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    Professeur à l’Institut Facultaire des sciences agronomiques de Yangambi,  Bily Bolakonga revient sur les atrocités du mouvement politico-militaire du Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD). Membre de la Dynamique des Professeurs et universitaires lanceurs d’alerte en République Démocratique du Congo, Bily Bolakonga plaide en faveur de l’exhumation du Rapport Mapping des Nations-Unies d’une part et, pour la création d’un Tribunal spécial pour juger les crimes perpétrés en RDC pendant la période de différentes guerres et particulièrement sous le RCD.

    Laprunellerdc.info vous propose ici l’intégralité de sa pensée. (Tribune)

    « Le 2 août 1998, fut un dimanche, jour du Seigneur ! Mais il fut  probablement le plus sombre et le plus souillé des dimanches de toute l’histoire de mon pays! J’étais alors en premier grade d’ingénieur agronome en Pédologie (sciences du sol) à l’Institut Facultaire des sciences Agronomiques de Yangambi (IFA-Yangambi).

    De bonne heure, alors que les chrétiens s’apprêtaient pour la messe, un groupe des plaisantins douteux et obscurs – qui se révéleront finalement d’un niveau de goinfrerie sanguinaire rarement égalé –  s’emparèrent de la ville de Goma, sous le couvert du RCD (Rassemblement des « Congolais » pour la « Démocratie »), pour une prétendue seconde « libération », prenant ainsi à rebrousse-poil, une frange importante de la population congolaise dont les plaies de la précédente guerre n’étaient pas encore totalement pansées.

    « Un génocide interminable et insidieux commença alors »

    C’était, pour la plupart, des transfuges de l’AFDL Frustrés? Aigris? Ou plutôt exécutants naïfs, conscients ou inconscients d’une furie criminelle à l’agenda géopolitique sournois et insatiable!

    Ce 2 août 1998 fut donc un jour extrêmement fâcheux et lugubre pour la RDC. Ce jour-là, débuta une longue marche destructrice, de détricotage, de déstructuration et de déconstruction de la RDC pour, finalement, la plonger dans le chaos! Un génocide interminable et insidieux commença alors.

    Lire aussi: 2 Août 1998-2 Août 2018: 20 ans du tristement célèbre RCD

    Dans ma ville, Kisangani, deux factions rebelles, téléguidées chacune par une puissance étrangère, s’offrirent même le funeste luxe de s’y affronter, y déversant plus de six milles obus,  tuant environ 760 personnes, en blessant plus de 1000 et endommageant gravement plus de 400 résidences privées, sans compter les autres édifices (écoles, hôpitaux, cathédrale, …).

    Par ailleurs, le décompte macabre, du reste non encore bouclé, s’enclencha et … continue malgré sa très faible médiatisation, les multiples tentatives d’étouffement de la vérité et l’indifférence coupable de ce que l’on convient d’appeler pudiquement « communauté internationale ».

    Du point de vue socioéconomique, les différents mouvements rebelles issus de cette mésaventure guerrière sont responsables, outre de nombreuses séquences de destruction du tissus économique déjà en lambeaux, de la ruine des infrastructures et de plus de cinq années d’impaiement des fonctionnaires de l’État dans les territoires sous leurs « administrations » plutôt « braconnières »!

    Aujourd’hui encore, les affres de cette pseudo-guerre sont ressenties et vécues dans une bonne partie de l’Est de la RDC (Ituri, Nord et Sud-Kivu, Tanganyika).

    « La RDC qui a vocation à jouer un grand rôle dans la sous-région, en Afrique et dans le monde a besoin d’une paix durable dont le socle ne peut qu’être la vérité historique »

    Ce 2 août 2020, en saluant la mémoire de millions des morts consécutifs à ces guerres déclenchées le 2 août 1998, je forme le vœu fervent que les exécutants de cette mécanique cruelle du sang, les auteurs des crimes contre l’humanité, du génocide, du dépeuplement et repeuplement des allochtones répondent de leurs cruautés déshumanisantes pour que plus jamais l’humanité ne connaisse de telles atrocités!

    Lire aussi: RDC: les caciques du RCD, commanditaires du massacre de Kasika doivent être arrêtés (Robert Njangala, Filimbi)

    A l’instar, du Prix Nobel de la Paix, Denis Mukwege, je plaide en faveur de l’exhumation du Rapport Mapping des Nations-Unies d’une part et, pour la création d’un Tribunal spécial pour juger les crimes perpétrés en RDC pendant la période de différentes guerres, d’autre part.

    Ceci permettra de panser les nombreuses plaies encore ouvertes, de préparer la réconciliation et de jeter les bases d’une entente sincère entre les peuples et les pays de la région des Grands-Lacs. La RDC qui a vocation à jouer un grand rôle dans la sous-région, en Afrique et dans le monde a besoin d’une paix durable dont le socle ne peut qu’être la vérité historique. Ceci serait le gage d’une nouvelle coopération économique régionale et le déclencheur du développement collectif, intégré et intégrateur ! »

    Professeur Bily Bolakonga

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