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    Il n’y a toujours « pas d’effet positif visible, » après cinq mois d’état de siège dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri. C’est ce qu’indique un nouveau rapport du Baromètre sécuritaire du Kivu (KST), rendu public dimanche.

    Selon ce rapport, 198 personnes ont été tués dans ces deux personnes au cours du mos de septembre. 155 ont été enlevés, alors que 91 affrontements entre groupes armés et armée-groupes armés ont été enregistrés.

    Les violences sont reparties nettement à la hausse en septembre, après leur baisse notable du mois d’août.

    «L’Ituri a été la province la plus touchée par ces violences, qui engendrent d’importants déplacements de populations. Sur le territoire d’Irumu, le nombre de civils tués a atteint un record depuis avril. Le massacre de Makutano (30 civils tués le 3 septembre), perpétré par les Forces démocratiques alliées (ADF), est notamment le plus sanglant depuis ceux de Boga et Tchabi dans la nuit du 30 au 31 mai 2021. Dans le “petit nord” du Nord-Kivu, la relative accalmie des mois précédents, permise par une stratégie diplomatique des autorités militaires, semble s’essouffler : le nombre de reddition est en baisse et les violences sont reparties à la hausse,» déplore ce rapport.

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    Ces données du mois de septembre ont permis de compléter le bilan du troisième trimestre 2021 (juillet, août et septembre). Selon KST, la comparaison avec le trimestre précédent ne permet pas de conclure à une efficacité de l’état de siège, instauré le 6 mai, dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri. Le nombre de civils tués y est resté remarquablement stable (546 tués au troisième trimestre, contre 566 au deuxième) de même que le nombre d’enlèvements (280 contre 273).

    Selon ce rapport, le nombre d’affrontements a assez nettement baissé (168 contre 207), notamment du fait d’une moindre activité des FARDC. Le seul type de violence pour lesquels le Nord-Kivu et l’Ituri suivent une trajectoire plus favorable est celui des kidnappings contre rançon, en baisse assez nette dans la zone sous état de siège (67 contre 96).

    Pourquoi le président tient-il tant à cette mesure ?

    Malgré cette faiblesse des résultats de l’état de siège, Pierre Boisselet, Coordonnateur du Baromètre sécuritaire du Kivu, explique que le président Tshisekedi ne montre aucun signe de remettre en cause sa décision. Lors de l’Assemblée générale de l’ONU, à New-York, le 21 septembre, il a même dit qu’il ne lèverait l’état de siège que lorsque « les circonstances qui l’ont motivé disparaîtront », à savoir la fin des atrrocités.

    Selon lui, ce discours est très différent de celui de l’instauration de l’état de siège, qui prévoyait une période courte, d’un mois à l’origine. «Ce changement pourrait inscrire le pays dans un piège : celui d’une mesure inefficace, mais malgré tout maintenue indéfiniment,» déplore-t-il.

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    Alors, pourquoi le président tient-il tant à cette mesure ? Selon Pierre Boisselet, il y a d’abord une question de crédit politique : «revenir en arrière, alors que les tueries se poursuivent manifestement, serait un aveu d’échec difficile à assumer devant l’opinion,» explique-t-il.

    Ensuite, en dépit d’une défiance croissante dans l’Est, la mesure demeure populaire au plan national : «63% des Congolais interrogés lors d’un sondage en septembre jugeaient que c’était une bonne chose. D’un point de vue strictement politicien, cette mesure présente des avantages : elle donne l’impression d’une action sur le problème, quand bien même aucun effort réel ne serait consenti,» affirme cet Expert.

    En plus, explique Pierre Boisselet, de manière plus pernicieuse, les militaires qui ont obtenu, grâce à cette mesure, des postes et l’accès à des ressources, n’ont pas d’intérêt personnel à ce qu’elle prenne fin.

    «On peut imaginer qu’ils ne fassent remonter que les informations qui les arrangent, dissimulent leurs pertes, pourtant nombreuses, et communiquent constamment sur des progrès, sans jamais atteindre une paix véritable,» craint-il.

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    Selon le Coordonnateur du Baromètre sécuritaire du Kivu, l’une des manières de sortir de cet état de siège serait que le Parlement joue pleinement son rôle de contrôle de l’exécutif, évalue objectivement cette mesure, et, s’il l’estime nécessaire, s’oppose à sa reconduction, ou alors, la conditionne à des réformes.

    C’est ce que l’on peut espérer après que ce lundi 1er novembre, l’Assemblée nationale ait autorisé pour la 11ème fois, la prorogation de l’état de siège dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu. 

    C’était au cours d’une plénière qui s’est déroulée en l’absence des députés de ces deux provinces qui ont suspendu leur participation à toute plénière visant la prorogation de l’état de siège, jusqu’à ce que, selon eux, le gouvernement prenne en compte les recommandations du Parlement.

    Bien qu’ayant autorisé pour la 11ème fois cette prorogation de l’état de siège, les députés nationaux ont dans leurs interventions, exigé les résultats, avant d’autoriser la 12ème, qui devrait intervenir dans 15 jours.

    Museza Cikuru

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