’un successeur, légitimement élu, Joseph Kabila, devrait-il expédier les affaires courantes jusqu’à la résurgence d’un autre épisode électoral.
Si la non-tenue de la présidentielle de 2016 a été due au manque de moyens, et tant d’autres motifs avancés par la CENI, elle a auguré un statuquo institutionnel à la tête de l’Etat congolais. Le puissant citoyen de Kinshasa n’a vu son pouvoir diminuer d’un seul iota. Un afflux d’ordonnances présidentiel fuse du palais de la nation, comme si le président de la république n’était qu’en train de déguster aux 100 premiers jours de son tout premier mandat !
Des arsenaux juridiques, vraisemblablement ayant pour vocation de corser la notoriété du natif de Hewa Bora, ont été mis en place à sa propre initiative. Alors que dans les coulisses ça se murmure autour d’une éventuelle représentation à un troisième quinquennat d’affilé, Joseph Kabila ne fait montre d’aucun recul.
Fort de l’arrêté de la Cour Constitutionnelle, lui permettant de gérer l’Etat à volonté jusqu’au jour où cela lui semblera bon de déclencher un nouveau cycle électoral, l’homme de 47 ans en fait bon usage. En effet, rien ne l’a empêché de créer la Cours de Cassation et le Conseil d’Etat, tous les deux organes constitutionnellement découlant de l’ancienne cours suprême de Justice.
Si la mise en place de ces deux institutions est constitutionnellement expliquée, le président Joseph Kabila, n’en fait-il pas trop en engageant une aussi grande décision pendant la tranche inconstitutionnelle de sa présidence ! Tout compte fait, ses détracteurs en trouvent une manœuvre, politiquement motivée, visant à conforter les garde-fous de l’héritier de Laurent-Désiré Kabila. S’étant octroyé la primauté de nommer, à la tête de ces institutions, des acteurs dignes de sa confiance, Joseph Kabila peut compter sur leur loyauté en ce moment où la crise n’est pas loin d’entacher plus profondément le processus électoral. Il garde le suspense sur son avenir politique mais multiplie des signes pour montrer qu’il ne risque pas de partir tout de suite, mais au même moment il renouvelle sa détermination à respecter la constitution. Une constitution violée dans plusieurs de ses dispositions selon les acteurs de la société civile et les activistes pro-démocratie. Un mystérieux, mais sûr de lui. C’est le Kabila d’aujourd’hui.
A l’ordre du jour des réalisations intello-stratégiques du régime de Kinshasa, se place la coopération militaire avec la Russie ! Nulle part ailleurs qu’en RDC, un pilote par intérim ne pèserait aussi lourd jusqu’à engager tout un Etat dans une aussi grande affaire ; surtout au moment où il n’est pas constitutionnellement partant pour succéder à lui-même. Cet engagement présage une réponse foudroyante à la fermeté du monde occidental au sujet de l’impérativité de l’alternance à la tête de l’Etat cette année. Comme si le Rais donnait clairement un message : Je me tourne d’autres partenaires pour assurer une pérennité de mon régime. Peut-être une sorte de Poutine-Medvedev en vue afin de faire du chef un incontournable sur la scène nationale. « Il y a dix raisons de maintenir Kabila au pouvoir » répète « Ushujaa », un mouvement des jeunes essentiellement du PPRD et qui disent s’opposer au dictat international dans la gestion des affaires internes du pays. D’autres caciques du parti au pouvoir croient mordicus qu’il faut qu’il ait un troisième mandat.
Là, Joseph Kabila cherche à jouer un rôle que les Congolais ne tarderont pas à découvrir demain, car il est impossible de se voiler la face ; alors que si on en croit le calendrier de la CENI, les dates de dépôt des candidatures approchent à grands pas et celui qui est à la tête de l’Etat devra prendre position. Soit en se choisissant un dauphin, soit en choisissant le bras de fer avec son peuple et les amis de son pays, qui, on le rappelle, voient déjà clair dans le dossier. Il met en garde les partenaires qui qui veulent s’imiccer dans les affaires de son pays mais les pays voisins et les étrangers ne veulent pas un pays qui retourne dans le cycle des violences et pressent son régime à organiser les élections en Décembre 2018. C’est un Kabila menaçant mais aussi menacé. Là, ce sera le Joseph Kabila de demain.
Tout compte fait, il n’est pas exclu qu’il use des subterfuges pour se maintenir au pouvoir. La libération de Jean-Pierre Bemba, le dossier du retour des exilés politiques, l’utilisation de la machine à voter, etc sont entre autres raisons qui peuvent pousser l’actuel locataire du palais de marbre à repenser des nouveaux dialogues pour se maintenir au pouvoir en gagnant plusieurs années devant lui.
En effet, Kabila Kabange sait parfaitement bien que plusieurs acteurs politiques (soutiens comme opposants) ne veulent pas affronter le peuple aux urnes et préfèrent des conciliabules pour rester au pouvoir et se faire une santé financière au détriment du grand nombre. Et JKK peut compter sur eux. Il peut aussi compter sur la naïveté de la société civile Congolaise, qui, visiblement a cessé d’être le gardien des valeurs républicaines et se concentre aussi sur le partage du gâteau (le pouvoir), pour les uns et les autres sont carrément entrain de croire à la bonne foi du chef de l’État. Les mouvements citoyens semblent s’essouffler au fil du temps.
Mais attention, tous ces signaux ne peuvent pas tromper la vigilance du pouvoir jusqu’à estimer qu’il est arrivé à taire toutes les voies discordantes.
Les événements dans le monde ont démontré qu’on ne peut pas être capable de mater définitivement un peuple. Les choses changent et les peuples prennent conscience tôt ou tard. Et là, il n’est pas exclu qu’un Kabila « fort » se retrouve à commettre des crimes pour taire un éventuel soulèvement populaire ou armé. Un soulèvement qui pourrait tirer sa légitimité et même sa légalité de l’article 64 de la constitution» qui stipule ce qui suit (sans préciser les voies par lesquelles il faut y arriver) : « Tout congolais a le devoir de faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l’exerce en violation de la présente Constitution ».
S’il en arrive à ce point, le président actuel aura fortement entaché son image et il n’est pas exclu qu’il soit poursuivi par des juridictions nationales et internationales pour des faits de violation grave des droits de l’homme dans son pays. Ce sera donc un Joseph Kabila avec des graves dossiers judiciaires. C’est comme s’il choisissait entre le respect en quittant désormais la scène d’une manière honorable et un avenir plein d’incertitude en se cramponnant sur un pouvoir qu’il avait juré de quitter après ses deux mandats constitutionnels
Mais il n’est pas sûr qu’il en arrive à ce point et sera le seul à déterminer son avenir. Y sortir par la grande voie ou par la fenêtre ? Il doit faire un choix. C’est le Joseph Kabila de « prochainement ».