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    Les deux décisions prises récemment par Daniel Aselo, Vice-Premier Ministre de l’intérieur, sécurité, décentralisation et affaires coutumières, notamment celle interdisant la convocation d’une session extraordinaire à l’Assemblée provinciale du Sud-Kivu, et l’organisation des manifestations publiques en province, ne cessent de susciter des réactions dans l’opinion tant nationale que provinciale.

    Si ce sont les acteurs politiques qui ont été beaucoup plus à la première ligne pour dénoncer une « ingérence » de trop dans la gestion de la province, cette fois c’est une organisation de défense des droits humains qui, dans une correspondance adressée au Premier ministre, Chef du gouvernement, se dit « choquée » par ces décisions de Daniel Aselo.

    Dans cette lettre signée ce vendredi 4 février 2022, le Partenariat pour la Protection Intégrée (PPI) estime que cette ingérence rappelle la témérité du pouvoir de l’ancien président Joseph Kabila, caractérisé dans le temps par la répression et l’interdiction des manifestations, voire la suspension des activités parlementaires, comme mode de gestion, pour se maintenir au pouvoir.

    PPI dénonce ces décisions « impopulaire », qui selon lui, violent les textes et lois du pays. Pour cette organisation, accepter une telle décision est un « génocide » contre l’ouverture de l’espace civique.

    «Suspendre aujourd’hui les manifestations publiques au Sud-Kivu, c’est une dérive autoritaire de haute facture et une violation grave de l’article 26 de la constitution de 2006 telle que modifiée et complétée en 2011, mais également un sacrilège à la loi de 2015 sur les manifestations publiques en RDC. Accepter une telle décision impopulaire et prise sans aucune raison qui peut la justifier, c’est un acte de génocide contre l’ouverture de l’espace civique, socle de la démocratie pour laquelle le pays aspirait déjà petit à petit. Le régime Kabila avait choisi la répression et l’interdiction des manifestations, voir la suspension des activités parlementaires comme mode de gestion pour se maintenir au pouvoir. Malgré la témérité du pouvoir de Kabila, le peuple a fini par le défier, et a cédé le pouvoir, car ayant constaté que malgré le fait de tirer à bout portant sur les manifestants, certains tombaient sur le champ d’honneur mais d’autres résistaient toujours et ils ne faisaient qu’avancer, car étant déjà lassés par sa gouvernance et ses décisions qui ne tenaient plus compte tenu de leurs intérêts. Attention donc avec la colère du peuple car aucun pouvoir n’y résiste ! » écrit le PPI.

    Une ligne rouge qui ne devait pas être franchie

    Pour cette structure, interdire aux députés qui sont l’émanation du peuple, de se rassembler en plénière, pour des « petits intérêts », c’est franchir une ligne rouge qui ne mérite pas d’être franchie.

    «Pire encore, interdire aux députés provinciaux du Sud-Kivu, qui sont l’émanation du peuple et non le fruit d’une simple nomination, de siéger, est un dépassement des limites et des lignes rouges qui ne méritent pas d’être franchies, quel que soit le pouvoir dont on peut s’estimer détenir, car ce même pouvoir ne peut avoir un sens si le peuple s’y oppose,» rappelle-t-elle.

    PPI plaide auprès du Premier ministre d’enjoindre au Ministre de l’Intérieur de retirer sa décision suspendant toute manifestation publique au Sud-Kivu, mais également de revenir sur sa lettre suspendant la tenue des plénières à l’Assemblée provinciale.

    Dans cette lettre, l’organisation demande à Sama Lukonde d’interpeller son Ministre pour qu’il évite de créer le « chaos » au sein des provinces, et au Sud-Kivu en particulier, en voulant jouer au sapeur-pompier, étant donné que le peuple souffre « énormément de son ingérence » dans les attributions des provinces, « suite à ses lettres et ses télégrammes incessants rappelant à tout moment les autorités à Kinshasa ».

    Pa railleurs, PPI demande aux organisations de défense des droits humains de la RDC et à la Société Civile en général, de se lever comme un seul homme, pour dire « Non » à cette « dictature », au cas où le Premier ministre ne serait pas sensible à ce plaidoyer.

    Pour rappel, par ses correspondances 26 février dernier, le Vice-Premier ministre de l’intérieur, sécurité, décentralisation et affaires coutumières a interdit toute manifestation sur toute l’étendue de la province du Sud-Kivu et toute tenue d’une plénière à l’assemblée provinciale jusqu’à nouvel ordre.

    Dans ces deux lettres adressées au Chef de l’exécutif du Sud-Kivu et au Président de l’Assemblée provinciale, celui-ci explique que la province est dans une « situation d’insécurité », et l’autorité provinciale devrait user de ses prérogatives pour interdire toute sorte de manifestation, afin d’assurer une bonne sécurité de la population. Une mesure décriée par les forces vives du Sud-Kivu, qui accusent le Ministre de vouloir protéger le Gouverneur, dont plusieurs forces politiques et sociales n’ont cessé d’appeler à démissionner.

    Bertin Bulonza

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