Le fossé semble se creuser du jour au lendemain entre deux amis de longue date séparés par les élections de décembre 2018 en République Démocratique du Congo.
Il s’agit du président de la République, Félix Tshisekedi reconnu vainqueur de la dernière présidentielle et l’opposant Martin Fayulu qui continue à demander la vérité des urnes en se considérant qu’il est le président élu de la RDC.
Au fur et à mesure que les jours avancent, les positions semblent se radicaliser. Martin Fayulu, réconforté par les différentes positions de certains évêques congolais continue à qualifier son ami Félix de « président nommé » et cela sans citer son nom comme autrefois.
Pas plus tard que ce mercredi 27 février, alors qu’il revenait d’un entretien avec le président de l’Eglise du Christ au Congo, le porte-étendard de la coalition Lamuka à la dernière présidentielle a lâché son discours devenu habituel : “Vous le savez que tous ceux qui sont à l’assemblée nationale n’ont pas gagné. Il y a beaucoup de nommés comme celui qu’on prétend être le président de la République, il a été nommé. Ceux qui sont dans les assemblées provinciales maintenant, ils ont été nommés”, a-t-il dit.
Si ce discours sec contre le président actuel de la part de Martin Fayulu est presqu’habituel, c’est chez Félix Tshisekedi que le ton commence visiblement a monté.
Alors qu’il séjourné à Windhoek, la capitale Namibienne, le chef de l’Etat s’est exprimé sur plusieurs questions concernant la politique de son pays et spécialement les droits de l’homme.
Parlant des droits de l’homme, Fatshi n’a pas manqué de réléver que désormais les opposants passent leur messages sur la Télévision Nationale Congolaise (télévision publique) depuis son accession au pouvoir.
« L’opposant qui continue de revendiquer sa soi-disant victoire a le champ libre non seulement ses activités passent dans le média sans censure et en plus lui-même a la liberté de circuler et de tenir ses réunions publiques sans entraves des forces de l’ordre, comme on pouvait le constater il y a encore quelques semaines » fait-il remarquer.
Un discours loin apaisant de Félix Tshisekedi, lui qui s’est toujours mis à rendre hommage à un «frère » depuis le discours de son investiture.
Celui-ci ne s’était jamais gêné de prononcer le nom de Martin Fayulu pour appeler à l’apaisement.
Ce qui change d’un coup, c’est le fait que Félix Tshisekedi ne prend plus la peine de dire clairement le nom de son ancien allié avant les accords de Genève et qu’il minimise son discours en parlant de la « soi-disant victoire ».
Comment explique-t-on ce changement de ton de la part du nouveau président ?
Un analyste politique Congolais estime que cela pourrait être dû au fait que Félix Tshisekedi tente « d’entrer dans la peau du président » en tentant de ne pas donner la valeur à celui qui ressemble désormais à son plus farouche opposant.
En clair, dit-il, si Félix se voulait encore très conciliant envers son adversaire, c’est parce qu’il pensait qu’il (Martin Fayulu) cesserait d’être son plus grand détracteur à l’instar de Kyungu Wa Kumwanza qui rappelle tous les jours que lui et Katumbi ne peuvent pas combattre Félix Tshisekedi. « Maintenant qu’il se rend compte que celui-ci reste dans l’extrême, il tend également à se radicaliser » explique-t-il.
Une autre hypothèse, explique notre interlocuteur, c’est le fait que le président actuel n’est plus dans la situation de l’après proclamation. Il reçoit de plus en plus des soutiens dans le pays et à l’étranger et tente de s’imposer comme président de la république. On peut le constater, qu’il est désormais sûr de lui et que le ton se durcit et peut-être encore plus prochainement ».
L’exemple le plus clair, explique notre interlocuteur qui n’a pas voulu citer son nom, c’est dans le même discours de Windhoek d’ailleurs où on voit le président Tshisekedi dire poliment non à la démarche de Joseph Kabila avec le Front Commun pour le Congo par rapport à la majorité au parlement. » Le président que je suis n’acceptera pas d’être président qui règne mais qui ne gouverne pas » a -t-il averti.
Une sorte de confrontation que prévoyait déjà l’avocat Jean-Claude Katende, le président de l’ASADHO.
Parlant de la stratégie du fait accompli qu’utilisait Joseph Kabila pour surprendre ses détracteurs, Jean- Claude Katende faisait remarquer dans ses « pages d’opinions libres » que c’est la même stratégie qu’utilise Joseph Kabila en tentant de forcer la main par rapport à la majorité parlementaire. Et d’avertir « Je ne sais pas, mais je suis sûr que si cela continue ainsi la confrontation sera inévitable ».
C’est donc un Félix Tshisekedi qui tente de reprendre la main sur la scène politique congolaise et internationale et visiblement, décidé à tourner la page des discours trop conciliants envers son ancien ami Martin Fayulu et/ou l’ancienne majorité présidentielle. Martin Fayulu, lui, peut se réjouir de continuer auprès de lui plusieurs congolais qui croient que la victoire lui a été volée.