Accès Humanitaire

    Nabuchi Mwa Mushimira Spéciose est une septuagénaire et veuve de son état vivant à Kamakombe, groupement de Bugorhe, en territoire de Kabare, au Sud-Kivu.

    Cette « Muluzinyere » (Princesse en langue locale) a participé à un des ateliers organisés par La Prunelle RDC asbl, sur la problématique d’accès à la terre des femmes pygmées de Kabare avec l’appui financier de Land is Life.

    Lire aussi: Kabare: dans un atelier organisé par La Prunelle Asbl, des femmes pygmées demandent au Gouvernement de leur doter des terres

    C’est dans ces assises que Nabuchi se fait remarquer par ses interventions très pertinentes et impressionnantes.

    Alors qu’on analyse la problématique d’accès à la terre des femmes des Peuples Autochtones depuis qu’on a chassé les pygmées du PNKB, Nabuchi partage son expérience à l’assistance. Elle se rappelle amèrement de la triste scène, survenue selon elle lors de la guerre de Jean Scrhamme soit en 1968.

    C’aura été donc le début du calvaire des peuples autochtones du territoire de Kabare et Kalehe.

    Ça fait donc plusieurs dizaines d’années que des milliers des familles des premiers habitants du Congo avalent des poires d’angoisse. Ceux-ci se sont éparpillés et ont pris refuge dans des villages environnants le Parc National de Kahuzi Biega (PNKB). D’autres sont allés très loin jusqu’à se retrouver sur l’île d’Idjwi. Là, ils en ont vu des vertes et des pas mûres.

    Speciose Nabuchi s’est, elle avec sa famille, réfugiée à Kamakombe et c’est là qu’elle vit jusqu’à ce jour.

    « Nous avons quitté le Parc National de Kahuzi Biega à l’époque de la guerre de Jean Scrhamme. J’avais à peu près 20 ans à l’époque. Quand on a quitté la forêt, on nous avait menti que c’était pour notre bien mais depuis lors, l’histoire a changé et le monde nous a tourné la face. Quelques temps après, mon mari est mort parce qu’il ne pouvait supporter le changement de climat », dit-elle à LaprunelleRDC.info.

    Visiblement lassée de parler de cette même question depuis plus de 50 ans maintenant, Nabuchi rappelle qu’elle a été jusqu’à Kinshasa, Kigali ou encore Bujumbura pour parler de l’accès à la terre des peuples autochtones.

    Vieille d’âge, la Muluzinyere a quand même encore bon pied, bon œil. On peut donc compter sur elle. Nabuchi se rappelle bien des engagements des autorités depuis tout ce temps.

    Elle regrette cependant que jamais l’Etat n’ait été de bonne foi. Elle pense même que l’Etat congolais n’aime pas les pygmées.

    Selon elle, il est plus facile de trouver des terres pour des réfugiés étrangers venus en RDC que pour des pygmées qu’on a abusivement chasser de leur « paradis terrestre », la forêt.

    Oui, Nabuchi a bien vécu tous ces évènements. Bien qu’elle ait trouvé un endroit où elle vit avec ses deux enfants, devenus aussi grands parents, cette combattante de première heure pour les droits des PA, dit ici qu’elle ne peut être enterrée à Kamakombe.

    Pour elle, une personne sans terre est une personne sans aucune dignité. Sans valeur et sur qui n’importe qui peut cracher. « La terre c’est la vie », a-t-elle renchéri.

    « omuntu buzir’obudaka eli nshahu. Obudaka ko kalamu » dit-elle en mashi, la langue locale.

    Et de poursuivre :

    « Je suis aujourd’hui à Kamakombe, j’y vis depuis un demi-siècle maintenant mais je ne peux y être enterrée. Comme mon mari, le jour de ma mort, on devra aller m’enterrer d’où nous sommes venus. Voyez-vous ce que cela nous coûte ? », regrette la puissante Nabuchi.

    Quoi qu’il en soit, Nabuchi pense tout de même que c’est possible de faire mieux et épargner ses petits et arrières petits-fils et petites-filles de ce que, eux ont vécu. Il est question seulement de volonté politique.

    La situation de Nabuchi est bien le reflet de ce que vivent quotidiennement les femmes PA de Kabare et d’ailleurs. Autant elles ont un problème de terre, autant elles en ont en ce qui concerne l’eau potable, la santé ou encore l’éducation. 

    Rappelons que le PNKB est un sanctuaire des derniers gorilles des plaines de l’Est. Il s’étend sur 6000km2 dont une bonne partie échappe à la direction du parc et sert de refuge à des activités illégales de certains groupes armés, exploitation du charbon de bois, l’exploitation illicite des minerais …

    Depuis 2018, un conflit ouvert oppose les responsables de ce patrimoine mondial aux leaders pygmées qui affirment avoir été spoliés de leurs terres ancestrales dans les années 1970 lors de l’extension du Parc.

    Lire aussi: Kabare : « des terres pour les peuples autochtones sont disponibles, il suffit juste de suivre toutes les procédures pour les obtenir » (Chef de Groupement de Bugorhe)

    Depuis, des accords ont plusieurs fois été signés entre les autorités étatiques, celles du PNKB et les délégués des pygmées mais jusque-là, la solution peine à être trouvée.

    Judith Maroy 

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