Une vive tension a été observée à la prison centrale de Bukavu ce mardi 17 novembre 2020. À la base, l’arrestation le lundi 16 novembre dernier de l’Abbé aumônier catholique Adrien Cishugi; et de Madame Paméla médecin directrice du centre médical pénitentiaire de cette maison carcérale.
Selon les premières informations parvenues à laprunellerdc.info, ces deux responsables ont été arrêtés et transférés au parquet général de Bukavu ce lundi 16 novembre 2020.
Ces arrestations ont provoqué dans la journée de ce mardi 17 novembre, une vive tension dans le chef des détenus; qui se sont livrés au jet des pierres sur le bâtiment abritant le centre médical; les bureaux administratifs, et sur la RN5 place de l’indépendance-Major Vangu.
Un passé opaque du médecin et de l’aumônier au sein de la prison
Des sources proches du personnel soignant du centre médical de cette maison carcérale, renseignent que la responsable du Centre médical pénitentiaire de la prison centrale de Bukavu arrêtée; et qui gère ce centre médical depuis plus de 5 ans, faisait déjà objet de plusieurs plaintes du personnel soignant du centre.
Selon nos sources, en date du 25 novembre 2019, une lettre de dénonciation; avait été adressée au Gouverneur de la province du Sud-Kivu par le personnel soignant de ce centre médical. Dans cette lettre, les signataires dénonçaient plusieurs griefs à charge du Dr Pamela; qui seraient commis en complicité avec l’aumônier catholique.
Parmi ces griefs, le personnel soignant dénonce la gestion opaque et le détournement des intrants médicaux du centre par la responsable; le manque des réunions avec le staff médical, et plusieurs autres charges.
« Cinq ans durant leur mandat, aucune réunion du staff médical n’a été tenue; alors que c’est dans ces réunions que le staff échange sur la prise en charge et l’évolution des patients; » avait écrit le personnel soignant.
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D’autres charges à l’encontre de ces deux responsables selon cette lettre; c’est le manque de collaboration avec le staff médical dans la gestion de certaines activités et programmes notamment VIH/TBC.
Le personnel soignant évoque dans cette lettre, le détournement des kits chirurgicaux et les autres matériels; dons du gouvernement central du centre médical au profit d’ un centre privé, que détiendrait le médecin responsable.
Dans cette lettre, le personnel soignant pointe par ailleurs du doigt l’aumônier catholique dans un projet de la MONUSCO pour la prise en charge de la malnutrition; dont le centre était bénéficiaire à hauteur de 4.000$ par mois, et cela pour une durée de 4 mois, soit d’avril à juillet 2019.
« Ce projet fut supervisé et géré par l’aumônier et la responsable médicale sans que le staff ne soit informé » regrette le personnel soignant.
Une autre charge relevant d’une faute professionnelle que le personnel soignant évoque, c’est une présumée administration des produits laitiers périmés aux prisonniers malades; dans le but de justifier le financement de la MONUSCO pour la prise en charge de la malnutrition.
Selon la lettre, le staff médical fut surpris de constater que des produits laitiers expirés dont la date de péremption remonte au 3 juin 2019 soient administrés aux malnutris; aggravant ainsi leur état nutritionnel et immunitaire. Certaines sources affirment même que ces produits auraient occasionné des décès de certains détenus malades.
Dans sa correspondance, le personnel soignant avait alors demandé au Gouverneur de province de diligenter une enquête mixte de supervision à la prison centrale de Bukavu pour s’enquérir de la réalité; et organiser dans un bref délai une réunion élective pour doter à cette maison carcérale de nouveaux représentants, afin d’améliorer la qualité des soins des détenus.
L’arrestation inédite à la base des tensions
Quelques jours après, la responsable du centre médical fut suspendue et mise à la disposition de la division provinciale de la Santé. La responsable du centre se rendra par la suite à Kinshasa, puis s’en suivra une série de nomination des nouveaux dirigeants du centre médical par l’autorité provinciale.
Quelques mois après, elle fut réaffectée par arrêté du vice-Gouverneur dans le centre médical de la maison carcérale de Bukavu; avant d’être promise le 2 novembre 2020 dernier, sur décision du Gouverneur Théo Ngwabidje, comme nouvelle responsable du centre.
Si pour l’instant aucun motif n’est officiellement évoqué pour cette arrestation, des sources sûres évoquent les griefs contenus dans ladite lettre de dénonciation; comme ayant conduits au rebondissement du dossier, et pourraient constituer les raisons de l’arrestation de ces deux responsables.
Notons qu’actuellement le Centre médical de la prison centrale de Bukavu, compte en son sein 9 médecins; alors que la loi prévoit un médecin pour 500 détenus, soit 4 pour cette prison d’un peu moins de 2.000 détenus.
Bertin Bulonza