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    Qui aurait pu le croire il y a quelques années ! Autrefois très critiques lors des nominations des personnes alors impliquées dans les guerres en République Démocratique du Congo, les ambassadeurs et autres diplomates occidentaux et spécialement Européens ferment désormais les yeux. Ils ont même donné leur bénédiction à l’ex rebelle Tommy Tambwe, le Coordonnateur National du Programme de Démobilisation, Désarmement Relèvement Communautaire et Stabilisation (P-DDRC-S) nommé par Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, le Président de la RDC alors que la phrase « justice transitionnelle » continue à ressortir dans leurs déclarations.

    En effet, les parties prenantes au dialogue politique entre la République Démocratique du Congo et l’Union Européenne tenu à Kinshasa le 30 septembre 2021 disent saluer les premières étapes vers une stratégie nationale de justice transitionnelle. Par ailleurs, l’Union européenne annonce qu’elle renouvelle son engagement à l’accompagner en coordination avec les autres parties prenantes, notamment la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH) et le Bureau Conjoint des Nations Unies pour les Droits de l’Homme (BCNUDH).

    Dans un communiqué sanctionnant la fin de ces travaux, les parties insistent sur le caractère fondamental que constitue le respect de l’Etat de droit, la bonne administration de la justice et le renforcement de la lutte contre l’impunité, en particulier, à l’égard des auteurs des violations et atteintes aux droits humains. Elles déplorent qu’en dépit des efforts du Gouvernement congolais, des cas de violations et d’atteintes aux droits et libertés persistent. Elles s’engagent à coopérer en vue de leur éradication et réaffirment leur engagement mutuel à poursuivre et à accompagner les réformes nécessaires dans le secteur de la justice.

    Contradiction?

    C’est une image qui a parlé, elle était forte et avait tout son sens. Les ambassadeurs de l’Union Européenne ont rencontré Tommy Tambwe, le très controversé chef du Programme de Démobilisation, Désarmement Relèvement Communautaire et Stabilisation (P-DDRC-S).

    C’est Jean-Marc Châtaigner qui l’annonçait avec fierté sur son compte Twitter, il y a quelques semaines.

    « Rencontre des ambassadeurs de l’Union européenne avec Tommy Tambwe, nouveau coordonnateur national du Programme de Démobilisation, Désarmement, Relèvement Communautaire et Stabilisation DDRCS et ses deux adjoints. Un DDRCS réussi est un élément clé du retour à la paix en RDC », dit-il le 2 septembre dernier.

    L’ambassadeur de l’Union Européenne en RDC expliquait également que cette rencontre a permis d’échanger sur les priorités de travail de la nouvelle cellule de coordination du programme DDCRS et la conduite des consultations à venir avec toutes les parties prenantes concernées (gouvernements régionaux, forces sécurité, autorités coutumières…).

    Il poursuivait que la réussite du DDCRS reposera nécessairement sur l’adhésion de la population à sa mise en œuvre, l’engagement politique au plus haut niveau des autorités nationales, la confiance et le soutien des partenaires internationaux de la RDC. Plusieurs éléments sont à prendre en compte.

    Toujours sur Twitter, l’ambassadeur de l’UE rappelait que les communautés doivent rester au centre de la stratégie.

    « Elles doivent être consultées et bénéficier du programme pour éviter que celui-ci soit vu comme une prime à la prise d’armes. Nous appuyons le principe énoncé par la cellule de coordination d’une approche décentralisée ».

    Justice transitionnelle avec les rebelles

    Comme pour se donner une conscience tranquille, l’ambassadeur Jean-Marc Châtaigner propose également sur Twitter qu’il puisse y avoir une stratégie de justice transitionnelle.

    « Pour l’UE, il est important que le DDCRS intègre un fort lien avec la stratégie de justice transitionnelle en préparation au ministère de la justice (et qu’en particulier, il n’y ait pas d’amnistie des auteurs de crimes graves ou d’intégration automatique dans l’armée) », écrit-il, annonçant la poursuite de leur dialogue dans les prochaines semaines avec la cellule de coordination nationale DDRCS, les autorités et les autres bailleurs bilatéraux & multilatéraux (notamment MONUSCO et Banque Mondiale) pour, dit-il, « apporter notre pierre au succès indispensable de ce programme ».

    Les sapeurs-pompiers ?

    Cette rencontre avec Tommy Tambwe a suscité un véritable tollé chez les acteurs sociaux et politiques des provinces du Kivu et d’ailleurs.

    La principale question chez les acteurs sociaux du Sud-Kivu est d’ailleurs est celle de savoir : Comment peut-on demander à un « criminel » présumé d’intégrer la justice transitionnelle dans sa stratégie ?

    C’est ce que d’ailleurs demande le député provincial Homer Bukakali qui ne tarde pas de répondre aux tweets de l’ambassadeur Européens.

    « À lire ce tweet d’un homme comme Jean-Marc Châtaignier, on va dans le sens de confirmer que l’Union européenne est dans le cœur d’un complot contre la RDC depuis le début des guerres de 1996. Comment peut-on comprendre que l’UE entrevoit la paix par l’auteur de la guerre ? Ce n’est pas un hasard si un homme comme Monsieur Châtaigner peut insulter ainsi le peuple congolais qui a subi autant d’outrages de la part de ses bourreaux. Il semble que l’UE ait participé de loin à ce génocide qu’on veut taire, sinon pourquoi il soutiendrait ainsi un génocidaire ? » écrit-il dans plusieurs tweets en réponse à l’ambassadeur de l’UE.

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    Le vieux continent a pourtant dépensé des milliards d’euros des contribuables européens dans des programmes dits de stabilisation en RDC, mais comme le reste de la communauté internationale, elle continue de commettre les mêmes erreurs politiques. Les mêmes causes produisent les mêmes effets », rappelle un activiste.

    Cette attitude de l’Union Européenne n’étonne pas du tout certains avertis. En République Démocratique du Congo, les ambassadeurs et autres diplomates occidentaux ne savent visiblement plus être exigeant par rapport au principe de respect des droits de l’homme sous le régime Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo. Tout est visiblement fait pour accorder la « bénédiction » à toute action faite par le nouvel homme de Kinshasa, même s’il faut légitimer les anciens Seigneurs de guerre congolais auteurs de plusieurs drames au pays.

    Pour un commentaire de la situation politique du pays, aussi longtemps que des anciens rebelles auront la bénédiction de Kigali et des lobbies, ils recevront toujours et encore le soutien des diplomates occidentaux, habitués à jouer le double jeu. La réalpolitique, les intérêts de leurs Etats valent certainement mieux et beaucoup que des millions des vies fauchées au pays ! C’est une leçon de vie !

    Jean-Luc M.

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