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    Le Centre de Recherche et d’Analyse des Conflits et de la Gouvernance (Angaza Institute) de l’Institut Supérieur de Développement Rural (ISDR-Bukavu) a présenté ce lundi 6 juin 2022 à Bukavu, les résultats finaux de la recherche sur la sécurisation foncière dans les milieux affectés par les conflits au Burundi et à l’Est de la République Démocratique du Congo.

    C’était au cours d’un atelier régional de clôture du projet « Sécurisation foncière paix durable, les défis de la sécurisation foncière dans les milieux affectés par les conflits au Burundi et à l’Est de la RDC ».

    Au cours de cet atelier, le Professeur Docteur Emery Mudinga, Directeur de Angaza Institute a expliqué qu’à l’Est de la RDC, tout comme au Burundi, la question de la sécurité foncière est globale, et il faut y penser de manière holistique.

    Présentant les résultats de l’étude dans les deux pays, les Professeurs Mudinga et Nukuri ont fait observer qu’en RDC tout comme au Burundi, les paysans gardent une mauvaise conception sur la sécurisation foncière à travers le processus conduisant à un document écrit, tel que envisagé par les Acteurs Non-Étatiques et l’État.

    D’où l’approche de promouvoir l’accès facile aux certificats ou titres fonciers coutumiers par les paysans pour réduire les conflits fonciers au pays.

    «Les recherches ont noté premièrement que la sécurité foncière tel qu’envisagé par les ONG et l’état, l’est à partir de la possession d’un document écrit. Pour les ONG, dans un contexte où les gens ne peuvent pas accéder aux titres fonciers, il faut promouvoir les certificats fonciers coutumiers. On ne se limite pas à inciter les gens à posséder ce document mais au moins ils essaient déjà de sécuriser le droit foncier à la base. La deuxième chose est que la conception de la sécurité telle qu’elle est envisagée par les paysans en milieu rural reste en permanence différente de celle envisagée par les ONG et les acteurs étatiques. Pour le paysan, être en sécurité c’est vivre, habiter et cultiver une terre dont les voisins lui reconnaissent la propriété et le droit. Et à partir du moment où il n’y a personne qui convoite cela, il estime qu’il est en sécurité et qu’il n’a pas forcément besoin d’avoir un papier. Raison pour laquelle on s’est rendu compte que malgré que les organisations de la Société Civile ont essayé de promouvoir la possibilité d’avoir un titre foncier coutumier moins cher, les résultats montrent que très peu des paysans sont allés récupérer leurs certificats parce qu’ils ont une mauvaise perception par rapport à la sécurité foncière,» a expliqué le Directeur de Angaza Institute.

    Un autre élément de la recherche démontre que la question de la jouissance des droits de terre reste essentielle. «Cette jouissance contraste avec la possession d’un titre. C.-à-d. posséder un titre et jouir des droits sur une terre n’est pas la même chose,» a laissé entendre Emery Mudinga qui a soutenu que lorsque les conditions sécuritaires ne sont pas réunies,  et qu’il a une situation qui va occasionner le déplacement des populations, cela va jusqu’à amener les gens à perdre la jouissance de leurs droits.

    « Donc il faut conjuguer sécurité politique, sécurité de territoire et sécurité de droit foncier » conseille-t-il.

    Par ailleurs, la recherche démontre, que ça soit au Burundi ou Congo, que la sécurité foncière est globale et il faut y penser de manière holistique. Se basant sur les résultats de la recherche, le directeur de Angaza Institute propose également la réforme de toutes les lois qui touchent au foncier.

    «Avec la réforme foncière aujourd’hui, il est demandé que la loi sur les mines, l’agriculture, l’aménagement du territoire soient également revues. Pour les chercheurs il faut une vision globale des toutes les lois qui touchent sur le foncier,» propose-t-il.

    « Pas de développement sans sécurité foncière » a pour sa part soutenu le Professeur Docteur Emery Nukuri du Burundi, qui a brossé plusieurs lignes sur l’état de lieu de la réforme foncière au Burundi.

    De son côté Déo Buuma, Directeur exécutif de l’organisation Action pour la Paix et la Concorde (APC), l’une des organisations engagées dans la gouvernance foncière en RDC, a partagé avec les participants, l’état de lieu de la sécurisation foncière à base coutumière, ainsi que les défis et perspectives du processeurs de la réforme foncière en RDC, avec un focus sur l’expérience des territoires de Kabare et Kalehe.

    Celui-ci a démontré que la partie Est de la RDC est jusqu’ici réputée « instable », suite aux conflits multiples qui y sont enregistrés et qui affectent la cohésion et la paix sociale. Parmi ces conflits, il a noté le foncier, en plus du conflit de pouvoir et d’identité.

    Selon lui, les conflits fonciers les plus enregistrés sont ceux liés à la dépossession et spoliation des terres des communautés faute d’une sécurisation adéquate, et l’exploitation ou conservations des ressources naturelles, qui ne tient pas compte des communautés locales.

    Partageant les expériences de certaines chefferies de Kabare et de Kalehe, notamment la chefferie de Buhavu, Buloho et Kabare, le Directeur exécutif de l’APC a expliqué que des approches ont été mises en place pour contribuer à la prévention et la transformation des conflits fonciers et l’accès aux terres par des paysans.

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    C’est notamment la sécurisation foncière à base coutumière (décentralisation foncière) qui selon lui a beaucoup contribué à la prévention et la transformation des conflits fonciers liés aux limites, spoliations et dépossessions des communautés, en réduisant ainsi le recours à la justice dans le dénouement des conflits fonciers et facilitant la cohésion sociale entre membres des communautés jadis en conflits.

    Il sied de signaler que le projet « Sécurisation foncière paix durable, les défis de la sécurisation foncière dans les milieux affectés par les conflits au Burundi et à l’Est de la RDC » est un projet de recherche, du programme Transformations to Sustainability (T2S), qui a facilité la production d’un doctorat, la publication de plusieurs articles et la collaboration entre académiques et praticiens.

    La présentation des résultats de ce jour va permettre aux acteurs de réfléchir sur d’autres pistes de collaboration possibles avec l’État, acteurs non étatiques, mais également d’envisager d’autres pistes de recherche.

    Le projet a connu la participation des acteurs des Burundi et de la RDC. Ils sont issus des services étatiques, de l’administration foncière, des ONG qui travaillent sur les questions foncières, des chercheurs, des chefs coutumiers et plusieurs autres qui interviennent dans le foncier.

    Depuis 2018, année de son début, ce projet a mis en collaboration les acteurs académiques de l’Université Chrétienne Bilingue du Congo, l’Université de Radboud et Wagening au Pays Bas, l’Université Catholique de Louvain en Belgique, l’ISDR-Bukavu, la Coppération Internationale (ZOA et UN-Habitat) et plusieurs organisations de la Société Civile.

    Bertin Bulonza

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