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    Prix Nobel de la Paix 2018, le Docteur Denis Mukwege met les dirigeants congolais devant leurs responsabilités. Dans une déclaration parvenue à LaPrunelleRDC.info, le célèbre gynécologue congolais, témoin des ravages des nombreux crimes en RDC appelle à assainir les institutions. Il appelle notamment les dirigeants à nommer des congolais qui n’ont pas encore trempé dans les nombreuses violations des droits de l’homme. Ci-dessous l’intégralité de la déclaration du Docteur Denis Mukwege.

    « Déclaration du Dr. Denis Mukwege sur la nécessité d’assainir les institutions de la République 

    Pour avancer sur le chemin d’une paix durable, nos dirigeants devraient  retenir les erreurs du  passé  et  rompre  avec  les  politiques  qui  ont  prolongé  et  aggravé  la  souffrance  du  peuple  congolais et l’instabilité ayant occasionné des conséquences désastreuses sur la protection des  civils.

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    Depuis Sun City en passant par Lusaka et Kampala, les accords de paix ont  systématiquement  bradé  la  justice  sur  l’autel  d’une  paix  dont  les  dividendes  ne  sont  jamais  parvenus  à  l’Est  du  pays.

    Ces  différents  accords  politiques  visant  à  mettre  fin  à  la  violence  ont  planté  les  graines  de  l’instabilité et de la culture de l’impunité en intégrant des éléments des groupes armés rebelles,  congolais et étrangers, au sein des forces de sécurité et de défense de la République. En effet,  les processus de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion sous-financés et bâclés ainsi que  les  politiques  de  «  mixage  »  et  de  «  brassage  »,  souvent  accompagnées  de  promotions,  ont  intégré l’indiscipline au sein des institutions, et ce jusqu’au plus haut niveau de l’Etat.

    En gratifiant ainsi  des  criminels au lieu  de les  traduire en justice,  cette  stratégie  de tireurs  de  ficelles tapis à Kinshasa, Kigali, Kampala et Bujumbura encourage les groupes armés en brousses  à attendre leur tour.

    Cette  situation  favorise  l’émergence  d’un  système  légitimant  la  violence  et  la  commission  de  crimes comme mode d’accès au pouvoir. Elle entretient une spirale infernale de violences sans  fin et hypothèque l’instauration d’une paix durable.

    C’est dans ce contexte que nous exprimons notre circonspection  face à la  récente nomination  par  ordonnance  présidentielle  d’un  ancien  chef  rebelle  du  RCD-Goma,  du M-23  et  de  l’ALEC,  comme  Coordinateur  du  Programme  de  Désarmement,  Démobilisation,  Relèvement  Communautaire et Stabilisation.

    Alors  que  le  Chef  de  l’Etat  s’est  engagé  à  placer  la  justice  transitionnelle  à  l’agenda  du  gouvernement  «  pour  bâtir  le  chemin  de  la  réconciliation  nationale  et  de  la  paix  »,  nous  plaidons  pour  l’adoption  d’une  stratégie  nationale  holistique  de  justice  transitionnelle  qui  priorise  des  réformes  institutionnelles  visant  à  prévenir  la  non-répétition  des  atrocités  commises sur les populations civiles, notamment par une réforme profonde des secteurs de la  sécurité et de la justice.

    Le lien le plus manifeste entre la justice transitionnelle et la réforme des institutions consiste en  la mise en place de procédures d’assainissement (vetting) qui visent à l’identification et à la mise  à l’écart des institutions publiques des personnes responsables de violations des droits humains  et du droit international humanitaire ainsi qu’à la mise en place des mécanismes de vérification  des antécédents en matière de droits humains de ceux qui aspirent à entrer dans les services  publics.

    Ainsi, dans le cadre de la genèse du processus de justice transitionnelle auquel aspire le peuple  congolais,  le  gouvernement  devrait  entreprendre  sans  tarder  des  réformes  institutionnelles  pour garantir le respect de l’état de droit, favoriser une culture des droits humains et rétablir la  confiance dans les institutions.

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    La Nation congolaise  regorge de  femmes et d’hommes intègres  sans antécédent de violations  graves  des  droits  humains, et  s’il  existe  une  réelle  volonté  politique  d’éradiquer  les  groupes  armés,  de stabiliser l’Est  du  pays,  d’assurer le  relèvement  des  communautés affectées  par les  exactions  des  milices  qui  sévissent  dans  notre  pays  depuis  25  ans  et  d’instaurer  une  paix  durable; le temps est venu d’exploiter pleinement les potentialités de ce capital humain épris de  paix et de justice et de rompre avec les politiques visant à accorder des promotions à ceux qui  devraient répondre de leurs actes devant la justice.

    Dr. Denis Mukwege »

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