
En RDC, et dans la province du Sud-Kivu en particulier le nationalisme a cédé la place au tribalisme, et cela dans tous les domaines. Pour occuper un poste, politique ou pas, tu dois appartenir à telle origine tribale. Il n’est pas possible aujourd’hui de cohabiter avec quelqu’un qui n’est pas de sa colline ou de la colline voisine. A l’image de la gamme de tribus qu’il y a dans le pays, nous avons une gamme d’administration, une gamme de tendance.
Dans les services de l’Etat, au sein des confessions religieuses, dans les universités et même dans les organisations de la société civile, cette antivaleur est monnaie courante. Ce comportement n’a pire conséquence que la fragilisation de l’unité nationale au profit de la division et des conflits fratricides.
La gestion des institutions publiques n’échappe pas à la multipolarité basée sur les identités tribalo-ethniques du pays. Pour être nommé Directeur général, il faut nécessairement avoir quelqu’un de ta colline au sein de l’organe de prise de décision, à Kinshasa. Fort de ce parapluie de fer, il t’est permis de faire parler tes sentiments, de gérer à volonté car le poste est devenu une affaire de famille. Une fois ta gestion nécessite une action disciplinaire, tous les ressortissants montent au créneau pour dénoncer la chasse aux sorcières à l’égard de leur fils. La mauvaise gestion a désormais une couleur ; si elle est à l’actif de mon frère, je la peints en blanc et m’acharne contre tous ceux qui la dénoncent.
Les confessions religieuses, qui ont longtemps servi de lieu par excellence où régnait communion fraternelle et tout, ne sont pas épargnées par ce mal modernisé. Les enfants de Dieu aussi, au premier rang les pasteurs, s’entredéchirent et peuvent s’entretuer pour conserver pour des postes de responsabilité du clergé qu’ils considèrent devant revenir à leur tribu. Certains chrétiens vont plus loin jusqu’à souhaiter la mort des leurs « frères en Christ » occupant des positions de prédilection au sein des communautés confessionnelles, pour le simple fait qu’ils ne sont pas de leurs origines.
Dans les universités, jadis considérées comme le berceau du savoir vivre, les « camarades » ne se reconnaissent plus en fonction de leurs écritoires, mais en fonction des noms de familles ! Musombwa côtoie Walumona, Bisimwa fréquente Buhendwa. Kiza est empathique à Kalinde, Kasereka est prêt à offrir son souffle pour Paluku ! A l’occasion de votes des portes parole des étudiants, la géopolitique de triste conséquence refait apparition. Toutes les tendances tribales doivent y être représentées. Pas parce que toutes les tribus comportent des compétences, mais parce qu’il n’est pas normal que telle tribu puisse toujours être oubliée dans la composition du collège des étudiants. Tu commets l’erreur de ne pas y faire allusion, ne comptes pas sur les votes de la colline que tu as omise.
Alors que les torchons brûlaient entre le comité de gestion et la communauté estudiantine, l’année académique passée, suite à une incompréhension consécutive à la majoration unilatérale des frais académiques, il a été surprenant de voir des notables de la province, et pas des moindres, attribuer ce soulèvement à un soi-disant complot contre certaines autorités au nom de la dualité acharnée entre des tribus dans la province.
Dans tous les secteurs de la vie, en RDC, cette pratique est d’actualité. Lors de la composition du gouvernement provincial, certaines voix se sont levées dénonçant l’exclusion. Les congolais ne s’unissent plus autour des idéaux, mais chaque groupe s’identifie à travers un certain leader tribal, plus puissant même que l’Etat dans son terroir.
« Cette politique des originaires est née avec l’accession de l’AFDL au pouvoir, et a pris le grand élan sous la gestion de Joseph Kabila. A l’époque de Mobutu, tous les congolais se considéraient comme des frères ; il n’y avait pas de discrimination tribale », nous a déclaré un nostalgique de la deuxième république, qui estime que ce tribalisme fait partie de l’héritage amère que nous a légué la période de guerres.
Cette nouvelle coutume semble constituer le nouveau mode de gestion du pays. Dans tous les circuits de la vie publique, les termes représentativité, géopolitique, gestion commune… sont devenus des principes. C’est la raison même de la destruction de la cohésion nationale. Les gens sont incapables de communier pour une cause noble.
Si cette politique discriminatoire, ne comportant aucun avantage collectif, profite à des égoïstes qui ne voient aucun mal en trafiquant les valeurs républicaines pour leurs appétits propres ; et à l’instar des fanatiques de clubs sportifs, les congolais suivent ces margoulins dont l’objectif n’est que de les paupériser pour la vie et se faire du fric, des villas et des voitures, au nom de leurs frères. Au finish, la tribu ou l’ethnie ne gagne que l’honneur théorique. Au vu de ce tableau plutôt sombre, il y a lieu de prier et d’appeler désormais à l’intervention du créateur: démon de tribalisme aveugle et institutionnalisé, sors de mon pays, sors de ma province!
John Achiza






