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    A l’approche des élections présidentielles en République Démocratique du Congo, la probable candidature du Dr Denis Mukwege à la magistrature suprême ne cesse d’alimenter de débat au sein des officines politiques au pays. Avant qu’il ne se prononce, en faveur des sollicitations lui adressées, le Prix Nobel fait déjà office d’un potentiel concurrent de premier plan du président Felix Tshisekedi.

    Il n’a jamais occupé de poste politique ni brigué le moindre mandat politique, pour le louper, mais le Dr Denis Mukwege paraît de plus en plus présidentiable. Cet acteur de la Société civile, dont la réputation a franchi les frontières de la RDC et de l’Afrique, depuis des décennies, ne devrait visuellement pas souffrir d’un quelconque complexe en face des vieux routiers de la classe politique congolaise. Au contraire, sa fraicheur, sa notoriété et sa crédibilité le place en pôle-position pour parer à l’éternel débat sur la candidature unique de l’opposition, dont il fera certainement partie s’il juge bon de compétir pour la présidence.

    Un candidat atypique, qui rassemble des probables adversaires ?

    Il n’a sûrement pas donné sa position officielle, quant à sa conversion vers le monde politique, mais la démarche du Prix Nobel de Paix dévoile indiscrètement une possibilité qu’il s’y joigne. Récemment, il a cosigné, avec Augustin Matata Ponyo et Martin Fayulu, une déclaration dénonçant quelques faits négatifs de la gestion du Président Felix Tshisekedi. Cette lettre, qui du reste ne peut être considérée comme une charte d’alliance politique, est aux yeux d’observateurs un indice de compatibilité et d’entente entre trois potentiels candidats Présidents de la République.

    Dans cela, il convient de constater le rôle central du Dr Denis Mukwege dans le rapprochement de deux anciens protagonistes, même si les rencontres ont débuté avant. Il y a un peu plus d’un quinquennat, aucun devin ne miserait sur une future alliance entre l’ancien premier ministre Matata Ponyo et son farouche opposant Fayulu. Avec à leur milieu comme échafaudage le profil du Prix Nobel de la Paix, ils semblent créer une architecture politique atypique qui risquera de servir de maquette à une future Union sacrée de l’opposition. Encore faut-il que les autres acteurs de la même tendance rejoignent la locomotive.

    Au milieu de ses pairs Denis Mukwege jouit d’une bonne dose de crédibilité, d’un profil quelque peu irréprochable et d’un parcours plutôt élogieux. Pour Fayulu, il est un ami des vieux temps, pour qui l’opposant serait naturellement prêt à toute concession. Quant à Matata, verrait-il de mal à miser sur le charisme du gynécologue ? Le sénateur élu du Maniema fait régulièrement l’objet de traque, de la part du pouvoir actuel, pour des faits qu’il aurait commis pendant qu’il était premier ministre. A tort ou à raison, ceci reste une épine dans la chaussure d’un futur candidat Président.

    Mukwege, second choix parfait pour tout le monde ?

    Si la probabilité d’une entente est perceptible à moyen terme, entre Denis Mukwege, Martin Fayulu et Matata Ponyo, le profil du fondateur de l’Hôpital de Panzi ne laisse insensible aucun acteur politique au pays. Tous, ou presque, étant passés à son antre de Panzi, saluent son leadership ainsi que son sens d’engagement en faveur des personnes sans défense, dont les survivantes des violences sexuelles. De ce fait, les ambitions présidentielles de certains compétiteurs ne risqueront-elles pas de se refroidir devant la candidature du Prix Nobel ? Il reste pour le moins impossible de sonder l’avenir, mais à défaut de se représenter, nombreux potentiels candidats n’auraient pas de reproche à l’égard de Denis Mukwege.

    S’il s’avère que tout politique ne croyant pas au système actuel prend Mukwege pour une alternative de renaissance, certains acteurs blessés par l’acharnement reproché à la gouvernance de Tshisekedi pourraient sans  surprise s’apprêter à accompagner la conversion du Prix Nobel ! En désaccord manifeste avec le président Felix Tshisekedi, les Moïse Katumbi, Frank Diongo, Jean-Marc Kabund…n’auraient aucun mal à joindre le camp Mukwege. Enfin, théoriquement en attendant les surprises à la congolaise !

    En commun choix facultatif, en cas d’unité de l’opposition, Mukwege pourrait sans ambages engranger plus de soutien pour affronter le chef de l’Etat actuel aux scrutins à venir, comme candidat unique.

    De certaines indiscrétions, l’on apprend déjà l’adhésion des cadres des partis de l’Union sacrée de Félix Tshisekedi à l’idéologie de Mukwege. Ce qui laisse transparaître l’éventualité de l’adhésion de certains leaders des partis politiques phares au camp Mukwege, qui jusqu’ici ne s’est pas formellement constitué.

    Soutenu par toutes les tendances de la Société civile

    Il n’y aurait peut-être jamais pensé, si ses pairs de la Société Civile n’en manifestaient pas le vœu. Le premier appel à la candidature du Dr. Denis Mukwege a été l’œuvre d’un groupe de professeurs et intellectuels venus des différents coins du pays. Ceux-ci ont, dans leur correspondance du 30 juin 2022, dit en avoir « assez d’être conduits par des parvenus ou des personnes qui, n’ayant rien réalisé dans leur propre parcours de vie, recherchent le pouvoir pour obtenir, par la corruption, le vol, la ruse et la violence, ce qu’elles n’ont pas réussi à avoir par le travail et par les études ».

    « Parvenu », Denis Mukwege n’en est pas un ! Au vu de son parcours tant académique que professionnel, il y a lieu de donner raison à cette frange de l’élite congolaise, qui a placé le cap sur sa personne. Dans cette dynamique, plusieurs structures citoyennes, tout comme nombreux indécis, ont clairement rallié la lutte de Mukwege.

    Le clan Felix Tshisekedi ne lui voudrait peut-être pas d’histoires

    Connus pour leur intolérance légendaire à l’encontre d’adversaires politiques, les partisans de l’UDPS prennent étonnamment du recul en face du lauréat du Prix Nobel de la paix 2018. Outre quelques attaques, mieux, taquineries non structurées, à travers les réseaux sociaux, les « chiens de garde » du clan Tshisekedi n’osent jamais se déchainer contre le Dr Denis Mukwege.

    Jules Munyere, l’un des rares caciques du parti présidentiel à avoir craché du venin sur la notoriété du Prix Nobel, s’est vite vu remonter les bretelles par des sorties médiatiques d’officiels et membres du gouvernement ; ce qui l’a poussé à s’excuser pour son dérapage. Mais à l’UDPS, on n’est jamais trop sûr de ce qui va suivre surtout quand on voit désormais l’agitation sur Twitter.

    En effet, Denis Mukwege est un acteur de la Société civile dont le président Félix Tshisekedi est fort admirateur, et ne cesse d’avouer le respect qu’il voue à son engagement. S’il reste inattendu qu’il lui ouvre un boulevard aux prochains scrutins, en s’effaçant en sa faveur, Tshisekedi pourrait supporter le Prix Nobel de la Paix comme successeur, mieux que tout autre challenger.

    A quelques mois de la tenue des élections générales, il reste difficile de placer des noms sur la stature des favoris de la dernière ligne droite, mais la montée en flèche de la côte de popularité du Dr. Denis Mukwege en fait un des acteurs les plus intéressants de cet exercice.

    John Achiza

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