Dans une lettre adressée, le mardi 19 mai 2020, au Gouverneur de la province du Kasaï Oriental (Centre de la RD Congo), Monsieur Jean Maweja Muteba, Journaliste en Danger (JED) a attiré l’attention de l’autorité provinciale, en sa qualité de garant des droits et libertés publiques dans cette province, sur la multiplication, depuis quelques semaines, des cas d’attaques et des violences contre les journalistes œuvrant à Mbuji-Mayi, chef-lieu de la province du Kasaï Oriental (Centre de la RD Congo).
Dans cette correspondance, JED a surtout voulu solliciter son implication personnelle pour faire baisser la tension et favoriser un meilleur climat de travail pour les journalistes, victimes de plusieurs abus de pouvoir.
En effet, selon des informations recoupées par JED, en l’espace d’une semaine, plusieurs journalistes de Mbuji-Mayi ont été victimes des menaces, d’agressions physiques ou d’interpellations plus ou moins arbitraires, constitutives des atteintes à la liberté de l’information. Dans sa lettre au gouverneur, JED relève les cas de :
1. Faustin Mbiya, directeur de la Radio Fondation Daniel Madimba (FDM)qui a été détenu pendant quatre jours successivement au commissariat provincial de la police nationale congolaise et au parquet général de Mbuji Mayi pour des motifs qui variaient selon les instructeurs de son dossier. Il a recouvré sa liberté le 13 mai 2020, après paiement d’une caution de 300.000 Francs congolais.
Faustin Mbiya a été arrêté, le samedi 9 mai 2020, au poste de péage du pont Lubilanji par un groupe de policiers alors qu’il venait de réaliser une émission à la cité de Tshilenge. Il a été conduit au Commissariat provincial de la police où il a été accusé de ne pas « respecter les mesures barrières prises dans le cadre de la lutte contre la Covid-19 ». Selon la police, le journaliste s’est fait transporter avec deux autres passagers sur une même moto. Le deuxième jour de sa détention, l’instructeur de son dossier a changé de version, en révélant au journaliste qu’il était poursuivi pour « outrage à l’autorité provinciale ».
Le lendemain, le journaliste a été informé par la même personne que l’infraction mise à sa charge était plutôt la « propagation des faux bruits », notamment au cours de son émission intitulée « Rapport parlementaire », où le journaliste a dénoncé l’agression dont ont été l’objet, la veille de son interpellation, deux journalistes de son média.
Faustin Mbiya a été acheminé, le mardi 12 mai 2020, au parquet général de Mbuji Mayi où il a été poursuivi pour « Atteinte à la sureté de l’Etat ». Au parquet, le journaliste a été entendu sur procès verbal autour de la diffusion de son émission.
Contacté par JED, Faustin Mbiya a déclaré : « Quand j’étais en détention au quartier général de la police, un Colonel m’a révélé que le plaignant c’est le Gouverneur de province. C’est lui donc qui m’a mis dans cette situation. Je ne comprends plus rien du tout. Le motif de ma détention change du jour au jour ».
2. Serge Kayeya et Jean Baptiste, journalistes-reporters à la Radio Fondation Daniel Madimba ont été agressés et battus par des agents de la Direction Générale des Recettes commis au péage du pont Lubilanji et qui se présentaient comme des proches Gouverneur. Leur matériel de travail a été confisqué et endommagé. Ces deux journalistes ont été accusés de travailler dans un média hostile au Gouverneur.
Pour avoir dénoncé cette agression, Christine Tshibuyi, journaliste à actualité.cd, un média en ligne basé à Kinshasa, a échappé, la nuit du samedi 9 mai 2020, à un enlèvement. La journaliste a été prise en filature vers 23 heures par quatre hommes armés, et en tenue militaire. Ses poursuivants, après l’avoir rattrapée, lui ont proféré des menaces en l’accusant de “manquer du respect à leur chef ” sans préciser exactement l’objet de leur grief contre la journaliste. Le même jour, la cellule de communication du Cabinet du Gouverneur de Kasai oriental, avait publié un communiqué mettant en cause la journaliste Christine Tshibuyi pour son article dénonçant l’agression de ces deux journalistes.
« En tenant compte de ces exemples ci-dessus qui constituent des atteintes à la liberté de l’information, Journaliste en danger (JED) sollicite votre implication personnelle pour faire cesser cette escalade qui risque de porter atteinte à votre propre image et à celle de votre province en matière des droits de l’homme en général, et de la liberté de la presse en particulier », a conclu JED dans sa lettre dont copies ont été réservées, notamment, au Vice-Premier ministre, Ministre de l’Intérieur, et au Ministre de la Communication et Médias.