Alors que le dialogue de Nairobi 3 se prépare avec la facilitation de l’ancien Président Kenyan, Nicolas Kyalangalilwa veut y voir clair. Il scrupte les gestes du pouvoir et dénonce ouvertement ce qui pourrait s’apparenter à des grosses erreurs stratégiques de la RDC et du nouveau pouvoir. « Je ne suis pas prophète, mais je la vois déjà suffisamment anesthésiée par une dose d’euphorie anti-rwandais que je me demande s’il se rend compte, qu’au fait, son futur vient d’être remis entre les mains de ces mêmes rwandais ! », dit-il.
Ci dessous la Tribune sur le dialogue de Nairobi.
« Ce week-end du 12 Novembre 2022, nous avons tous assisté à un marathon diplomatique sur la question de l’Est de la RDC et principalement les affrontements des FARDC et le M23. Le Président de la République avait déjà averti dans un discours la semaine précédente que son choix du dialogue n’est en rien un signe de faiblesse mais plutôt une bonne volonté de sa part pour construire la paix dans la sous-région. Chacun a commenté son discours selon son entendement je ne vais pas y revenir dans cet article. Je veux plutôt tirer l’attention des observateurs et acteurs sur une tendance qui s’affiche mais que personne ne semble dénoncer à cause de l’euphorie dans laquelle on nous a entrainé sous un voile de patriotisme. On a utilisé le sentiment de colère et d’humiliation de la population pour la mettre dans une situation plus complexe si pas pire que celle actuelle.
- Maintenant le centre de gravité des négociations a migré de l’Ouest vers l’Est. Finalement l’est semble avoir gagné. C’est fini le temps pour la SADC ou la CIRGL des organisations qui, a mon avis, semblaient plus objectives dans l’approche pour la recherche d’une solution au problème congolais (et ils ont prouvé être efficaces quel que soit ce que les gens pensent- l’accord de Sun city et l’accord cadre d’Addis-Abeba en sont les fruits.
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Pourquoi cette migration est-elle dangereuse pour le congolais ? Eh bien tout simplement parce que ceux que la RDC pointe comme agresseurs depuis trois décennies, sont des acteurs influents et majeurs dans le bloc de l’Est.
Comment par exemple attendre que le facilitateur Kenyan, soit un peu plus dur avec le Rwanda ou l’Ouganda dans la résolution de cette crise congolaise quand on connait les liens sociologiques, économiques, politiques et sécuritaires qui unissent ces pays ?
- Ce qui est encore étonnant est qu’en observant les discours des officiels congolais, on comprend très bien qu’ils vont négocier avec le M23 même s’ils se perdent dans des actions de charme et de distraction envers la population congolaise.
C’est ainsi par exemple qu’après avoir échoué à charger les Nations Unies de leur propre turpitude, ils vont encourager un débat au parlement pour passer des recommandations qui, ils le savent, vont à l’encontre des exigences des négociations qui débutent déjà bientôt à Nairobi. Le double jeu des responsables congolais est manifeste mais personne ne se pose la question de savoir à qui il bénéficie ? Au moins on sait que ce sont des Congolais qui vont encore mourir par milliers directement ou indirectement à cause de la guerre qui ne s’arrêtera que quand les belligérants auront trouvé un terrain d’entente qui les satisfaits selon leurs exigences et cahiers de charge. Mais si on y ajoute le facteur que 2023, qui arrive dans moins de 60 jours, est supposée être une année électorale, on comprend vite le cynisme des acteurs politiques congolais. Et si le M23 n’était alors qu’un autre prétexte pour éviter les élections et passer au « glissement » tant réclamé par ceux au pouvoir ?
Alors toute cette histoire du M23 qui ressuscité de ses cendres tel un sphinx ne sera qu’une mascarade, un théâtre préparé, chorégraphié pour permettre à un régime en manque de bilan et de popularité de se maintenir au pouvoir et de se faire une santé politique. On sait tous qu’en tout cas, le régime actuel en RDC n’avait jamais été hostile au Rwanda, à l’Ouganda et au Kenya même pendant leur temps dans l’opposition.
L’épisode du RCD en alliance avec l’UDPS, l’accord de Nairobi, ainsi que les photos en 2018 pendant la campagne avec le Président Ougandais, et le soutien de Kigali au début du mandat de Félix en sont des preuves tangibles. Et lequel de ces pays n’a pas bénéficié financièrement du régime actuel ? Les banques Kenyanes contrôlent la quasi-totalité du marché bancaire congolais, l’Ouganda et le Rwanda sont officiellement dans les ressources naturelles, les minerais et les routes. De ces trois pays lequel a déjà octroyé ne fût-ce qu’un seul marché à la RDC ?
- J’ai lu le document des représentants des couches sociales du Sud-Kivu remis en mémorandum au facilitateur Kenyan, son Excellence Uhuru Kenyatta. Je ne vais pas revenir ici sur le débat de la représentativité et la légitimé de ce groupe que l’on sait a été concoctée pour les besoins de la cause.
Ce qui étonné et surprend et que la Société civile du Sud-Kivu connut pour ses analyses profondes, sa vision d’aigle est cette fois-ci apparue pour ce qu’elle est réellement un lion qui a été dompté et a perdu ses dents. Le document sentait du mercantilisme humanitaire autant qu’il manquait cette flaveur piquante reconnue à la Société civile du Sud-Kivu comme ci la seule chose qui les intéressait était l’accès aux financements de ceux même qu’ils accusent d’agresseurs ! Et Oui très perplexe.
Pire, le document n’est pas revenu sur les causes réelles internes et externes de l’insécurité. Puisqu’il faut le dire, il existe des causes internes à cette insécurité. Nulle part dans le mémorandum on n’a demandé l’évaluation des processus antérieurs pour faire un diagnostic concret de ce qui bloque la région depuis plus de trois décennies.
Lire aussi: Le M23, renaît-il de ses cendres ? (Mon point de vue Ep. 31)
Cette même Société civile, qui il y a peu, ne voulait pas des troupes des EAC (on a tous lu leur déclaration) n’en a pas fait mention et pire a même usé des stratagèmes que je ne mentionnerai pas ici pour se retrouver dans la délégation ! Comment sommes-nous tomber si bas ? Ou sont ces leaders de la Société civile qui faisaient peur au monde entier et étaient le cauchemar des faiseurs des rois de la sous-région ?
En conclusion..
Il ressort donc de mon analyse que on est encore parti pour un round des négociations, qui vont gaspiller et dilapider des ressources pour accoucher d’une souris. Oui, certains vont rester au pouvoir mais ils vont laisser les problèmes aussi intacts qu’ils les ont trouvé avant la prise du pouvoir, si pas pire. Il reste à savoir ce que le peuple ferra. Je ne suis pas de nature pessimiste, mais pour une fois je dois reconnaître que Collette Braeckman avait raison dans son éditoriale récente « Les amis du Congo ce sont les congolais eux-mêmes ».
Mais je ne vois même pas cette prise de conscience naître au sein de l’Elite congolaise. Et je ne saurai dire quand est-ce qu’elle naîtra d’autant plus que les signes de sa présence ne sont pas là. Je ne suis pas prophète, mais je la vois déjà suffisamment anesthésiée par une dose d’euphorie anti-rwandais que je me demande s’il se rend compte, qu’au fait, son futur vient d’être remis entre les mains de ces mêmes rwandais !
Mais je crois en ce peuple et son destin pour affirmer qu’il ne s’agit-là que d’un épisode malheureux qui va passer. Le temps de l’éveil patriotique et de la gloire sont en plein téléchargement…Il y a aussi des congolais qui prennent conscience des manipulations politiciennes et qui en ont marre…et leur nombre est croissant…Wait and see !
Rév. Kyalangalilwa M Nicolas
Ceci est le 84ème épisode des chroniques « Mon Point de vue » du Révérend Pasteur Nicolas Kyalangalilwa. « Mon Point de vue » est une chronique d’analyse de l’actualité provinciale, nationale et régionale animée par Nicolas Kyalangalilwa, d’abord célèbre et fervent acteur de la Société Civile, puis acteur politque et diffusée sur la radio Jambo FM émettant sur 92.0 MHz à Bukavu au Sud-Kivu. Elle est diffusée tous les lundis, jeudis et dimanches à 20 heures 15. La rediffusion de ces épisodes se fait les mardis, vendredi et lundi à 8 heures du matin. LaPrunelleRDC vous les proposera également en écrit et en audio.