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    Député invalidé du territoire de Beni au Nord-Kivu, Jules Vayihekya s’est exprimé sur le bilan de l’état de siège; plus de 30 jours après sa proclamation dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri. Ce député très impliqué dans les questions sécuritaire dans la région de Beni; où les rebelles ADF continuent de perpétrer des atrocités, estime que l’état de siège a une obligation de résultat, et non de moyens. Selon lui, les actions du Gouvernement ne se font pas ressentir sur le terrain.

    Dans cette interview accordée à Laprunellerdc.info, Jules Vayihekya, insiste auprès des autorités militaires des deux provinces; afin qu’ils puissent évaluer la situation quotidiennement; pour comprendre s’il y a eu des avancées par rapport à la période où l’état de siège n’était pas encore décrété.

    LaPrunelleRDC : Le Chef de l’Etat a décrété l’état de siège au Nord-Kivu et en Ituri depuis le jeudi 6 mai dernier. Plus de 30 jours après, comment évaluez-vous les actions entreprises par le Gouvernement ?

    Jules Vayihekya : La mise en place de la décision de l’état de siège dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu a été très bien saluée par la population; parce que vous savez cette mesure avait été réclamée, revendiquée depuis longtemps, mais on ne l’avait jamais obtenue. Et donc son avènement c’est une bonne nouvelle pour la population.

    Mais la question d’évaluation de ces 30 premiers jours est quand-même assez mitigée; parce que quand vous lisez les attentes de la population; l’état de siège a une obligation du résultat et non pas de processus. L’obligation du résultat, c’est-à-dire qu’on doit voir les ADF être maîtrisés, neutralisé; et beaucoup d’autres signes qui rassurent, qui permettent à refaire la vie dans ces zones sinistrées.

    LaPrunelleRDC : l’état de siège sera-t-il à même de mettre fin à ces atrocités

    Jules Vayihekya : Oui, c’est très possible si les moyens sont là. A l’issue de 30 premiers jours, quelque chose a été faite par les autorités. C’est comme l’effectivité elle-même de l’état de siège, donc la mise en place du gouverneur; des maires des villes, des administrateurs des territoires… Donc tout ça, ce sont des signaux qui ont essayé de passer dans l’opinion et de rassurer.

    Parce que la présence de ces personnes-là a été perçu par la population comme une volonté du gouvernement; à pouvoir finalement prendre à bras les cornes la situation de l’insécurité. Et si vous observez sur terrain, tout le monde observe, tout le monde respecte, et tout le monde a la volonté de pouvoir accompagner cette mesure. Parce que c’est vraiment la dernière chance pour que l’insécurité puisse être endigué dans ses deux provinces.

    LaPrunelleRDC : sur terrain, est-ce que la situation a changé ?

    Jules Vayihekya : A ce niveau-là, on n’a pas encore perçu de manière objective, significative, les effets de l’état de siège. C’est à ça que justement que je me suis interrogé. Parce que lors qu’on sent différentes perceptions de la situation, ça ne va pas dans le même sens. Quand ce sont les officiels de l’état qui en parlent, eux vous disent non, il y a des avancées; et on est dans le bon ,les signaux sont plutôt satisfaisants; et les actions sur terre produisent maintenant les effets du résultat.

    Mais du côté de bénéficiaires, c’est-à-dire la population elle-même, elle estime qu’il n’y a pas suffisamment de chose; parce que les ADF continuent à tuer, continuent à bruler leurs véhicules, les champs ne sont pas encore accessibles à la population. Les gens sont encore dans les lieux de refuge, et vu tout ça, la population se dit, on n’a encore rien fait. Moi j’ai pensé que nous tous, population et autorités, pouvons aspirer aux mêmes effets, aux mêmes résultats de l’état de siège. C’est-à-dire le retour de la paix, le rétablissement de la sécurité.

    LaPrunelleRDC : Qu’est ce qui devrait être fait concrètement par le Gouvernement dans le cadre de cet état de siège, pour venir à bout de l’activisme des groupes armés ?

    Jules Vayihekya: A part le renforcement des FARDC pour qu’ils soient efficaces dans leurs actions, je propose au Gouvernement de la République, principalement au Ministère de la Défense; de faire comme le Ministère de la Santé fait dans la lutte contre le Covid-19. Avec la pandémie, on a vu que le ministère a mis en place un bulletin d’information journalier; qui permet à rendre compte certaines recevabilités journalières. On sait dire à la population comment évolue la courbe de contamination. Il est possible que ça soit fait pour des questions de sécurité, pour les actions du Gouverneur et des autorités militaires; de façon que chaque jour, la population soit mise au courant du résultat obtenu par l’état de siège.

    Cela à mon avis, permettra à la population d’accompagner les autorités militaires dans leurs actions; et cette synergie-là ferait que la force soit plus grande et les résultats plus probants. Et de ce point de vue, j’ai proposé que le gouverneur militaire puisse mettre en place ce bulletin sécuritaire hebdomadaire; qui permettra chaque jour ou tout au moins chaque semaine de dire avec précision; combien des villages ont été récupérés, combien d’ADF ont été neutralisés, combien des villages ont été réoccupés par la population sous la sécurisation des militaires. On va nous dire combien de personnes complices ont été récupérés au sein de l’armée et au sein de la population civile. On doit nous dire combien d’armes, combien des minutions ont été récupérées des mains de ses bandits.

    LaPrunelleRDC : Vous voulez donc quotidiennement être mis au courant de la situation ?

    Jules Vayihekya: Oui. On doit nous dire combien des bandits ont été tués, on doit nous dire la proportion, pour nous permettre de savoir il y a évolution, ou il n’y en a pas.  Combien des personnes ont été tuées par rapport à ce qu’il était avant le début de l’état de siège; afin de dégager une proportion qui nous permettra de faire la comparaison de l’évolution. Parce que on sait que le taux de tuer zéro ne peut pas être immédiatement envisagé. C’est sûr que c’est un processus et dans le quel certaines victimes pourraient tomber; parce que les ADF étant encore actifs.

    Mais même s’il y a des tueries, nous devons pouvoir évaluer et comparer pour dire dans quelle direction de la courbe. Est-ce que c’est descendant en le comparant aux données avent état de siège; ou est-ce que c’est ascendant. Et c’est seulement cela qui va nous permettre de conclure qu’il y a réussite ou il y a échec. Voilà au fait ce que je fais comme proposition aux autorités, parce que dans tous les cas, le travail doit se faire dans la plus grande transparence; dans la redevabilité pour que tout le monde se mette d’accord et que les efforts soient conjugués; tout en ayant confiance les uns aux autres.

    Propos recueillis par Esther Nino, depuis Cape Town

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