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    La ferveur de la gratuité de l’enseignement en RDC n’aura visiblement été que d’une courte durée !

    Cette joie des parents d’élèves de voir déposer le joug de la prise en charge ne durera qu’une petite année pleine des difficultés.

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    Annoncée avec pompe depuis 2019, par les autorités politiques au plus haut rang, celle-ci n’a pas su résister à la boulimie de l’homme politique congolais et des nombreux acteurs impliqués dans le secteur de l’éducation.

    Ils [hommes politiques] se sont tapés, comme toujours une part de lion dans la répartition du budget de l’Etat, laissant ainsi des miettes aux autres fonctionnaires dont les augustes enseignants.

    Si l’année scolaire 2019-2020 est arrivée à sa fin dans la formule et le slogan de la gratuité avec le sacrifice des enseignants qui ont vu leur alléchante prime payée par des parents suspendue et le misérable salaire de l’Etat arrivé parfois en retard ou même pas ; l’année suivante soit 2020-2021 n’a pas réussi à accrocher les enseignants à la gratuité.

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    « L’enseignement gratuit ne signifie pas un enseignant gratuit », disait-on dans leur milieu.

    Aggravée par l’arrivée de la pandémie à covid-19, la situation économique du Congo comme dans le monde est devenue de plus en plus précaire.

    Face à cela, l’enseignant congolais n’est pas resté indifférent. Plusieurs fois en grève, celui-ci a tout le temps exigé auprès de l’Etat son employeur ; des meilleures conditions de travail. Lesquelles passent par un salaire décent, la couverture sanitaire ou encore la suppression des zones salariales, etc.

    Tout s’est cristallisé avec la rentrée scolaire 2021-2022

    Alors que les autorités ont annoncé tambour battant la reprise des cours sur toute l’étendue du pays, des syndicats des enseignants ont dit NIET.

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    Catholiques, protestants, officiels ou autres, tous les syndicats des enseignants ont boycotté la rentrée du 4 octobre et ont amorcé un mouvement de grève suivi des manifestations dans plusieurs villes de la RDC.

    Pendant que les gestionnaires, comme jamais auparavant, ont pour une fois montré leur volonté à soutenir la gratuité de l’enseignement en RDC, l’Etat congolais par l’entremise de son ministre en charge de l’Enseignement primaire, secondaires et technique ; a biaisé toute la démarche.

    A l’allure d’un militant UDPS, il a préféré la menace à l’encontre des enseignants en lieu et place du dialogue et de compromis.

    Alors que la grève est un droit reconnu à tous les travailleurs, Tony Mwaba a annoncé la désactivation des enseignants qui sont impliqués dans celle-ci. Il en a fait pour 4 enseignants de la ville province de Kinshasa.

    Ce fut la goutte qui a fait déborder le vase.

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    Plus rien ne passait entre l’intersyndical des enseignants et le gouvernement congolais. Celui-ci est allé jusqu’à accuser l’église catholique d’être derrière la grève des enseignants pour combattre la gratuité, car selon lui, elle tirait des grands profits de la prise en charge des enseignants par les parents.

    Ce n’est pas faux, en effet. Les gestionnaires des Eglises Catholiques et Protestantes notamment ont largement tiré profit du système de prise en charge des enfants par les parents.

    Mais les questions principales restent : l’Etat a-t-il pleinement assuré et assumé ses responsabilités face à ses employés ? A-t-il construit ses écoles pour l’accueil des élèves ? A-t-il permis aux écoles d’avoir des moyens suffisants pour leur fonctionnement au-delà des frais payés modiques payés aux enseignants ?

    La mesure de la gratuité n’a-t-elle pas été décrétée dans la précipitation sans aucune mesure d’accompagnement ?

    Toute chose restant égale par ailleurs, la gratuité de l’enseignement ne pourra jamais être effective dans la version et l’approche dans laquelle celle-ci a été proclamée.

    Comme on fait son lit, on se couche dit-on.

     L’Etat ne devrait pas faire des enseignants des bêtes à immoler pour sauver la fameuse gratuité de l’enseignement.

    Ces derniers étant parents et ayant des charges devraient être pris en charge comme il se doit par leurs employeurs qu’est l’Etat.

    Malheureusement, comme toujours, l’Etat congolais n’a pas été capable d’honorer ses engagements vis-à-vis des enseignants.

    Et la prime revint avec force !

    Coincé par les revendications, du moins légitimes et légales des enseignants, le gouvernement congolais fléchit et fait marche.

    Dans les négociations à Mbwela Lodge, où séjournaient des délégués des enseignants de toutes les provinces, l’Etat il se dédit et annonce que la gratuité ne concerne que l’école primaire pourtant ; tel qu’annoncée par le Chef de l’Etat en 2019 et 2020, la gratuité était pour l’enseignement de base qui va de la première année primaire à la huitième, soit le deuxième secondaire dans le format actuel.

    L’Etat autorisera même aux écoles qu’il ne prend pas encore en charge à percevoir la prime des parents pour pouvoir prendre en charge les enseignants Nouvelles Unités (NU) et Non Payés (NP) en attendant qu’il résolve leur problème.

    La brèche pour la perception de la prime est ainsi ouverte par le ministre Tony Mwaba ; qui a certainement mal géré les frustrations des enseignants.

    Les Gouverneurs peuvent fixer à gré les frais à la Maternelle et au Secondaire

    Comme depuis l’annonce de la gratuité de l’enseignement de base, l’Etat avait pris soins de demander aux Gouverneurs des provinces de fixer les frais à percevoir dans le cycle Maternel et Secondaire des établissements publics.

    Cette mesure prise s’expliquait par le fait que l’Etat prenait déjà en charge les enseignants des écoles primaires et du secondaire mais que ceux du secondaire ne pouvaient pas se contenter de la seule paie de l’Etat. C’est d’ailleurs ce qui irrite jusque-là les enseignants à l’Ecole Primaire qui se voient privés des avantages des frais perçus des parents.

    Depuis, les Gouverneurs ont fixé des frais mais qui n’ont pas reçu l’assentiment des enseignants et gestionnaires. Le Gouverneur du Sud-Kivu par exemple, lui, prend soins de signer les arrêtés après le début de l’année scolaire alors que les écoles ont déjà fait payer aux parents des frais exorbitants.

    Des écoles primaires qui jusque-là n’ont pas repris faute de l’engagement sérieux ; trouvent des « arrangements particuliers » avec les parents pour la reprise des cours.

    Dans plusieurs écoles primaires même prises en charge par l’Etat, tout parent qui a besoin que son enfant continue son parcours, est obligé de signer un acte d’engagement contenant notamment le paiement de la prime pour son enfant, au mépris de la fameuse gratuité.

    Cette fois, c’est officiel, l’Etat a dit que la gratuité de l’enseignement à l’école secondaire ne le concernait pas.

    Le Sud-Kivu a alors battu le record, les frais sont fixés jusqu’à 90$ le trimestre dans les écoles publiques.

    Un montant jugé déjà exorbitant même avant l’arrivée de la gratuité de l’enseignement.

    L’Ecole fondamentale restera-t-elle toujours gratuite tel que le veut la loi suprême du pays ?

    En tout cas, les signaux sont au rouge et comme le dirait un enseignant Kinois, « kelasi eza gratuit te » (L’école n’est pas gratuite). Les jours à venir pourraient être révélateurs de beaucoup des rebondissements.

    En attendant, les syndicalistes, gestionnaires et dirigeants provinciaux peuvent se réjouir. Eux qui sont continuellement accusés d’avoir une partie des frais perçus des mains de parents ! La gratuité est alors devenue « gratuit te ».

    Jean-Luc M.

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