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    La Fédération Internationale pour les Droits Humains (FIDH), la Ligue des droits humains et UNIS (Réseau Panafricain de Lutte contre la Corruption) se sont constituées parties civiles le 8 mai 2020, dans l’enquête pénale que la Belgique mène depuis 2017 dans le cadre du dossier Semlex, du nom de cette société qui a obtenu le contrat pour la fabrication des passeports de la République démocratique du Congo. 51 congolais se sont également constitués partie civile dans le cadre de la campagne «Le Congo n’est pas à vendre».

    « La justice belge a ouvert une enquête en 2017 et fait une perquisition au bureau de Semlex en Janvier 2018. Depuis lors, aucune nouvelle n’a été communiquée par le Parquet fédéral sur la progression de l’enquête.» explique  dans un communiqué Paul Nsapu, Vice Président de la FIDH, qui poursuit : « Par le dépôt de ces plaintes pénales avec l’appui d’ONG, les victimes congolaises deviennent enfin actrices de ce dossier emblématique. Elles pourront demander un accès au dossier et solliciter des devoirs d’enquêtes complémentaires. Loin d’avoir une simple portée symbolique, il s’agit d’une vraie plus-value, pouvant permettre d’aboutir enfin à la condamnation d’une entreprise suspectée d’offrir des pots de vin pour obtenir de juteux contrats, au détriment des citoyens congolais ».

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    La plateforme Le Congo n’est pas à vendre rappelle de son côté que cette enquête belge porterait sur des faits de corruption et de blanchiment d’argent. Elle rappelle qu’à 185 dollars, le passeport congolais est un des passeports les plus chers du monde. « Sur ce montant, 60 dollars sont réservés à une société écran dénommée LRPS qui serait détenue par un membre de la famille de l’ex-Président Joseph Kabila (…). Selon l’agence de presse Reuters, 700 000 dollars auraient été versés par des sociétés proches de Semlex, sur des comptes d’Emmanuel Adrupiako, l’assistant financier de Joseph Kabila, et ce dans les moins suivants la signature du contrat en 2015 ».

    « Nous espérons que la justice belge pourra lever le voile sur ces 60 dollars alloués à une société écran aux propriétaires réels suspects », dénonce Jean Jacques Lumumba, lanceur d’alerte et cofondateur de UNIS, une organisation spécialisée dans la lutte contre la corruption. Il ajoute : « Le montant de 60 $US correspond au salaire moyen d’un fonctionnaire congolais. Cet argent aurait dû rester dans la poche des acheteurs de passeports ! »

    « Ce sont nous, les citoyens congolais, qui payons le prix de ces négociations secrètes au sommet de l’Etat.» explique Fred Bauma, un des citoyen congolais qui s’est constitué partie civile.

    Les citoyens congolais ont fait leurs calculs. Avec 600.000 passeports vendus depuis l’entrée en vigueur du contrat Semlex, la société LRPS a empoché 36 millions de dollars.

    Appel à Félix Tshisekedi

    « Le président Tshisekedi avait promis pendant la campagne qu’il reverrait à la baisse le prix du passeport. Nous y tenons. Or, jusque-là, nous attendons toujours.» explique de son côté Floribert Anzuluni, coordinateur du mouvement citoyen Filimbi dont plusieurs membres se trouvent sur la liste des parties civiles.

    La plateforme ajoute encore : Semlex a qualifié les allégations de “dénigrement calomnieux” et dit que le contrat est
    bénéfique pour le pays car “les infrastructures locales sont données gratuitement au pays concerné.” Si tel est le cas, le Congo devrait être à même de personnaliser ses passeports de manière autonome à la fin du contrat, qui arrive à expiration dans moins d’un mois, le 10 juin 2020.

    Toutefois, de nombreux médias congolais et internationaux rapportent que des négociations auraient lieu pour le renouveler. A l’instar du contrat initial négocié discrètement à Dubaï et Kinshasa en 2014-2015, tout ceci se passerait sans appel d’offre, en violation de la loi sur la passation des marchés publics.

    Le Congo n’est pas à vendre demande de ne pas renouveler le contrat en vigueur et de faire un appel d’offre transparent pour l’octroi de ce marché. « Seul un appel d’offre compétitif permettra d’arriver à un prix raisonnable pour notre passeport.» spécifie Florimond Muteba de l’Observatoire de la Dépense Publique, en ajoutant que « c’est aussi une condition essentielle pour restaurer quelque peu la confiance des citoyens congolais envers leurs dirigeants. »

    Lire aussi Fourniture du passeport biométrique: Une reconduction du contrat de Semlex est-elle envisageable ?

    Le Congo n’est pas à vendre demande au Président de la République ainsi qu’au Ministère des Affaires Étrangères de la RDC de confirmer que le contrat ne sera pas renouvelé et de publier sans délais les informations sur la procédure de passation de marché. Par ailleurs, nous demandons à la justice congolaise d’ouvrir une enquête pour corruption, abus de pouvoir ou autres délits envers les personnes impliquées dans les négociations du contrat de 2015.

    De manière plus générale, le Comité des Droits Économiques, Sociaux et Culturels de l’ONU a observé en mars de cette année qu’il manque en Belgique « un système de plainte efficace (…) pour les victimes de violations de droits humains commises par les entreprises» . De même, l’Organisation de Coopération et de Développement Économique s’inquiète depuis des années du manque flagrant de ressources allouées par la Belgique au système judiciaire pour le traitement de dossiers liés à la corruption d’agents publics étrangers.

    Ainsi, « si les pratiques de corruption à l’étranger sont punissables selon la loi belge depuis plus d’une décennie, aucune entreprise belge ne s’est vue condamnée à notre connaissance jusqu’à ce jour», remarque Olivia Venet, Présidente de la Ligue des droits humains (Belgique), ajoutant : « Vue la gravité des suspicions autour du contrat de Semlex, il est important de mettre fin à cette impression d’impunité et de pousser le dossier jusqu’au bout.»

    Avec Lalibre Afrique

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