Accès Humanitaire

    « Il n’y a pas eu 107 morts, mais une vingtaine à Drodro. Le gouvernement suit de près la situation. Que tous ceux qui ont relayé cette info s’inspire de sa source pour rétablir la vérité. Dans le Changement du Narratif nous prônons la transparence et sommes disponibles pour recouper »

    Ces paroles un peu plus « méprisantes » à l’égard des vies humaines perdues; sont du warrior Patrick Muyaya, ministre de la communication et médias, porte-parole du gouvernement Sama Lukonde.

    Alors que des familles ont été endeuillées, des vies des congolais fauchées dans l’Ituri le dimanche 21 novembre; dans la localité de Drodro tout particulièrement, le gouvernement se focalise bien sur les chiffres que sur les vies de ces congolais innocents lâchement massacrés. 

    C’est le changement du narratif, semble-t-il.

    Vingt-neuf personnes ont été arrachées à l’affection de leurs proches; un nombre inférieur peut-être à 107 annoncé par certains médias; mais, cela suffirait-il pour que celles-ci soient ainsi passées à las?

    Avec cette piètre communication, le porte parole du gouvernement s’en est pressé, non pas pour des condoléances ni pour une certaine compassion, mais bien pour la guerre des chiffres.

    « Il n’y a eu qu’une vingtaine de morts », comme si la vingtaine étaient des mouches et qu’elle valait moins que les 100 annoncés.

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    C’est bien cette réalité à laquelle font face désormais les congolais sur la terre de leurs ancêtres. Quand bien même on peut voir le monde se mobiliser autour de la mort d’une personne en France, cas du professeur Samuel Paty, ou encore aux Etats-Unis avec George Floyd ; au Congo, c’est le décompte sans aucune compassion. Tout se fait désormais que pour sauver les apparences, changer le narratif coûte que coûte. 

    La vie d’un congolais ne vaut visiblement plus grand chose. Une vie à la mie de pain, on compte désormais des morts comme si on comptait des vaches dans un abattoir. Des autorités en parlent comme si c’était désormais des faits périphériques très bénins.

    Quelle vie!

    On tue tellement trop et chaque jour. Le congolais comme ses dirigeants ont tellement vécu d’atrocités qu’ils sont tentés de jeter le bébé avec l’eau du bain. 

    Non, la personne humaine est sacrée. « Toute personne a droit à la vie, à l’intégrité physique » dit la Constitution de la RDC. Nulle part elle dit que c’est seulement cent personnes et non vingt. Le changement du narratif ne devrait donc pas nous pousser à désacraliser la vie de nos compatriotes. 

    N’est ce pas qu’au moins 10 civils innocents sont tués, lâchement abattus chaque jour à l’Est de la RDC. Le gouvernement quant à lui est préoccupé par autre chose, le pouvoir. Jamais un message de condoléances, aucun geste de compassion; à part le fameux état de siège qui est plutôt venu cristalliser la situation plutôt qu’il ne la résolve.

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    Dans les médias, des nouvelles à la une sont les mêmes. Celles qui défrayent la chronique sont: le décompte macabre continue, une nouvelle attaque sanglante à Beni, le carnage se poursuit dans l’Ituri, incursion de l’armée rwandaise à Bunagana, incursion des rebelles à Bukavu…

    La situation est relativement calme, cette formule magique du Gouvernement

    Pendant ce temps, le Conseil des ministres, vous transmet la régulière formule magique: la situation sécuritaire est relativement calme, voir satisfaisante, nonobstant quelques incursions. 

    Oui, quelques incursions seulement qui coûtent quand même des dizaines de vies des congolais. Ceux-ci n’ont visiblement qu’une espérance de vie de 24 heures, plusieurs fois renouvelables.

    Si à Beni, et en Ituri, ce sont des rebelles qui tuent chaque jour; l’on signale une montée fulgurante du banditisme urbain, même dans des villes sous état de siège.

    Comme si cela ne suffisait pas, des accidents, catastrophes naturelles, naufrages, nous arrachent bien de compatriotes dans différents coins de la RDC. Et dans tout ça, c’est bien le changement du narratif qui compte.

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    C’est ainsi qu’environ 74 personnes ont péri dans un naufrage à Bumba, province de la Mongala en octobre dernier. Le message du gouvernement n’est intervenu que plus de 24 heures après. Les warriors étaient préoccupés par des voyages, et autres choses plus importantes que les vies des Congolais. 

    Ces accidents qui pourtant peuvent être évités ne font qu’accroitre le nombre de ces personnes à la vie de la crotte de bique. Combien de temps ceci devra encore prendre? Jusqu’à quand va-t-on continuer à compter nos morts ?

    Ce Congo, avec tout ce qu’il regorge, n’est il pas devenu un mouroir, un abattoir humain en lieu et place d’un berceau de l’humanité? Une mère nourricière?

    C’en est seulement assez!

    Même si le ministre, auteur du changement de narratif, a voulu plus tard présenter les condoléances, des congolais choqués par ce style communicationnel méprisant; n’ont pas raté l’occasion de le rappeler à l’ordre.

    Tout n’est pas perdu, et l’espoir est donc permis. La vie, du congolais, comme tout humain reste sacrée. 

    Judith Maroy

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