Accès Humanitaire

    Septembre 1999-Septembre 2021, cela fait exactement 22 ans jour pour jour depuis que l’Hôpital General de Référence de Panzi, basé à Bukavu au Sud-Kivu, a été créé. Alors que l’objectif était de construire un centre pour la prise en charge des malades ambulants, tout a vite évolué, poussant ainsi les gestionnaires à accélérer les travaux de construction d’un hôpital General pour contenir l’afflux des malades qui venaient se faire soigner. A l’occasion des 22 ans d’existence de cet hôpital conduit par le Prix Nobel de la Paix 2018, Dr Denis Mukwege, le Médecin chef de Staff de l’hôpital de Panzi, Docteur Nfundiko Kaguku Antoine, revient ici sur les premiers jours d’une structure sanitaire construite pendant la guerre qui secouait la province du Sud-Kivu, et qui a poussé́ plusieurs personnes à ne pas croire en sa matérialisation. (Interview)

    Laprunellerdc.info : Dr Nfundiko, bonjour ! 22 ans après, quels souvenirs avez-vous des premiers jours de l’hôpital de Panzi ?

    Dr Nfundiko : Bonjour monsieur le journaliste ! Mes souvenirs sont encore bien frais dans ma tête. C’est comme si c’était hier qu’on commençait cet Hôpital. Quand on se souvient qu’on a pris l’initiative pendant la guerre et tout le monde pensait que c’était juste un rêve irréalisable de construire un hôpital pendant la guerre. Mais aujourd’hui quand nous voyons les bâtiments qui sont là, quand nous voyons le personnel, voire même comment Panzi a été́ transformé par cet hôpital, on ne peut qu’être satisfait. C’est donc sous un signe de satisfaction que nous célébrons ces 22 ans. A l’époque à Panzi on ne pouvait pas avoir où acheter même une boite de lait, mais aujourd’hui nous avons des écoles à Panzi, magasins et des maisons bien construites. Panzi était un champ de maniocs et de maïs. On ne peut pas manquer de reconnaitre que c’est grâce à l’hôpital de Panzi que ce changement est vécu aujourd’hui.

    Laprunellerdc.info : l’hôpital de Panzi s’est vite fait connaitre au monde par sa spécialité dans la prise en charge des cas de violences sexuelles. Est-ce qu’on peut dire que 22 ans après vos plus grandes réalisations n’ont consisté qu’à la prise en charge des cas de violences sexuelles ?

    Dr Nfundiko : Nous avons développé l’option des victimes des violences sexuelles parce que ça n’existait pas. Mais je pense que l’intellectuel est celui-là qui se demande quel est le problème qui surgi dans sa communauté et comment y remédier. Et donc nous nous avons vu qu’il y avait des violences orientées vers la femme dans le contexte des conflits et aujourd’hui l’hôpital de Panzi c’est une référence dans la prise des cas de violences sexuelles. Mais c’est d’abord un Hôpital Général de référence avec tous les autres services. Nous avons des pédiatres, des internistes, des laborantins et autres.

    Aujourd’hui nous sommes un des centres de prise en charge  de Covid-19, c’est pour vous dire que nous avons tous les autres services organisés pour une prise en charge globale des  patients. Les gens ne doivent pas avoir une idée péjorative quant à la prise en charge des patients à l’hôpital de Panzi en pensant qu’on ne prend en charge que les cas de violences sexuelles.

    Laprunellerdc.info : s’il faut parler des statistiques, combien de personnes bénéficient des services de l’hôpital de Panzi annuellement ?

    Dr Nfundiko : Souvent en soins de santé primaires on se focalise sur certains indicateurs. Nous avons une maternité qui accouche par mois au tour de 350 femmes. Ce qui fait un nombre qui va au-delà de 3 500 accouchements par an. Nous avons un bloc opératoire qui fait la même chose avec plus de 4 000 interventions. Avec le service de planning familial, nous avons jusqu’à 95% des femmes et 25% d’hommes qui viennent pour des consultations.

    Malheureusement les hommes viennent peu, mais je pense que nous sommes le seul hôpital où les hommes viennent consulter pour limiter la naissance. Nous avons une unité de dialyse qui prend en charge les malades avec insuffisance rénale. Aujourd’hui nous avons au-delà de 10 000 consultations externes par an. Et donc moi je peux dire que la santé de l’hôpital est une bonne santé.

    des habitants du quartier Panzi ne veulent du chef de quartier adjoint de Mushununu
    Vue sur l’Hôpital de Panzi

    Laprunellerdc.info : l’hôpital de Panzi est parfois perçu comme un hôpital à une tarification exorbitante malgré les appuis dont il bénéficie des partenaires. Qu’en pensez-vous ?

    Dr Nfundiko : Je penses que nous avons un problème de sécurité sociale dans notre pays. Dans aucun pays où quelqu’un doit se prendre en charge pour avoir des soins de qualité, si ce n’est qu’ici chez nous. Il y a aussi des affirmations gratuites que les gens font. Je vous informe qu’il y a une mission qui a été faite récemment dans tous les trois Grands Hôpitaux de la ville de Bukavu, et il a été démontré que c’est l’hôpital de Panzi qui a la tarification la moins cher. Vous pouvez vous rapprocher des différents services de santé de l’hôpital, à la comptabilité et la facturation, vous comparez avec les autres hôpitaux de la province. Vous verrez que ce qui se  dit dans les rues, c’est de la mauvaise foi tout simplement.

    Nous avons seulement de la malchance que l’hôpital soit implanté dans une banlieue où  les gens sont démunis. Nous nous battons avec le peu de moyens que nous avons avec nos partenaires. Quand nous avons un financement nous l’utilisons pour la catégorie de personnes  bénéficiaires pour laquelle on a cherché ce financement. Nous sommes un hôpital avec une vision d’évangélisation et nous tenons compte de ca dans la réalisation des services. L’objectif premier pour nous n’est pas de se faire de l’argent mais soulager la misère de la population.

    Aujourd’hui nous avons les enfants mal nourris qui sont pris en charge gratuitement, les personnes vivants avec le VIH qui sont prises en charge parce qu’il y a un financement. Il y a aussi la maternité sans risque qui prend la moitié des frais d’accouchement grâce à un financement. Et autant  d’autres. Donc les partenaires viennent appuyer un service ou bien une activité mais le reste des services non appuyés sont pris en charge par les patients.

    Laprunellerdc.info : Dans tout ce que vous faites, est ce que vous bénéficiez d’un appui du Gouvernement Congolais ?

    Dr Nfundiko : Quand on parle de l’appui du Gouvernement, je pense que le fait que le gouvernement nous autorise de travailler c’est déjà un appui. C’est vrai que quelque fois des actions se font mais on ne peut pas dire que ce sont des actions suffisantes pour dire que nous sommes appuyés. C’est vraiment des petites actions.

    Laprunellerdc.info: Et qu’est-ce qui devrait être fait, selon vous ?

    Dr Nfundiko : Nous devons voir la main du gouvernement dans la prise en charge, pas seulement des pandémies, mais de toutes les maladies. Nous avons beaucoup d’indigents à l’hôpital. Beaucoup des personnes qui viennent des villages et qui ne sont pas en mesure de payer. Ce n’est pas à l’hôpital de porter seul ce fardeau là.

    Propos recueillis par Bertin Bulonza

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