Accès Humanitaire

    Au cours des 10 dernières années, le nombre de personnes dans le monde qui ont été forcées de fuir leur foyer et d’être déplacées dans leur propre pays a plus que doublé. Les déplacements internes sont en augmentation dans le monde entier. Mais en République démocratique du Congo (RDC), l’augmentation du nombre de personnes déplacées à l’intérieur du pays a été particulièrement marquée.

    Le pays compte la plus grande population de personnes déplacées sur le continent africain : 6,2 millions de personnes, dont 700 000 personnes nouvellement déplacées cette année. La RDC accueille également plus de 500 000 réfugiés et demandeurs d’asile (principalement du Burundi, de la République centrafricaine et du Soudan du Sud).

    Les facteurs à l’origine des déplacements internes sont souvent complexes et interconnectés, des conflits, des chocs liés au climat, des catastrophes à l’augmentation des taux de crimes violents. En RDC, les conflits prolongés dans les provinces orientales de l’Ituri, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, ainsi que le regain de tensions dans les régions du centre-sud du Kasaï et du Tanganyika ont été la principale source de déplacement dans le pays, forçant des millions de personnes à quitter leur foyer, souvent à plusieurs reprises.

    Alors que les conflits intercommunautaires dans les provinces de l’Est entrent dans leur deuxième décennie et que les tensions et la violence liées à l’utilisation des terres et à l’exploitation des ressources naturelles se poursuivent, notamment par le biais des nombreux groupes armés actifs dans ces régions, de plus en plus de familles déplacées sont obligées de dépendre de l’aide humanitaire pour survivre.

    Le coordinateur résident et humanitaire se tient aux côtés d’un groupe de collègues sur le site de Tabac Congo IDP à Kalemie, dans la province du Tanganyika, en juin 2022.

    Équilibrer le lien

    Comme nous le savons, l’aide humanitaire – bien que nécessaire pour alléger les souffrances à court terme – n’est pas suffisante pour résoudre les défis structurels profondément enracinés qui entraînent les déplacements internes. La nécessité de trouver des solutions durables et durables à la question des déplacements internes en RDC ne pourrait pas être plus urgente.

    Il est essentiel de trouver la cohérence et de rétablir l’équilibre entre l’action humanitaire, la consolidation de la paix et l’action de développement, et c’est la première des nombreuses mesures nécessaires pour trouver des solutions plus durables aux déplacements internes et répondre aux besoins des millions de personnes bloquées dans les sites de personnes déplacées.

    Au cours des dernières années, nous- l’équipe de pays des Nations Unies en RDC ainsi que l’équipe de pays humanitaires, avons travaillé en étroite collaboration avec le gouvernement de la RDC et les autorités provinciales, ainsi qu’avec d’autres partenaires de développement, humanitaires et de consolidation de la paix, pour mettre en œuvre le lien entre l’aide humanitaire, le développement et la paix.

    En travaillant en coordination avec des partenaires nationaux et internationaux, cette stratégie basée sur le lien s’éloigne de l’approche centrée sur le projet pour s’attaquer aux principales causes structurelles du déplacement interne – ce que j’en suis venu à appeler les « nœuds gordiens ». En m’appuyant sur mon expérience récente en Haïti en tant que Coordonnateur résident et humanitaire et Représentant spécial adjoint du Secrétaire général, j’en suis également venu à reconnaître l’importance de travailler avec les autorités nationales pour intensifier et mettre en œuvre les politiques publiques existantes afin de stimuler la trajectoire de développement du pays.

    Le développement comme multiplicateur d’effets

    Au centre de cette approche se trouve la reconnaissance qu’après 20 ans de dépendance à l’égard de la communauté humanitaire et de présence des forces de maintien de la paix de l’ONU (MONUSCO), qui jouent un rôle essentiel dans la protection des civils, nous devons ouvrir plus d’espace aux acteurs du développement en RDC – et travailler de manière plus équilibrée pour traiter à la fois les symptômes et les facteurs du déplacement.

    Même pendant la période actuelle de crise et d’escalade de la violence, j’en suis venu à voir à quel point il est important de semer les graines du développement et de s’attaquer aux vulnérabilités sous-jacentes qui ont déraciné tant de familles à travers le pays en premier lieu.

    Lors de plusieurs visites dans la province du Tanganyika, qui compte un nombre élevé de personnes déplacées, j’ai été frappé par le nombre de facteurs différents – à la fois les symptômes et les facteurs de déplacement – y compris les niveaux élevés d’insécurité alimentaire, la difficulté d’accès aux services, la concurrence sur la richesse des ressources naturelles de la région et l’escalade de la violence contre les civils.

    J’ai parlé avec de nombreuses personnes déplacées lors de ces visites dans la province du Tanganyika, chacune d’entre elles partageant sa propre histoire de déplacement et expliquant les conditions difficiles dans lesquelles elles vivent actuellement.

    « Ce que nous voulons le plus dans le monde, c’est rentrer chez nous, cultiver notre terre, mais les conditions de sécurité ne sont pas encore là – et nous devons donc continuer à vivre dans ces conditions difficiles. Nous voulons que la paix revienne parce que seule une paix durable peut nous permettre de retourner dans nos villages », a expliqué l’un des dirigeants du site de déplacés de Kabembe dans la localité de Taba Congo.

    Trouver une solution durable aux déplacements forcés dans cette partie du pays nécessite clairement la participation de nombreux acteurs différents – des artisans de la paix, des humanitaires, des partenaires de développement et des gouvernements locaux, tous travaillant ensemble vers un plan d’action commun et des résultats collectifs.

    Dans le cadre de ce lien, le développement peut avoir un effet multiplicateur important, en aidant à renforcer les acteurs et les systèmes locaux, à stimuler le développement économique local et à soutenir un retour de l’autorité de l’État. Il est essentiel de travailler avec les organisations locales, y compris les ONG et les organisations de la société civile. Nous devons continuer à joindre le geste à la parole en matière de localisation.

    Dans l’est de la RDC, une région qui a trop compté sur les acteurs humanitaires pour la fourniture de services sociaux et d’infrastructures publiques dans le passé, l’autonomisation des acteurs étatiques locaux est une étape clé pour construire des solutions plus durables au déplacement, et nous continuerons à prioriser au sein de l’équipe de pays des Nations Unies dans les années à venir.

    Une voie prometteuse pour l’avenir

    Le Programme d’action du Secrétaire général de l’ONU sur les déplacements internes marque un pas important dans cette direction. S’appuyant sur les recommandations du Groupe de haut niveau sur le déplacement interne à la fin de 2019, le Programme d’action définit une série d’engagements pour le système des Nations Unies afin d’intensifier son engagement et de construire des solutions plus durables au déplacement interne, en plaçant la prévention, la protection et les partenariats locaux au centre.

    Les défis à venir pour la RDC sont importants, mais j’espère que le nouveau Programme d’action, parallèlement à l’approche basée sur les liens, garantira que les communautés déplacées seront davantage protégées, que les autorités locales seront renforcées et que les acteurs du développement seront mis à l’échelle.

    Bruno Lemarquis, Représentant spécial adjoint du Secrétaire général de l’ONU, et Coordonnateur résident et Coordonnateur des opérations humanitaires en RDC.

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